Yahia : «Il faut savoir partir et laisser sa place» Personne ne s'attendait vraiment à la nouvelle de la retraite internationale de Anthar Yahia, surtout pas depuis que Vahid Halilhodzic a déclaré, lors de la conférence de presse qu'il avait animée le 18 avril dernier, que Yahia, tout comme Madjid Bougherra, est «indispensable» à la sélection. Venant d'un coach qui n'a pas l'habitude de prendre des gants pour dire ses vérités, c'était plutôt un hommage. Cette nouvelle est d'autant moins attendue que le dernier match auquel a participé le défenseur central de Kaiserslautern, le 29 février contre la Gambie à Banjul, l'avait vu inscrire un but, celui de l'égalisation. A l'approche d'une série de trois matches importants, qui débutera dans quatre semaines et pour lesquels Yahia est jugé indispensable par le sélectionneur, cela a de quoi surprendre. Après Mansouri, Saïfi, Zaoui et Raho, un autre grand se retire Avec ce départ, c'est un autre pilier du groupe ayant conduit l'Algérie à la Coupe du monde 2010 qui se retire. Avant lui, Yazid Mansouri, Rafik Saïfi, Samir Zaoui et Slimane, Raho, tous des serviteurs valeureux de la sélection nationale, s'étaient retirés. Anthar était aussi populaire que l'était Saïfi, car chacun d'eux a su se montrer décisif en de nombreuses occasions. La mémoire populaire n'a pas oublié le magicien Saïfi, encore moins Gaouaoui et Zaoui et ce n'est pas demain la veille qu'elle oubliera Yahia. Ce sont des pages et des images encore vivaces de notre football qui se tournent une par une. La médaille du Mérite national des mains de Blatter Avant-hier soir, le désormais ex-capitaine des Verts a eu un double hommage : celui de la Fédération algérienne de football qui non seulement l'a invité pour le dîner officiel offert en l'honneur de Joseph Blatter, président de la FIFA, et Issa Hayatou, président de la CAF, mais lui a décerné aussi la médaille du Mérite national, et celui de Blatter, qui lui a remis cette distinction. L'hommage est à la hauteur de ce qu'a donné Yahia pour l'Algérie, lui qui a rejoint les Verts à un moment où ils pointaient au-delà de la 100e place au classement FIFA et jouaient devant des gradins quasi vides. D'ailleurs, il n'avait pas hésité, tout comme Karim Ziani, à jouer pour la sélection des Espoirs en qualifications pour les jeux Olympiques d'Athènes avant de jouer pour l'équipe A. Premier footballeur au monde à bénéficier de la loi FIFA de 2001 D'aucuns l'oublient, mais Anthar Yahia a été le premier footballeur au monde à bénéficier de la loi de 2001 de la FIFA autorisant des joueurs de moins de 23 ans ayant évolué avec les sélections de jeunes de leur pays d'adoption de jouer avec la sélection A de leur pays d'origine. En effet, il avait été, avec Nadir Belhadj, de la sélection de France U18 qui avait disputé les qualifications pour l'Euro 2001. Il n'a jamais caché son bonheur d'être revenu dans le giron du football de son pays, l'Algérie, qu'il n'a jamais cessé d'évoquer dans tous les clubs par où il est passé et lors de toutes les interviews qu'il a accordées. Inconsolable jusqu'aux larmes quand il s'agit de l'Algérie On a eu à mesurer cet amour pour l'Algérie lors de la CAN 2004 en Tunisie où, à l'issue du quart de finale perdu face au Maroc, il était inconsolable, pleurant à chaudes larmes la défaite de la sélection et s'indignant des actes d'agressions dont avaient été victimes des supporters des Verts à Sfax. C'est là, entre autres, que les journalistes algériens présents sur place ont découvert qu'il parle bien l'arabe. On se souvient aussi d'un match amical disputé quelques semaines plus tard à La Louvière (Belgique), contre l'équipe locale, où il n'avait pas accepté qu'on agresse son coéquipier et compatriote Karim Ziani, accourant de sa zone de défense pour lui porter secours et remettre les agresseurs à leur place. 10 jours après une déchirure musculaire, il a envoyé l'Algérie au Mondial Anthar Yahia, c'est aussi dix jours de soins intensifs, avant le match retour contre l'Egypte en éliminatoires pour le Mondial 2010, après avoir contracté une déchirure musculaire à la cuisse. Déterminé à être sur le terrain au Cairo Stadium, il s'était astreint à un traitement révolutionnaire à base d'épinards, subissant des soins parfois jusqu'à 2h du matin. Cette détermination lui a permis non seulement d'écourter de moitié le temps de guérison de ce genre de blessure, mais il a pris une part prépondérante à la qualification pour l'Afrique du Sud en inscrivant, en match d'appui au Soudan, dans le stade d'Oum Dourmane, un but qui a fait le tour du monde et qui a remis l'Algérie du football sur la scène internationale 24 ans après la dernière présence algérienne au plus grand rassemblement mondial de football. En Afrique du Sud, c'était le capitaine Le Mondial, justement, l'avait vu porter le brassard de capitaine, en succession à Yazid Mansouri. C'était le choix de Saâdane qui avait décidé de confier le capitanat au plus ancien joueur titularisé et c'était lui durant les trois matches disputés par les Verts en Afrique du Sud, Yazid Mansouri, Rafik Saïfi et Lounès Gaouaoui ayant à chaque fois débuté le match sur le banc des remplaçants. Il s'est acquitté de sa tâche comme il se doit dans des matches où la sélection nationale, sans être étincelante, a été loin d'être ridicule. Il a continué à être le capitaine de la sélection jusqu'à son dernier match, disputé à Banjul face à la Gambie. En dépit de la gloire, jamais il ne s'est départi de sa pudeur En dépit de la gloire dont il jouissait au plan national depuis la CAN 2004 et encore plus depuis le but qu'il a inscrit au Soudan, Yahia a toujours su rester humble et modeste. Déjà, à ses débuts en sélection, il avait refusé à l'un de nos envoyés spéciaux de prendre en photo la voiture de luxe qu'il avait, une Porsche, estimant indécent d'afficher ce bien luxueux à un moment où des Algériens vivaient dans la pauvreté. Il y a une année, il avait opposé le même refus à ce que sa nouvelle voiture, une Mercedes dernier cri, soit prise en photo, pour les mêmes raisons. Succès ou pas, notoriété ou pas, il a toujours cette pudeur propre aux familles nobles qui fait qu'il refuse l'ostentation. Même pour annoncer sa retraite internationale, il s'est montré discret en faisant l'annonce au site officiel de la FAF, évitant le sensationnalisme. Il a tenu donc à s'en aller comme il était venu, sans trop faire de bruit, mais les échos d'Oum Dourmane résonneront éternellement dans l'esprit de tous les Algériens. ----------------------------------------------- Yahia : «Il faut savoir partir et laisser sa place» Anthar Yahia a fait une déclaration au site officiel de la FAF, annonçant sa retraite internationale : «C'était pour moi une décision très difficile qui m'a demandé à réfléchir pendant longtemps, mais à un moment donné, il faut savoir partir et laisser la place à une nouvelle génération qui arrive pour construire quelque chose de beau en Equipe nationale. C'est une décision qui me fait mal au cœur, car une grande histoire d'amour me lie à l'Equipe nationale et au public algérien avec qui j'ai partagé des moments d'émotion tout au long de ma carrière internationale. Je souhaite de tout cœur bonne chance à l'Equipe nationale et surtout pour ces prochaines échéances et je resterai le supporter numéro un de l'Equipe nationale durant ces prochains matches. Je tiens à souligner que durant toute ma carrière internationale, je n'ai jamais eu de problèmes ni avec mes coéquipiers, ni avec mes entraîneurs, ni avec les responsables du football car l'éducation, le fair-play et la sagesse sont mes devises dans le football et dans ma vie, en général. Je remercie le président de la FAF et l'entraîneur national qui ont respecté ma décision.» «Fier d'avoir servi l'Algérie» «C'est une page qui se tourne pour moi, mais j'espère que d'autres joueurs amoureux du pays et des couleurs nationales pourront également graver leurs noms en écrivant d'aussi belles pages pour le football national, car jouer pour le maillot national est une lourde responsabilité. Je suis fier d'avoir joué pour mon pays et d'avoir servi l'Algérie avec tous les souvenirs que je garde et en particulier la qualification historique de l'Equipe nationale pour la Coupe du monde, Afrique du Sud 2010, car c'est des moments qui restent gravés dans la mémoire.» ----------------------------------------------- Un vrai leader, un bon communicateur En lisant la nouvelle sur le site très officiel de la FAF, un coup d'œil au calendrier s'imposait : était-ce le 1er Mai ou bien le 1er avril ? Cela aurait été le 1er avril, nous aurions cru à un poisson d'avril. La FAF, qui se serait laissé entraîner par la tradition du canular annuel, cela n'aurait pas surpris plus que cela. Or, nous étions bien le 1er Mai, un jour où la seule chose qu'on fête est le travail et les travailleurs. Hier, l'un des «travailleurs» de la sélection nationale annonçait sa retraite anticipée : Anthar Yahia, le capitaine actuel des Verts. Une retraite vraiment anticipée parce qu'elle survient alors qu'il a bouclé il y a tout juste 6 semaines ses 30 ans, âge de maturité pour les gardiens de but et les défenseurs. On retiendra de lui un joueur qui a toujours été disponible pour la presse et les qualités d'un vrai leader, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Très bon communicateur, hargneux sur le terrain et sachant parler à ses coéquipiers pour les motiver, il connaît très bien ce que peut ressentir un footballeur. Il y a quelques mois, il nous faisait une confidence : il pense se convertir en entraîneur. Nous sommes convaincus qu'il peut réussir dans ce métier, surtout qu'il a le vécu et les qualités de communications requises. Il ne lui manque que les diplômes. Cela semble une formalité pour celui qui parle couramment 6 langues (arabe, français, italien, allemand, espagnol, anglais) et qui n'a jamais eu peur d'apprendre.