Pas de place pour un joueur étranger . Un nouveau président qui a amené du sang neuf . En réalisant l'immense exploit de revenir avec une large victoire (4-2) d'Allemagne, lors du match aller en quart de finale d'Europa Ligue, jeudi soir, face à Schalke 04, et également qualifié pour la finale de la Coupe du Roi, l'Athletic Bilbao, club basque fondé en 1898, a l'occasion d'écrire l'une des plus belles pages de sa riche histoire. Alors que la mythique «cathédrale» de San Mamés fêtera son centenaire en 2013, gros plan sur un club à part dans le football espagnol. Pas de place pour un joueur étranger L'Athletic fait taire tous ceux qui expliquaient que son modèle de football était dépassé, à savoir ne faire jouer que des Basques ou des joueurs formés au Pays Basque, politique de formation dite de la «cantera», vu que les statuts du club stipulent : «Notre philosophie sportive prévoit que seuls les joueurs ayant été formés dans notre centre de formation ainsi que les joueurs formés dans les centres de formation du Pays Basque qui se situent au sein des provinces de Bizkaia, Gipuzkoa, Araba, Nafarroa, Lapurdi, Zuberroa et Nafarroa Behera ainsi que, bien sûr, les joueurs nés dans l'une d'entre elles peuvent porter le maillot de l'équipe professionnelle». Afin de marquer plus encore l'identité basque du club, celui-ci a autorisé au cours des années 90 les joueurs ayant au moins un parent basque à porter ses couleurs, ce qui a permis à Bixente Lizarazu d'y jouer une saison avant de partir au Bayern Munich. Un nouveau président qui a amené du sang neuf L'histoire de l'Athletic Bilbao est riche, très riche. Pourtant, le quatrième club le plus important d'Espagne n'a pas joué la Ligue des Champions depuis 1998. De quoi se poser des questions. C'est comme ça que cet été, Josu Urrutia, candidat à la présidence du club, débarque avec ce qui pourrait devenir une idée de génie : votez pour moi et je ferai venir Marcelo «Loco» Bielsa afin de tout reprendre à zéro. L'Athletic a fini européen l'an dernier, mais à Bilbao on ne se fait pas trop d'illusions sur les chances de titres avec la forme actuelle du Real et du Barça. Une fois Llorente parti, aucune chance de revenir dans la zone Champions League. Du coup, Josu se dit qu'un peu d'innovation ne ferait pas de mal à un club qui dépend pas mal du talent de ses avant-centres depuis les derniers titres des années 80 (Extebarria dans les nineties, Llorente depuis). L'idée est limpide : à chaque échelle du club, on inculquera à nouveau les principes du toque, avec comme point de départ les idées de Marcelo Bielsa. Un projet à long terme très attractif pour un club dont la devise reste Con cantera y afición, no hace falta importación («avec la formation et le public, pas besoin d'importation»). Avec Loco «le fou», le rêve devient réalité Ce projet de jeu, c'est d'abord le cerveau d'un homme : Marcelo Bielsa. L'Argentin, lié à jamais au Newell's Old Boys (dont le stade porte son nom), s'est fait un nom en donnant une cohésion à l'Argentine de 1998 à 2004 et surtout en offrant à la sélection chilienne un jeu attractif et efficace. Ceux qui ont vu jouer le Chili aux éliminatoires de 2010 le savent très bien, les équipes de ce mec ont de la gueule, du courage, des idées et une âme. Ceux qui ont eu la chance de voir l'un de ses entraînements s'en rappellent également à coup sûr : on y voit des types courir après un ballon imaginaire jusqu'à l'épuisement, en simulant des situations de match dictées par Loco. Bielsa a ses idées à lui, et il mourra avec. Rien d'étonnant quand on connaît le parcours de l'homme : une carrière de joueur arrêtée à 25 ans pour devenir entraîneur, un frère ministre des Affaires étrangères, un père avocat, une sœur gouverneure de région. Bielsa, que l'on présente souvent comme le mentor de Guardiola, est un perfectionniste acharné et étudie le football comme sa famille a étudié le Droit. Sa merveille de 4-2-3-1 adaptable en 4-3-3 fait d'ailleurs jurisprudence. Llorente, la méga star, Muniain la nouvelle pépite Ensuite, les joueurs : ce projet s'articule autour des cadres de l'équipe de la saison dernière. Fernando Llorente, Javi Martinez et Andoni Iraola sont tous les trois internationaux avec les A. Llorente est déjà une star accomplie en Liga, et un rôle important dans la victoire du Mondial 2010. Le casque d'or espagnol est la figure principale de cet Athletic : le Roi Lion, c'est lui. Javi Martinez était aussi en Afrique du Sud, et le «Vieira blanc» a fait peser ses quatre-vingt-dix kilos de guerrier sur tous les créateurs qu'il a rencontrés ces deux dernières saisons, démontrant même qu'il peut jouer aussi bien en défense centrale qu'en position de relayeur. Et puis surtout, les Basques assistent à l'éclosion d'un pur crack, aussi agile et vif que jeune et insouciant : Iker Muniain, 19 ans seulement et qui a plus de 100 matchs pro avec l'Athletic ! Alors qu'on l'appelle à San Mamés le «Messi basque», il surprend toute l'Espagne cette saison en étant le joueur subissant le plus de fautes. Gagner au moins un titre cette saison Grâce à leur jeu léché et spectaculaire, les hommes de Marcelo Bielsa ont séduit la planète football, en réalisant un grand pas vers la qualification pour la demi-finale en Europa Ligue, mais aussi et surtout une finale de Coupe du Roi le 25 mai prochain face à la grande formation du FC Barcelone, pour une rencontre qui est loin d'être gagnée d'avance pour les Barcelonais, surtout qu'en championnat, Fernando Llorente et ses coéquipiers avaient en effet déjà créé la surprise lors de la 12e journée en accrochant les Blaugrana chez eux à San Mamés après avoir mené au score quasiment tout le match. Une chose est sûre, cette équipe ira loin : alors que l'introduction au livre rendant hommage au centenaire du club annonçait que «Notre seul souhait est de voir les fils de notre sol représenter notre club, voilà pourquoi nous sommes une entité sportive et non un concept commercial», l'Athletic a maintenant de quoi aspirer à bien plus…