« Evidemment, est-ce que le verre est à moitié plein ou à moitié vide ? Je dirais qu'il y a une tendance ici de le voir plutôt à moitié vide. Moi, je dirais qu'il faut regarder ce qui a été fait. Cela me permet de dire qu'il y a beaucoup de chantiers à mener, c'est ce qui explique, d'ailleurs, notre présence et notre volonté de continuer à investir en Algérie.» Ces propos, d'un des associés du bureau algérien du cabinet Ernst & Young, montrent toute la difficulté des partenaires de l'Algérie d'avancer une quelconque appréciation sur la situation économique du pays et sur l'état de la législation en termes d'investissements et d'interventions des opérateurs étrangers. Tout en surfant sur les mots, Philippe Ausseur, sollicité par le journal électronique Maghreb Emergent, n'hésite pas pour autant à émettre des critiques, bien que subtilement enveloppées, sur le marché algérien et ses tares. Sollicité pour savoir son point de vue sur ce qui a pu changer dans l'environnement des affaires en Algérie depuis l'installation du cabinet dans le pays en 2008, Philippe Ausseur admet que « globalement, il y a eu quand même une progression de l'économie algérienne sur un certain nombre de thématiques comme les pratiques managériales », citant notamment les investissements en technologie et les normes comptables. « On voit effectivement que plusieurs chantiers ont été menés et beaucoup d'améliorations », reconnaît-il. Mais il se montre critique lorsqu'il s'agit de parler de la législation économique. « Si on revient au contexte législatif, je crois que ce n'est pas anormal qu'un Etat veuille contrôler ses importations, c'est même légitime. Ce qui est par contre important, c'est la clarté et la stabilité qu'une législation. Et c'est probablement à ce niveau qu'il y a beaucoup à faire », lâche-t-il, usant d'une certaine franchise qui risque de ne pas plaire à tout le monde. L'associé du cabinet exprime en effet son souhait « qu'il y ait un petit peu plus de lisibilité et de clarté dans ce qui est décidé au niveau macroéconomique », de même que les opérateurs, insiste-t-il, ont besoin d'avoir des bases de données « plus fiables » concernant, notamment, la consommation et la distribution des produits. « Nous n'avons pas encore ces statistiques-là en Algérie. Or, pour n'importe quel entrepreneur, qu'il soit public ou privé, il est nécessaire de disposer de ces informations », explique-t-il. M. Ausseur estime, toutefois, que l'Algérie « reste un marché à fort potentiel, elle a beaucoup d'atouts, c'est d'abord cela qu'il faut regarder », recommandant aux opérateurs étrangers de « dépasser l'à priori et les effets d'annonce ». « Nous leur disons (aux opérateurs NDLR), aussi, qu'il est tout à fait possible, en s'organisant bien, de rapatrier les dividendes. En gros, faites attention aux éclats de voix qu'il peut y avoir, et inscrivez vous plutôt dans la durée. Et nous sommes un acteur pour vous expliquer ce qu'il y a vraiment à faire », assure-t-il. M. Ausseur décoche, par ailleurs quelques fléchettes à l'endroit du secteur bancaire où, relève-t-il, « il reste un certain nombre d'améliorations à mener, ne serait-ce que dans le système de paiement qui reste encore long, fastidieux et compliqué ». «Les délais de paiement, par exemple, si on compare aux autres pays proches de l'Algérie, comme le Maroc ou la Tunisie, sont beaucoup plus longs», note-t-il. La logistique et la situation qui règne dans les ports du pays n'ont pas échappé à ce tableau critique. « De manière générale que la problématique de logistique reste une difficulté. Si nous prenons comme exemple le secteur portuaire, nous ne pouvons que constater que ça reste quand même un frein, et qu'il nécessite des investissements et des améliorations », indique-t-il. L'associé du cabinet Ernst & Young met, par ailleurs, en exergue « le développement qu'a pu faire une entreprise comme Cevital » qu'il juge de « très intéressant ». Pour développer le secteur industriel, M. Ausseur estime qu'il faudrait qu'il y ait dans le futur d'autres Cevital. « C'est important, dans la mesure où ça permettra de rééquilibrer l'économie algérienne et de limiter les importations. Les efforts doivent êtres de diversifier l'économie davantage qu'elle ne l'est actuellement », recommande-t-il.