«Mon grand favori pour remporter la Coupe d'Europe : l'Espagne.» «Les clubs anglais sont moins forts qu'avant.» Membre d'un cercle très fermé de joueurs ayant inscrit plus de dix buts en Coupe du Monde de la FIFA, l'Anglais Gary Lineker est une référence internationale, comme en attestent également ses titres de meilleur réalisateur de Mexique 1986 et de deuxième artilleur de l'histoire de son pays. Jamais averti ni exclu en 16 années de carrière, l'ancien attaquant anglais a inscrit 48 buts avec le maillot frappé des Trois Lions, un classement où il est devancé par Sir Bobby Charlton (49 buts). En club, il a marqué environ 300 fois, notamment pour le FC Barcelone, Everton et Tottenham Hotspur. Devenu un présentateur télé très respecté, Lineker est idéalement placé pour apprécier le jeu pratiqué en Angleterre et ailleurs. FIFA.com s'est entretenu avec cet homme âgé de 51 ans pour évoquer les chances de l'Angleterre en Pologne et en Ukraine, les performances de l'Espagne et la qualité de la Premier League. Quelles sont les chances de l'Angleterre à l'UEFA EURO 2012 ? Je ne pense pas que nos attentes soient trop élevées en ce moment. On a souvent tendance à se voir plus beaux qu'on ne l'est vraiment, mais cette fois, je crois que ce n'est pas le cas. Nous avons eu une génération de joueurs très doués qui s'approche de la retraite et nous avons maintenant toute une génération de jeunes très prometteurs, mais entre les deux, à l'exception de Wayne Rooney, il n'y a pas beaucoup de joueurs de classe internationale. Ça va être difficile. Mais si nous abordons la compétition avec des attentes plus modestes et un jeu prudent, si nous arrivons à mettre en place une défense solide soutenue par deux bons récupérateurs comme contre l'Espagne, et si nous nous plaçons en outsiders, on ne sait jamais... On n'a pas grand monde devant et on sera privés de Rooney pour les deux premiers matches, mais si on se regroupe bien et qu'on joue en contre, on peut faire quelque chose. L'Angleterre gagne-t-elle à faire profil bas ? Je pense que ça peut nous enlever un peu de pression. Le plus important, c'est d'être au point sur le plan tactique. Si on propose un jeu trop ouvert, on se fera manger. Les équipes sont intelligentes et très techniques. Or, nous sommes beaucoup moins efficaces sur le plan technique que plusieurs nations, donc il faudra faire preuve d'astuce pour avoir une chance. Qui voyez-vous aller au bout ? C'est dur de ne pas dire l'Espagne, qui est sûre de son football et qui aura 70 % de possession lors de tous ses matches. Je n'ai jamais vu une équipe jouer comme ça. Ils ont créé un nouveau style de jeu qui a fait avancer le football. Aujourd'hui, on commence à voir des équipes qui essaient de les copier, pas seulement lorsqu'ils ont la balle, mais aussi quand ils ne l'ont pas. Le rythme qu'ils imposent et la réduction des espaces sont très intéressants. Je trouve que l'Espagne a fait progresser le football et qu'elle pratique un jeu merveilleux. On essaie de les copier et c'est très bien. Si ce style se généralise et qu'on revient au beau jeu, c'est super. Lors de la dernière Coupe du Monde, on craignait un jeu négatif et très verrouillé, et on a vu une équipe qui aime jouer dans la moitié de terrain adverse, qui essaie de conserver le ballon et qui prend plaisir à jouer et à montrer ce qu'elle sait faire. C'est merveilleux. Au-delà de l'Espagne, l'Allemagne revient très bien grâce à plusieurs bons joueurs. Et puis je pense aussi aux Pays-Bas, voire à la France. Que pensez-vous de la saison de Premier League ? Sur le plan émotionnel, c'est l'une des meilleures saisons. Sur le plan de la qualité, il y a eu sans doute de meilleures années, mais il s'est passé beaucoup de choses, du retour au premier plan de Paul Scholes au miracle de Fabrice Muamba, en passant par plusieurs scores hallucinants. On a vécu des histoires extraordinaires et on va avoir droit au final le plus haletant qui soit après le meilleur match de toute de l'histoire de la Premier League. C'est aussi très serré en bas, donc on a vécu une saison trépidante. Pensez-vous que le niveau de la Premier League ait baissé au cours des dernières années ? Nos résultats sur la scène européenne prouvent que nous sommes moins forts qu'avant. Chelsea est une exception, même s'il peut aller au bout. Regardez l'Espagne, qui a cinq équipes en demi-finales des deux compétitions européennes. Nous, nous en avons une et elle a affreusement souffert pour en arriver là. Quant à nos deux clubs de Manchester, ils ont été éliminés de l'UEFA Europa League. Cela tend à prouver que nous sommes moins forts qu'avant, ce qui me semble vrai. Mais tout cela obéit à des cycles. Est-ce que la perception des coupes a changé dans le football actuel ? Il faut toujours juger un club à l'aune de son classement en championnat. C'est ça le plus pertinent, car les coupes, c'est parfois une loterie. Regardez Liverpool, par exemple. Ce club a une histoire très riche qui ne s'arrête pas à ses performances en coupe. Cette année, ils ont raté leur saison, mais ils se sont débrouillés pour arracher un titre. Cependant, ça fait longtemps que Liverpool n'a pas brillé en championnat. Quand Kenny Dalglish a été nommé entraîneur, ils étaient loin derrière, mais ils sont encore très loin de se battre pour le titre. Il faut prendre le temps de construire une équipe et il faut le soutien des supporters. Le football est un jeu capricieux. Tout le monde voulait Kenny, mais les résultats ne suivent pas et maintenant on réclame son départ. Quels sont les deux clubs les plus réguliers au sommet au cours des 15 dernières années ? Manchester United et Arsenal. Pourquoi ? Parce qu'ils ont su faire confiance à deux bons entraîneurs tout au long de cette période. Votre ancienne équipe, Tottenham Hotspur, n'en finit plus de se remettre des rumeurs de nomination de Harry Redknapp, son entraîneur, à la tête de l'Angleterre. Pouvez-vous nous expliquer cette baisse de forme ? Je ne crois pas trop aux coïncidences mais l'équipe joue effectivement moins bien depuis qu'il est pressenti pour l'équipe nationale. J'ai joué avec des entraîneurs qui devaient partir, par exemple avec Terry Venables juste avant qu'il ne prenne en main l'Angleterre. J'ai aussi joué avec Bobby Robson en 1990, alors que tout le monde savait qu'il allait partir, et ça ne nous avait rien fait. Je pense juste qu'ils ont eu de mauvais résultats qui ont influé sur la confiance. Pour moi, ça ne va pas plus loin.