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Zidane : «Je veux construire quelque chose»
Publié dans Le Buteur le 25 - 06 - 2012

«Je suis avide d'entreprendre des choses, pas de les survoler, vous comprenez ?»
«Demain, en fait, bientôt, je vais commencer à passer mes diplômes d'entraîneur»
Son emploi du temps de fin de saison était chargé. En clair, il n'allait pas être simple de coincer Zinédine Zidane. Il y avait bien une date qui pouvait faire l'affaire, mais il devait réfléchir encore un peu, entre un match de bienfaisance avec France 98 à la Réunion, un autre à Bernabeu avec les anciens du Real contre ceux de Manchester United, puis un tournage publicitaire qui l'occupera plusieurs jours. Enfin, il nous téléphone. En fond, des cris d'enfants. Il est au milieu d'un anniversaire de jeunes, chez lui. «Si c'est un dimanche, enfin de matinée, à quelques jours de l'Euro, ça te va ?» nous demande-t-il. «Je te donnerai la veille le lieu du rendez-vous.» Pas de problème, non plus. Vingt-quatre heures avant, comme convenu, un mail nous arrive. «On se voit dans le parc Arturio Soria ,à midi !» Un drôle d'endroit où il est arrivé à l'heure, a garé sa voiture et nous a rejoints sur un banc public, le regard rivé sur son portable, son fils aîné, Enzo, cherchant à le joindre. À cette heure, il y a pas mal de monde déjà qui flâne ou promène ses enfants, lesquels s'arrêtent pour dévaler un toboggan ou faire un peu de balançoire, pas loin. «Quand les miens étaient plus petits, on venait ici. J'aime bien, c'est calme.» Ah bon ? On s'inquiète un peu car Zinédine Zidane à découvert, ça peut vite être l'émeute. «Non, tu verras, pas ici.» En effet, à part un trentenaire qui lui arrache une photo, expédiée en moins de deux avec son portable, et un retraité qui lui signifie son admiration, nous aurons une paix royale durant la bonne heure et demie passée ensemble. Vers 14 heures, il s'excuse, mais il doit rejoindre son domicile, tout proche, pour le repas du dimanche. «Ce soir, je joue (NDLR : contre MU) et je dois arriver vers 18 heures au stade.» Et puis, d'un coup, il nous lâche, en nous raccompagnant à la première borne de taxi venue, que c'est son dernier match – «à onze contre onze», nuance-t-il. Une plaisanterie ? «Non. Je suis trop vieux. À la Réunion, j'ai été nul. Tu te rends compte, à un moment, j'ai voulu contrôler la balle et j'ai marché dessus. Les copains sur le banc me faisaient signe de les rejoindre.» Pourtant, n'est-il pas toujours le meilleur, dans sa catégorie d'âge, comme on le raconte ? Sa technique n'est-elle pas intacte ? «On m'a toujours beaucoup flatté...C'est surtout que c'est devenu vraiment trop dur de courir. Je te jure, c'était mon dernier match caritatif à Bernabeu.» Hum, hum... On verra. On ne va pas sortir les gros titres tout de suite.
«Quand je me regarde dans la glace, je me demande parfois ce que je construit de concret»
Zinédine, vous avez quarante ans. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué depuis que vous avez pris votre retraite, le 9 juillet 2006, à Berlin?
Je le savais déjà, mais j'ai vraiment appris qu'on ne pouvait pas plaire à tout le monde. Avant, j'étais le meilleur, le plus beau... (Il rit.) Aujourd'hui, quand je quitte un endroit, je sens que je ne suis pas à l'abri des critiques. On me caresse l'épaule, on me fait du cinéma, mais dès que j'ai le dos tourné...
La vraie vie, en somme !
J'aimerais tellement qu'on me dise les choses clairement, devant moi, les yeux dans les yeux, sans faux-fuyant, sans me regarder comme le joueur de foot que j'ai été. Je ne le suis plus. J'ai tourné la page, alors qu'on tourne la page aussi.
C'est difficile !
C'est à ce prix cependant que j'ai une chance de réussir ma seconde vie. Si on me parle franchement, au moins je saurai à qui j'ai affaire et surtout ce que je dois faire. Je n'ai pas besoin qu'on me rabâche que tout est bien, tout est beau, tout est tranquille si on ne le pense pas. C'est dur de vivre ainsi, dans le faux-fuyant. Moi, je veux voir la réalité de la vie. J'ai envie, aujourd'hui, d'être normal, de vivre normalement. Si je suis bien entouré, j'y arriverai. On m'aidera à construire quelque chose de bien, qui me corresponde et qui colle surtout avec ce que je suis devenu et non avec ce que j'ai été.
Au lendemain du fameux France - Italie, en finale de la Coupe du monde, à Berlin, le 9 juillet 2006, vous stoppez votre carrière. Aviez-vous alors une idée de ce que vous alliez entreprendre?
Non. À l'époque, je veux continuer à voyager, à côtoyer des gens qui m'intéressent. C'est un peu ma vie d'avant qui se poursuit, tout en étant différente, sur le même rythme surtout, et avec des rencontres de personnalités incroyables.
Et...
L'argent dans cette affaire n'est pas mon moteur. Croyez-moi, des propositions, j'en ai reçues, j'en reçois et je n'accepte quasiment rien, sauf quand ça a du sens et certainement pas pour je ne sais quelle histoire d'image. Aujourd'hui, je veux me consacrer à construire quelque chose.
Vous croyez que les gens vous perçoivent en homme d'argent, intéressé ?
J'espère que non ! En tout cas, je ne suis pas du tout celui-là. Je fais les choses par plaisir et par conviction.
Pour combler un vide, parfois ?
La peur du vide ? Non. Je me doutais que ça serait comme ça, mais seulement un temps. Je ne voulais pas tout de suite repartir dans le foot, devenir coach ou autre chose, je voulais souffler un peu, sans pour autant rester vingt-quatre heures sur vingt quatre à la maison. J'ai pu mieux profiter de ma famille, de ma femme, de mes enfants, et j'en ai été comblé, mais ça ne remplit pas une vie d'homme, professionnellement parlant. Je peux occuper mes journées, ce n'est pas compliqué, mais ce n'est pas cela que je veux. En 2006, quand je regardais mon agenda, j'avais ça une semaine, ça l'autre semaine : je bougeais et ça m'allait, mais, à un moment donné, tu te poses et tu te dis : «C'est ça ma vie ?» Je ne veux pas faire ça le restant de mon existence. Trois ou quatre ans, c'est bien, mais au-delà...
Vous vous dites quoi, aujourd'hui ?
Quand je me regarde dans la glace, je me demande parfois ce que je construis de concret. Je fais plaisir à des gens, c'est bien. Je me fais plaisir aussi, un petit peu, mais la quarantaine venue, qu'est-ce que je veux construire ? Qu'est ce que je veux faire de ma vie ? Tout le monde se pose ces questions existentielles. Je sais que moi, je suis privilégié et que d'autres se posent mille questions plus importantes que les miennes, avec des moyens mille fois moins importants que les miens. Je peux même vous assurer qu'il y a des champions du monde 98 qui traversent des moments difficiles. Comment est-ce possible? Plus personne ne les regarde. Moi, c'est encore différent.
Que faire ?
Je veux me rendre utile. Je veux me lever le matin et me dire que ce que je vais entreprendre aujourd'hui va servir à quelque chose.
La quarantaine venue, c'est souvent une question qui revient. Une maladie vieille comme le monde...
Ça sert aussi à ça, d'avoir quarante ans. (Sourire.) Il est grand temps de dire ce dont j'ai envie. C'est le sens de mes conversations avec le président du Real Madrid, Florentino Pérez, qui m'apprécie, et c'est réciproque. Je le sais, mais ce qui m'intéresse avec lui, ce n'est pas seulement d'évoquer les souvenirs du joueur que j'ai été, mais de parler de l'avenir, des projets que je peux développer dans l'intérêt du club.
Vous avez dirigé le jeu sur un terrain, vous voudriez être dirigé à votre
tour ?
Mais c'est normal... Comment voulez-vous que j'apprenne, sinon ? C'est ce que j'attends des dirigeants. Ils sont pragmatiques dans leur job, ils ne font pas de cadeau dans leur vie de tous les jours et j'ai envie qu'ils soient pareils avec moi. C'est comme ça qu'on progresse.
Vous préféreriez ne pas être considéré seulement comme l'ambassadeur du Real Madrid ?
Non, je suis avide d'entreprendre des choses, pas de les survoler, vous comprenez ? J'ai quarante ans, que quarante ans, et, normalement, j'en ai encore quarante à vivre. J'ai le temps devant moi, mais je dois poser des bases claires pour ma nouvelle vie professionnelle.
C'est le bon moment, à votre avis, pour vous lancer ?
J'ai toujours pris le temps de faire les choses, à mon rythme. Je ne suis pas pressé. Ça m'a toujours souri.
«J'ai besoin de temps pour apprendre», dites-vous fréquemment.
Exactement. C'est bien moi. Jamais pressé et, surtout, je n'ai jamais précipité ou forcé les événements.
Pourquoi ?
Parce que je savais ce que je pouvais faire sur le terrain, que ça allait se faire, mais petit à petit. À Cannes, à Bordeaux, à la Juventus, au Real Madrid. Les Bleus sont venus sur le tard, aussi. Je n'étais pas international à vingt ans. Je ne me suis pas marié très, très jeune. Je n'ai pas fait d'enfant avant de me marier. En toutes choses, j'ai pris mon temps, le temps de me construire. Je suis un mec normal, lucide sur tout ce qui l'entoure, toute cette médiatisation autour du foot.
Vous fonctionnez un peu à l'ancienne?
Un peu ? Non, beaucoup!
Vous passez vos diplômes de management du sport à Limoges. Vous pourriez en faire l'économie, non?
Si je ne vous avais pas expliqué tout ce qui précède, oui. Mais, maintenant que vous savez, vous devinez mes motivations. Je me retrouve à l'école à quarante ans. Mais c'est intéressant pour moi d'essayer de comprendre.
C'est une façon de compenser les études que vous n'avez pas faites?
Oui, mais c'est aussi super difficile de se motiver à faire cela, à mon âge. Mais si j'ai envie d'exister, plus tard, ça passe par là. Je finis ma première année, avec quatre modules en collectivité et un cinquième plus personnel. Ça me permet de me structurer. Si je veux monter un projet, je dois en passer par là. Je dois rendre par écrit mes exercices. C'est intéressant de me confronter à cela. J'aurais pu le faire plus tôt, mais je n'étais pas prêt. Peut-être que je n'aurais pas dû souffler aussi longtemps après ma retraite... (Il rit.)
Vous avez un projet précis ? Au travers de ces études, il y a un truc qui vous trotte dans la tête ?
Non. Demain, en fait bientôt, je vais commencer à passer mes diplômes d'entraîneur. Je suis un peu le même cursus que certains gars de 1998.
Et l'info comme quoi vous deviendriez bientôt le directeur du centre de formation du Real Madrid?
C'est loin d'être fait! (En réalité, cela ne se fera pas, surtout si on ne lui donne pas les moyens qu'il souhaite.) Si je rentre dans un projet, sportif ou autre, je ne rentre pas tout seul. Je suis accompagné d'une, deux ou trois personnes. Si on est seul, on est mort. C'est comme un coach, aujourd'hui, il débarque avec une équipe, des hommes, une stratégie... Si on ne prend pas l'ensemble, je ne fais pas. Je suis libre.
Certaines rumeurs disent que vous vous éloignez de l'équipe première parce que Mourinho et vous, ça ne colle pas trop ?
Il faut laisser dire ça. Je ne passe pas mon temps à démentir ou à confirmer les infos. Je fais les choses et on jugera sur pièces.
Et le poste de directeur de l'équipe première que vous occupiez ?
C'est une étape dont je vais me servir. C'est sûr. Rien n'est inutile à mon niveau. J'ai appris des choses, j'ai été confronté à des situations. Comme j'ai pu l'entendre ou le lire au cours de la saison : «Où est Zidane aujourd'hui ?» demandait-on. Mais je n'ai pas à rendre compte de mon emploi du temps. Je me suis investi dans ce poste. Je ne laisserai personne dire que je ne suis pour rien dans la venue de Varane au Real. Ni que je n'ai pas agi auprès de Karim Benzema depuis qu'il est à Madrid. S'il a réussi, c'est d'abord grâce à lui, à son talent, évidemment, mais j'ai été aussi présent quand cela a été nécessaire. C'est mon rôle. Je pourrais donner d'autres exemples. J'ai appris aussi les rouages du club, c'est une machine. Qui commande vraiment? Qui croit qu'il commande ? C'est très intéressant. Un vrai apprentissage sur le tas. J'ai regardé, j'ai vu. À un certain moment, tout se mettra en place et tout me servira.
Vous êtes donc, malgré tout, occupé ?
Tout ce que je fais, on a beau dire, ce n'est pas rien. Je fais aussi des heureux autour de moi. Enfin, je le crois. En tout cas, je peux me regarder dans une glace, chaque matin. Je n'ai écrasé la tête de personne pour y arriver. Pour moi, c'est important. Je préfère crever, sinon. Tout le monde ne peut pas en dire autant...
Depuis que vous avez pris votre retraite, il y a des choses dont vous n'êtes pas fier ?
Fier, c'est pas un peu fort, non?
Ou alors dont vous auriez pu vous passer?
Peut-être que je peux me poser la question. Certainement, même, mais je ne vous dirai pas lesquelles ! Dans la vie, on ne fait pas que des choses parfaites. On est aussi là pour se tromper. C'est pour ça, également, que je voudrais qu'on m'oublie de temps en temps. Car on réagit à tout ce que je fais ou à tout ce que je ne fais pas. Autant, quand j'étais joueur, ça correspondait à quelque chose, autant, aujourd'hui, non.
Exemple : consultant à Canal+, ça vous satisfait ?
Tel que ça se présente aujourd'hui, oui. J'ai arrêté la Ligue des champions et j'ai désormais avec la chaîne des rendez-vous à la fois différents et plus complets.
Moi, donner des réactions à chaud, sur un match ou sur plusieurs, au cours d'une soirée, ça ne correspondait pas tout à fait à ce que je voulais faire. À un moment, il faut se poser une question, une seule : étais-je content d'être en direct sur un plateau à faire le commentaire d'un match pendant la mi-temps et la synthèse à la fin ? Vous connaissez la réponse. En revanche, revenir sur des événements sportifs de l'année, comme l'émission passée début juin, Zizou Top, j'aime bien. J'ai pris le temps de faire et, surtout, de préparer l'émission avec des personnes avec lesquelles je suis en confiance. Le ton est différent. Je suis content, et ça s'est entendu et senti, je crois.
Al-Jazeera ne vous a pas contacté ?
De toute façon, ça n'aurait pas été possible. Je suis fidèle et j'essaie d'être logique. Je fais certaines choses aujourd'hui, mais le jour où ça s'arrête, il n'est pas question pour moi d'aller à la concurrence. C'est tout, sauf moi. Exemple ? Je suis en contrat avec Orange, mais s'il se termine et qu'il n'est pas renouvelé, ce sera fini. Et c'est pareil avec Canal+. C'est ma conception des choses. Après la Juventus, je ne serais pas allé dans un autre club italien. J'ai été joueur au Real, et je n'aurais jamais signé au Barça. Je crois avoir prouvé ma fidélité tout au long de ma carrière. Et ce n'est pas l'argent qui va me faire changer d'avis. Je ne suis pas un homme de compromis ou de compromission.
Les Guignols ne vous ratent pas à chacune de vos apparitions !
Et il faut surtout ne rien en dire. Il faut en rire. (Il rit.) Que voulez-vous, je suis un personnage. On me caricature, comme tous les autres. Je ne suis jamais intervenu là-dessus.
Vos enfants regardent ?
Je ne sais pas. Et s'ils regardent, ils savent. Je leur explique, aussi. Les Guignols sont là pour nous faire marrer. Ils réussissent bien, non ? (Et là, il éclate de rire.) Et puis, bon, on ne les regarde pas tous les jours, loin de là. En Espagne, ils n'ont pas apprécié qu'ils s'attaquent à Nadal, à Casillas (sur la question du dopage). Eh bien, moins ils étaient contents, plus les Guignols leur tapaient dessus. Moralité ? Laisser dire. Je leur ai dit, aux Espagnols, regardez comment ils traitent le président de la République, sa femme... Ce n'est pas vous qui allez les arrêter. Au contraire.
Avez-vous un grand projet en cette année 2012 ?
Non, aucun.
Vous avez été l'ambassadeur de la France pour l'Euro 2016. Vous pourriez décider de creuser cette voie, par exemple ?
Je suis fier de l'avoir été.
Vous pourriez intégrer l'organisation de l'Euro 2016 ?
(Il rit.) Oui, bien sûr, pourquoi pas ? Mais je ris parce que vous énumérez tout ce que je pourrais entreprendre. Il faut dire oui ou non ? Trop simple ou trop difficile. D'ici là, je serai peut-être entraîneur ou quelqu'un d'autre. C'est une fonction qui se prépare. Quand Michel Platini a été coprésident du Comité d'organisation duMondial 98, il s'y est mis en 1992. On verra bien. »
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De dix à cinquante ans par tranches de dix, les souvenirs d'anniversaire de Zidane, avec une projection jusqu'à la cinquantaine. Après il verra...
A 10 ans...
«La tristesse de Bossis, que je vénérais, m'a fait très mal»
Le 8 juillet 1982, jour de la demie de Coupe du monde France-Allemagne (3-3 a.p., 4 t.a.b. à 5), à Séville, Zidane venait tout juste d'avoir dix ans. Mais il précise : «Je pourrais vous parler presque parfaitement de l'Euro 84. Moins de Séville.» L'image qui lui reste n'est pas celle de l'agression de Battiston par Schumacher et son évacuation sur une civière. C'est à peine celle de la volée de Trésor, ou celle du but de Giresse, le visage transformé par l'allégresse, ou encore folie collective qui s'empare de la France et du salon où la famille Zidane est réunie pour suivre le match. Le crève-coeur, le vrai, le souvenir fort, teinté d'une déception immense qui marque le petit Zizou, c'est la vision de Bossis, accroupi, tête basse, le poing posé à terre, quand il vient de rater son tir au but. «C'est le coup de massue ! Pire encore que celui reçu quand Rummenigge a fait revenir les Allemands à 3-2, puis quand Fischer a égalisé. La tristesse de Bossis, que je vénérais, m'a fait très mal. Je le voyais à l'époque tel qu'il est resté : un mec serein, ça se lisait sur son visage, jamais un mot plus haut que l'autre dans la presse, beau à voir jouer, et il faut que ça tombe sur lui... Je n'ai pas souvent l'occasion de parler de ça, mais comme vous me la donnez, je le dis comme je le pense. Et voir le “Hruubeschhh" (auteur du tir au but décisif), rien que le nom déjà... Bah, tiens, regarde, j'ai des frissons. Même si c'est pas moi, c'est comme si c'était moi».
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20 ans...
«À Bordeaux, je fais un pas en avant dans ma vie d'homme.»
C'est l'heure du passage de Cannes à Bordeaux, donc l'arrivée dans le monde haut de gamme des pros, chez ces Girondins qui l'émerveillent mais, en même temps, l'interpellent. Il quitte «son» Sud. Marseille, où il y a toute sa famille, et Cannes, le club qui l'a formé, pour Bordeaux où ses futurs amis pour la vie (Dugarry et Lizarazu) l'attendent. C'est Rolland Courbis qui le fait venir, «je tiens à ce que vous l'écriviez», nous précise-t-il. Z.Z. n'arrive pas seul, non plus. À Cannes, il a fait la connaissance de Véronique, qu'il épousera deux ans plus tard. En 1992, donc, de quoi se souvient-il ? «C'est Platini qui est sélectionneur, c'est ça ?» Tout à fait. «Plus généralement, je fais un pas en avant dans ma vie d'homme. Mon existence dans le foot de haut niveau est enclenchée aussi. Et celle de l'adulte commence. À Cannes, j'étais encore à l'école si l'on peut dire, et là, je quitte le nid. C'est un peu l'inconnu, mais je suis avec ma (future) femme en Gironde, et ça me rassure. Bordeaux, à l'époque, après être revenu de L2, est un grand club français qui forme de bons jeunes. Avant de signer à l'étranger, quatre ans plus tard, à la Juventus Turin, je ne pouvais pas rêver mieux que les Girondins comme tremplin».
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30 ans...
«Je suis redescendu très vite du nuage»
En mai, il connaît le bonheur total, sportif et familial. C'est le fameux printemps 2002, avec cette formidable victoire du Real à Glasgow (2-1 face à Leverkusen), en Ligue des champions, le 15 mai, et sa fabuleuse reprise de volée qui lui offre l'unique C1 de sa carrière. Le 18 mai, c'est la naissance de son troisième fils, Théo. La Coupe du monde, où l'équipe de France doit défendre son titre, l'attend. Comme il a obtenu la permission de Roger Lemerre de rejoindre les Bleus quarante-huit heures après tout le monde, il part pour Ibusuki, au Japon, accompagné de son ostéopathe personnel et de celui de l'équipe de France, Philippe Boixel. «Et de toi, se rappelle-t-il, parce que l'on a fait un article dans le zinc.» À l'arrivée, au Japon, il dispose d'un hélicoptère qui le dépose sur le parcours de golf qui entoure l'hôtel des Français. «Je suis sur un nuage, se souvient-il, mais j'en suis redescendu très vite. Tout me réussit. Je suis champion d'Europe, je viens d'être papa. Je marche quasi sur l'eau et je ne fais pas gaffe. Je suis tellement épuisé que je ne raisonne plus. À la limite, je me sens intouchable. Je veux m'entraîner aussitôt que j'arrive pour rattraper le temps perdu, pour être avec mes coéquipiers, dans le truc. Je suis eu-pho-ri-que. Je veux participer au premier match amical, alors qu'on m'a conseillé de lever le pied. Et, patatras, je me blesse. J'ai fêté mes trente ans à la maison puisqu'on est revenu très vite, éliminé dès le premier tour».
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40 ans...
«Qu'est-ce que je fais de mon existence ?»
Cela fait déjà six ans, juste après le Mondial 2006, que Zizou en a terminé avec le foot. «Quarante piges...», dit-il, les yeux dans le vague. Ça fiche un coup de vieux, pour ceux qui l'ont suivi depuis Bordeaux, et au-delà. Pour un footballeur, souvent, c'est le temps des questions, qui tournent autour d'une seule, en fait: «Qu'estce que je fais de mon existence (voir l'entretien)» ? Z. en termine avec plein de projets qu'il a menés au bout ou non. Consultant à Canal+, véritable icône publicitaire, l'homme de confiance du président du Real Madrid a été aussi le directeur de l'équipe première, auprès de José Mourinho. Un poste qu'il doit quitter. Mais pour quoi faire ? Il s'interroge et, pour moins subir le cours des événements, poursuit ses études de management du sport à Limoges et envisage de passer ses diplômes d'entraîneur. Les mois à venir vont être déterminants pour la suite de sa vie d'homme. Z.Z. le sait. Mais cette perspective le passionne autant qu'elle le laisse parfois songeur. Aujourd'hui, il se dit prêt.
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50 ans....
«J'aimerais avoir trouvé un job qui remplit autant ma vie que le football
l'a fait»
L'avenir se prépare. Chose curieuse, mais normale pour un sportif de haut niveau et un joueur de sa trempe, c'est à quarante ans que Z.Z. bâtit son demain et après-demain. «Juste après ma vie sportive, j'ai voulu décompresser, me laisser aller, entreprendre au travers de voyages ce que je n'avais pas pu faire auparavant quand j'étais trop pris par le ballon.» Mais, une fois ce cap dépassé, forcément, les questions de fond se posent. «Donc, j'aimerais assez qu'on se revoit tous les deux dans dix ans et que je puisse te dire que j'ai trouvé un job qui remplit autant ma vie que le football l'a fait. Alors, j'aurai gagné, j'aurai réussi mon après-carrière. Car entre mon arrêt et aujourd'hui, c'est compliqué.» Faire aussi bien, voilà le challenge de Zidane. Pas facile pour celui qui a rendu le jeu si fluide, si simple en somme, et fait rêver des millions de gens. Comment apporter la preuve qu'il peut être aussi bon qu'avant ? «Je sais que ce que je fais à l'heure actuelle est moins bien que ce que j'ai réussi durant vingt ans.» C'est tout le dilemme du footballeur et, tout grand Zidane qu'il est, il y est confronté.


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