«La CAN a perdu de sa magie.» Alors que commence la phase à élimination directe de la Coupe d'Afrique des Nations de la CAF-2013, Marcel Desailly a livré à FIFA.com ses impressions sur la première partie de la compétition. L'ancien capitaine de l'équipe de France est sur place, en Afrique du Sud, pour couvrir la compétition en tant que consultant pour les médias. Originaire du Ghana, The Rock est un éternel passionné de football africain, dont il loue les progrès tout en l'invitant à garder sa part de folie et d'imprévisibilité. M. Desailly, que pensez-vous de cette première phase de la CAN 2013 ? Quand on compare la dernière CAN et celle ci, on voit que le niveau se resserre. Il y a beaucoup de nouveaux visages. Je suis ravi de voir le Burkina Faso qui confirme, ou le Cap-Vert qui fait de belles choses avec à sa tête un technicien de qualité (Lúcio Antunes). Je ne suis pas surpris par l'élimination de la Zambie, dans la mesure où c'était difficile de rééditer leur exceptionnelle performance collective de la dernière édition, et que tout le monde les attendait au tournant... Le Nigeria, qui n'était pas présent lors de la dernière CAN, montre avec le sélectionneur Stephen Keshi qu'il faudra aussi compter avec lui. Globalement, c'est satisfaisant, même si personnellement, j'aurais aimé que les équipes du Maghreb réussissent mieux. Quand on voit le niveau qu'a montré l'Egypte lors des précédentes éditions, j'espérais qu'un équipe maghrébine apporte la même technicité dans le jeu, comme l'ont fait les Pharaons dans le passé. Qu'a-t-il manqué à la Tunisie, l'Algérie et le Maroc pour se qualifier pour le second tour ? Je pense qu'il leur a manqué de l'impact physique pour pouvoir exprimer leurs qualités tactiques et techniques. Malheureusement, contre les pays d'Afrique de l'Ouest, il faut être bien préparé physiquement pour s'imposer dans les duels. L'Egypte était tellement complète techniquement, tactiquement et physiquement qu'elle était capable de rivaliser avec n'importe quelle équipe du continent. Je pense que c'est là qu'il faut chercher et qu'il faudra progresser à l'avenir. Quelles ont été les plus grosses surprises ? Le Cap-Vert ! Ils arrivent de nulle part ! L'Afrique du Sud aussi, que je ne voyais pas du tout passer au second tour. Je pense même qu'ils auraient eu du mal à se qualifier pour cette CAN s'ils ne l'avaient pas été en tant que pays organisateur. Mais c'est vraiment plaisant de les voir réussir ainsi, pour l'intérêt de la compétition. Y a-t-il des joueurs en particulier qui vous ont tapé dans l'oeil lors de cette première partie de l'édition 2013 ? Je trouve que ça a un peu perdu de sa magie de ce point de vue-là. La CAN a progressé dans beaucoup de domaines, comme l'organisation et la couverture médiatique qui sont désormais au niveau des autres compétitions internationales. Mais il manque un peu ces découvertes qu'on pouvait faire il y a une quinzaine d'années sur certains joueurs. Désormais, ils sont répertoriés et sont pour la plupart dans des équipes européennes. Ceux qui jouent dans des clubs locaux ont perdu en partie ce grain de folie créatif, parce qu'il évoluent malgré tout dans des structures académiques qui les formatent un peu, encadrés par des techniciens qui connaissent le football moderne. Soyons fous ! Un dribble ou un petit pont dans la surface de réparation, ou une roulette ! On voit beaucoup moins de gestes pour le geste. Suivez-vous particulièrement le Ghana, votre pays d'origine ? Oui, bien sûr. Je suis content qu'ils aient pris un entraîneur local (James Kwesi Appiah), qui a su faire les bons choix. Il a fait confiance à Christian Atsu Twasam, de Porto, qui est un vrai complément d'Asamoah Gyan en attaque. Il y a aussi des joueurs qui se sont révélés, comme Emmanuel Agyemang-Badu ou Anthony Annan qui ont pallié les absences de John Mensah ou Michael Essien. On a retrouvé une génération de qualité, qui n'est pas forcément celle qui a gagné la Coupe du Monde U-20 en 2009. Les joueurs ont une bonne mentalité et se sont mis au service du collectif pour cette CAN, ce qui n'a pas toujours été le cas lors des éditions précédentes. Ghana-Côte d'Ivoire serait-il pour vous la finale idéale ? J'adore la Côte d'Ivoire, mais moi je suis pour le partage. J'ai envie de voir de nouveaux visages dans les phases finales, et pas forcément avoir les mêmes équipes qui ont eu leur chance auparavant. Ce qu'a fait la Zambie l'année dernière était fantastique ! Ça m'a fait penser au Danemark et la Grèce qui ont réussi à faire un coup sur une compétition sans faire une seule erreur. On aimerait que le Cap-Vert soit capable de faire ça aussi. La Côte d'Ivoire, avec une génération exceptionnelle mais qui n'a rien gagné, mérite-t-elle de décrocher un trophée ? J'adore toutes les équipes, mais je ne peux pas faire de sentiments. Sinon, on peut dire aussi que le Ghana le mérite, que le Cameroun aussi aurait dû la gagner en 2008... Ça n'est pas une récompense ! On est là pour le jeu, et c'est le jeu qui parle.