Je pense que ce sont des joueurs qui ont l'Algérie dans le cœur. Vous êtes forcément heureux et moins tendu aujourd'hui, non ? Je suis très heureux, en effet, d'avoir réussi à procurer autant de joie aux Algériens à travers tout le pays et même à l'étranger. Je remercie tous ceux qui nous ont soutenus ce jour-là et après, notamment le président de la République qui nous a envoyé un message très touchant. C'est une lettre qui nous a fait beaucoup de bien, parce que cela dénote de l'importance que peut prendre une victoire de l'EN au sein de la société. Comment vous sentez-vous aujourd'hui avant le départ en Afrique du Sud ? Personnellement, je me sens très fatigué parce que durant ces quatre jours, j'ai été très sollicité de partout. Je n'avais pas prévu tout cet engouement (il rigole). Je n'ai pas eu de moment de répit pour moi et ma famille. Mais c'est une belle fatigue. Vous avez pris un peu « d'altitude » après cette victoire ? Non, non, on saura garder les pieds sur terre ne vous inquiétez pas. Vous revenez de loin quand même, après avoir été menacé et tout le reste, non ? Le football est une vraie école de la vie. Une fois vous êtes en haut et une autre fois vous risquez d'être en bas. Ainsi vont les choses en football. Mais personnellement, je sais me préserver pour ne pas succomber. J'ai appris à me protéger avec le temps. Ma philosophie, c'est de ne pas m'enflammer ni sur le banc de touche ni après les grandes victoires ni après les défaites amères. Je pense toujours à garder une constance dans mes sentiments, même si parfois on ne peut pas tout maîtriser. Les défaites ne sont pas toujours acceptées par les supporteurs. C'est ce que j'essaie d'expliquer justement au public. Les gens doivent apprendre à accepter les victoires comme les défaites. Parce que cela fait partie du jeu. Cela fait partie des évolutions des sentiments dans une société. Un jour on rit, un autre on pleure. Mais ce n'est pas parce qu'on a perdu qu'on doit tout casser. Ce n'est pas la fin du monde, vous savez. Comment avez-vous vécu ce match avec votre famille, notamment après avoir tenté de les sécuriser, après avoir versé cette larme du cœur pour eux ? En réalité, j'étais loin de ma famille avant le match. Ma femme, j'ai pris les précautions de l'éloigner de toute cette tension… Loin d'Alger ? Non, loin de l'Algérie carrément. Elle est partie à l'étranger (il sourit). En fait, elle est malade, elle a de la tension, elle a la spasmophilie. Elle voulait rester auprès de ses enfants, mais j'ai refusé. Je lui ai demandé d'aller se reposer loin de cette tension. J'avais peur qu'on la perde tout simplement. Que Dieu lui donne longue vie. Merci beaucoup. Elle n'est pas à l'abri d'un choc émotionnel qui lui coûtera la vie. Ma femme est une personne qui stresse beaucoup et comme je n'avais pas envie de la perdre, j'ai dû donc l'éloigner de toute la tension qui entourait le match contre l'Egypte. Il est vrai que nos vies sont entre les mains d'Allah, mais les précautions ne sont pas de trop dans ce genre de situation. Comment avez-vous vécu la nuit de la victoire ? Franchement, je n'ai pas réussi à trouver le sommeil, car j'étais encore dans le match. Je vous assure que même après avoir vu les gens dans le stade déchaînés de bonheur, je ne savais pas comment cette victoire était perçue dehors. Je suis resté éveillé toute la nuit et vers quatre heures du matin, j'ai allumé la télévision et c'est là que j'ai vu tout ce monde qui est sorti défiler dans les rues du pays. C'est là que j'ai réalisé l'ampleur de notre victoire. Quel est le geste le plus intime que vous avez vécu en famille après la victoire ? J'ai appelé ma femme juste après le match pour lui annoncer la victoire, mais à mon grand étonnement, elle m'a dit, tout heureuse, qu'elle était déjà au courant du résultat et qu'elle avait vu tout le match à la télé. Je ne pensais pas qu'elle allait pouvoir suivre le match. Qu'est-ce que vous lui avez dit au juste ? (Il rigole et sans hésiter, il se lâche) Je me suis éloigné un peu des gens et je lui ai dit : «On a gagné ! One, two, three ! » (Il rigole franchement). Ce qui l'a surprise, ce n'était pas la victoire ,mais le fait que je lui dise ce three des trois buts marqués par notre équipe. Et vos enfants ? Eh bien, ils sont sortis défiler dans la rue comme tous les Algériens. Ils n'ont pas attendu d'avoir mon autorisation pour cela. D'ailleurs, le lendemai j'ai trouvé qu'ils avaient perdu la voix. Mon fils passe son bac aujourd'hui, (interview réalisée hier) et il avait un peu peur de me dire qu'il était sorti défiler au lieu de rester réviser. Mais j'étais content pour lui et pour tous les Algériens.
Yebda et Meghni ont tous les deux donné leur accord de principe de rejoindre les Verts et n'attendent que votre coup de téléphone. Vous les avez appelés ? (Il hésite un moment, puis…) Oui, je les ai appelés hier tous les deux. Je voulais savoir s'ils voulaient vraiment venir jouer avec la sélection algérienne ou pas. Et je peux vous dire qu'ils m'ont paru très intéressés tous les deux par l'EN. Ils m'ont dit qu'ils ont vu le match contre l'Egypte et qu'ils ont beaucoup apprécié le jeu et l'ambiance qui y régnait. C'est déjà un point très positif. Maintenant, le reste va être sans doute long à se dessiner. Il y a une longue procédure administrative avant qu'ils ne soient qualifiés. Il faudra attendre le mois de septembre ou d'octobre pour qu'ils soient qualifiés. L'entretien avec Yebda et Meghni semblent avoir été très positifs à vous croire. Ce n'était pas comme avec Mehdi Lacen, non ? Non, non, ça n'a rien à voir. Meghni et Yebda sont tout à fait acquis à l'Algérie. Je pense que ce sont des joueurs qui ont l'Algérie dans le cœur. Il y a également le gardien de but de Clermont Ferrand qui s'appelle Michael Fabre. Il a été champion du monde des U-17 en 2001 avec Meghni et Yebda et son père est algérien. On croit savoir qu'il se tient prêt pour venir jouer avec les Verts. Qu'en pensez-vous ? C'est également une autre bonne nouvelle. Moi, je l'ai déjà dit lors de la dernière conférence de presse. Ceux qui ont le niveau pour jouer en équipe d'Algérie seront les bienvenus. Il suffit qu'ils répondent aux critères de sélection. Quels sont ces critères ? Qu'ils soient d'un haut niveau et qu'ils aient la mentalité pour s'intégrer dans le groupe. L'envie d'y être est évidemment très importante aussi. On sent que vous avez un peu durci le ton dans votre relation avec les joueurs. Est-ce pour répondre aux attaques des anciens qui vous ont accusé d'être faible de personnalité ou c'est juste une impression de notre part ? J'impose ma discipline et c'est tout. Je n'ai jamais changé dans ce sens. Je suis un psychopédagogue, il ne faut pas l'oublier. Je sais donc à quel moment il faut sévir ou être conciliant avec mes joueurs. Rien n'a changé chez moi. C'est juste que je ne le montre pas trop en public. Dans le groupe, je suis le chef et tout le monde le sait. Je n'ai pas à le cacher. Avec les joueurs, je parle les yeux dans les yeux, d'homme à homme. Et le message est très clair. On craint juste qu'il y ait des frictions entre vous et l'un des joueurs clés de l'EN. Pourriez-vous nous rassurer dans ce sens ? Tout ce que je fais, c'est dans l'intérêt du groupe. Toute ma vie, j'ai eu des crashs avec des vedettes au sein des équipes que j'ai eu à diriger. Je peux vous rassurer dès maintenant pour vous dire qu'avec moi, ça se termine toujours bien. Je suis un éducateur avant tout. Il faut que les gens comprennent que ce que je fais est dans l'intérêt de l'Equipe nationale. Je ne badine pas avec la discipline. Il faut que tout le monde soit mis sur un même pied d'égalité. Il faut accepter toutes les contraintes et respecter le groupe dans et en dehors du terrain. C'est le langage que vous avez tenu avec Hadj Aïssa ? Exactement. Bougherra a milité pour son retour en EN. Est-ce que vous allez passer l'éponge ? Je n'ai pas exclu définitivement Hadj Aïssa. Les portes de l'EN lui sont toujours ouvertes, mais il faut qu'il se discipline de manière définitive. Qu'il comprenne que l'EN ne se gère pas comme un club. Il ne représente pas que son club et c'est ce qu'il faut qu'il sache. Cela veut dire qu'il pourra revenir en Equipe nationale avec vous aux commandes ? Moi, je ne suis pas rancunier. Mais il faut qu'il apprenne à respecter le groupe, à se discipliner totalement et accepter les décisions du coach, quelles qu'elles soient. Un mot avant d'affronter la Zambie ? Ce sera encore plus dur que le match contre l'Egypte, car on risque de se voir déjà arrivés, alors qu'il nous reste encore du chemin à faire. Mais je suis sûr que les joueurs sont assez mûrs pour répondre présents. Ils savent maintenant le bonheur qu'ils peuvent procurer chez le peuple avec une simple victoire. Je suis sûr que nous serons présents encore une fois pour ramener le résultat que toute l'Algérie attend de nous inch'Allah. Entretien réalisé par Nacym Djender
