L'Algérien Lakhdar Boumediene, qui vient d'être accueilli en France après plus de sept ans passés à Guantanamo sous le «matricule 10.005», a raconté au quotidien Le Monde son calvaire dans la prison américaine, où il a subi interrogatoires et sévices pendant plusieurs années. Matricule 10.005: «c'était mon nom là-bas. C'est comme ça qu'on m'appelait. Jamais Lakhdar ou Boumediene», raconte l'ex-détenu, arrivé le 15 mai en France, où l'ont rejoint sa femme et ses deux filles. «Bien sûr, je ne les ai pas reconnues», déclare Boumediene, 42 ans, qui figurait parmi les premiers prisonniers arrivés à Guantanamo, prison ouverte en janvier 2002 sur une base militaire américaine à Cuba par le président George W. Bush. Arrêté à l'automne 2001 avec cinq autres Algériens en Bosnie, Boumediene était soupçonné d'avoir fomenté un attentat contre l'ambassade américaine de Sarajevo. Il a été définitivement blanchi par la justice américaine en novembre 2008, mais est resté enfermé. L'Algérien a observé plus de deux ans de grève de la faim pour protester de son innocence, et était nourri de force par ses geôliers. Il raconte: «réveil à 5 heures pour la prière du matin. Après retour dans la cellule, 6 heures, les gardes viennent te chercher (...) on t'assied sur une chaise, pieds et mains menottés, et on te nourrit de force par intubation dans les voies nasales». Le détenu, qui ne pouvait parler à personne, a cessé deux fois sa grève de la faim: le jour de la victoire d'Obama en novembre 2008, et le jour où les juges américains l'ont blanchi. L'un de ses pires souvenirs remonte à février 2003, où il a été interrogé pendant 16 jours et 16 nuits. «Ca commençait à minuit, ça durait jusqu'à 5 heures du matin. Ca s'arrêtait quelques heures puis ça reprenait. Au bout de la troisième ou de la cinquième nuit, j'ai été ausculté par un médecin de l'armée qui a dit aux geôliers que tout allait bien et qu'ils pouvaient continuer», a-t-il raconté. Quelque 200 hommes sont encore détenus à Guantanamo, prison symbole des dérives de la guerre contre le terrorisme de George W. Bush, que le président Barack Obama s'est engagé à fermer.