«Si le match du Caire avait été annulé, il y aurait eu une guerre civile» Secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke a été celui qui, en compagnie de l'actrice sud-africaine Charlize Theron, a animé et supervisé le tirage au sort de la Coupe du monde de football vendredi soir au Cape Town International Convention Centre. C'est également lui qui, à partir de Dubaï où se déroulait la Coupe du monde de Beach Soccer, avait officiellement annoncé que le résultat du match de Khartoum était entériné, malgré les protestations de la partie égyptienne. Rencontré hier à l'hôtel Westin Grand du Cap, il exprime et explique la position de la FIFA sur la question. * Vous avez dit lors de la cérémonie du tirage au sort que l'Afrique du Sud est prête à accueillir la Coupe du monde. L'Afrique est-elle aussi prête pour bousculer la hiérarchie du monde sur le terrain, surtout qu'elle aura six représentants ? Il est vrai que l'Afrique se présente au Mondial avec six représentants qui auront à cœur de démontrer leur valeur, mais ce sera quand même difficile, je pense, d'arriver au bout. Le grand inconvénient pour ces sélections est que cinq d'entre elles participeront à la Coupe d'Afrique des nations en début d'année. Leurs joueurs joueront ensuite avec leurs clubs les matches de la deuxième moitié de la saison, avant d'aller tout de suite après en Coupe du monde. Ces sélections arriveront ainsi lessivées sur le plan physique et cela risque de peser lors des matches. L'Afrique du Sud, non concernée par la CAN, aura certainement plus de fraîcheur, mais cela n'en sera pas moins difficile car elle a quand même dans sa poule la France, le Mexique et l'Uruguay. Toutefois, je pense que l'équipe africaine qui est la plus à même d'aller loin dans la compétition est la Côte d'Ivoire, même si elle n'est pas tombée dans un groupe facile avec le Brésil et le Portugal. * Et l'Algérie dans tout ça ? L'Algérie revient en Coupe du monde après 24 ans d'absence et c'est déjà une performance. Je crois que ses joueurs et ses supporters viendront ici, en Afrique du Sud, pour prendre du plaisir à jouer dans le haut niveau et dans une bonne ambiance et cela les changera certainement des incidents regrettables en Egypte et au Soudan. * Vous confirmez donc qu'il y a bien eu des incidents ? Oui et c'est scandaleux. Sans trop m'avancer sur les détails, puisqu'une enquête est ouverte et est en train de suivre son cours, ce qui s'est passé est scandaleux et la FIFA ne peut pas laisser passer cela. Je ne peux pas dire qui a raison et qui a tort, mais on ne peut pas tolérer cela. * Il y aura donc des sanctions ? Oui. Compte tenu des nombreux éléments déjà en notre possession et d'autres que nous avons demandés, cela prendra un peu de temps pour bien examiner et vérifier les faits. J'ai reçu les représentants des fédérations algérienne et égyptienne et chacun m'a ramené des preuves. J'ai une pile d'enregistrements vidéo, des rapports et même des pierres qui auraient été lancées contre le bus des joueurs algériens. Comme nous ne sommes pas la police, je ne peux pas mettre ces pierres sous scellés, mais elles sont à mon niveau comme éléments du dossier. Chacune des deux parties a apporté ce qu'elle considère comme des preuves à charge, tout en soutenant que les vidéos ramenées par l'autre partie sont un montage. Bref, chacun accuse l'autre et il faudra du temps pour que la commission de discipline étudie tout cela. * A quand estimez-vous la publication du rapport final ? Peut-être dans le courant du mois de janvier et les sanctions pourraient être annoncées en février ou un peu plus tard. * En février, ce serait lors de la réunion ordinaire du Comité exécutif de la FIFA... Non, cela n'a rien à voir. La commission de discipline est souveraine et est indépendante du Comité exécutif. Elle rendra son rapport et prononcera ses décisions lorsqu'elle aura terminé, tout simplement. * On sait ce qui s'est passé au Caire. Que s'est-il donc passé, selon la partie égyptienne, à Khartoum ? Non, on ne sait pas encore ce qui s'est passé au Caire. On ne le saura officiellement que le jour où la commission de discipline rendra son rapport. * Il y a eu quand même du sang qui a coulé et c'est le sang de joueurs qui étaient là pour jouer un match de football sous l'égide de la FIFA… C'est pour ça que je dis que c'est grave et scandaleux, mais je ne peux pas affirmer qui a frappé qui. C'est l'enquête qui le déterminera. Ce que je peux dire, c'est que, déjà, le fait qu'il y a eu des fumigènes dans les stades est une entorse aux règles de la FIFA. Les fédérations nationales de l'Egypte et du Soudan n'ont pas respecté les recommandations strictes de la FIFA et elles devront s'expliquer sur cela. Je ne parle pas de ce qui s'est passé en dehors des stades car cela devrait relever du code pénal, donc de la police. * Les rapports des officiels de la FIFA ont signalé des fumigènes dans les stades ? Je ne peux pas vous dire ce que contiennent les rapports. Ce sont des documents confidentiels qui, de plus, sont utilisés dans une enquête. Ce que je peux dire, c'est que la FIFA ne peut pas laisser passer cela et que les sanctions appropriées seront prononcées. * Il y a eu un match d'appui remporté par l'Algérie. Si l'Egypte avait gagné ce match et que la commission d'enquête conclurait, en janvier, à la culpabilité de l'Egypte dans les incidents, que se passerait-il ? Auriez-vous annulé la qualification de l'Egypte ? Si on raisonne avec des «si», on peut refaire le monde. Ce que les gens doivent savoir, c'est qu'il était difficile de décider, en deux jours, du report ou de l'annulation d'un match alors que l'enquête exigée est complexe. Et puis, compte tenu de la sensibilité de ce match, qui sait ? Peut-être que son annulation aurait provoqué une guerre civile. Sachez bien que la FIFA a exigé que les conditions de sécurité soient réunies. De même, j'ai personnellement appelé des ministres, dont le ministre algérien des Affaires étrangères, pour les sensibiliser à appeler les gens au calme. Il s'agissait d'un simple match de football. A la FIFA, on ne fait pas de politique. * Vous avez entériné le résultat de ce match alors que vous dites qu'il y a eu des incidents à Khartoum aussi. Est-ce à dire que, sur le terrain, tout s'est bien passé ? Nous avons entériné le résultat, mais je ne peux pas vous dire si tout s'est bien passé ou pas tant que la commission d'enquête n'aura pas rendu son rapport. * Quelles sanctions encourent les fédérations ? Cela dépendra des conclusions de l'enquête. Cela peut être une amende financière, une suspension de stade, l'interdiction du public ou encore la limitation du nombre de spectateurs dans le stade. Cela se décidera selon la gravité des fautes révélées par l'enquête. Entretien réalisé par Farid Aït Saâda