Les négociations prévues aujourd'hui, entre le haut négociateur iranien sur le nucléaire, Saïd Jalili, et le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana, se dérouleront sur fond de tension.A la veille des négociations Solana-Jalili prévues, aujourd'hui, pour discuter de la crise nucléaire iranienne, la tension entre l'Iran d'une part, et les Etats-Unis et Israël d'autre part, est montée d'un cran après que Téhéran eut annoncé, cette semaine, avoir procédé à des essais de missiles, dont l'un, le Shahab 3, présenté comme capable d'atteindre Israël, lors de manœuvres militaires en Iran. Lors de ces manœuvres baptisées Grand Prophète III, dans le Golfe, l'armée iranienne a testé avec succès plusieurs types de missiles dont des missiles sol-mer, sol-sol et mer-air, entre autres un Shahab 3 qui peut atteindre plus de 2 000 km.Selon les dirigeants iraniens, une telle puissance permettrait à Téhéran d'atteindre une grande partie du Proche-Orient, notamment Israël ainsi que la Turquie, le Pakistan et la péninsule arabique. Le missile " Hoot torpedo ", dévoilé par l'Iran en avril 2006 et décrit comme une arme ultra rapide capable de frapper des sous-marins ennemis, a aussi été testé avec succès. Selon le commandant des Gardiens de la révolution, ces récents exercices militaires sont un " avertissement " lancé aux ennemis de la République islamique. " Le but de ces exercices est d'améliorer la capacité de l'Iran à réagir avec rapidité et puissance à de potentielles menaces d'offensives ennemies ", a menacé samedi le chef de l'armée iranienne, le général Mohammad-Ali Jafari. " Les exercices militaires apportent de la puissance à la République islamique d'Iran et sont une leçon pour ses adversaires ", a ajouté Jafari. Le même jour, un haut responsable iranien a menacé que " l'Iran visera 32 bases américaines et le cœur d'Israël en cas d'attaque contre son territoire ". Plus tôt, des dirigeants iraniens ont juré de " mettre le feu " à Tel-Aviv et à la flotte militaire américaine dans le Golfe en cas d'attaque contre ses installations nucléaires, au milieu d'appels des grandes puissances l'exhortant à suspendre toute activité liée à l'enrichissement d'uranium. " Nos missiles sont prêts à être lancés n'importe où, n'importe quand, vite et avec précision ", a lancé le commandant des forces aériennes des Gardiens de la révolution, Hossein Salami. Parallèlement, le chef d'état-major de l'armée iranienne avait averti que Téhéran pourrait fermer le détroit stratégique d'Ormuz, par où transite environ 40 % du pétrole mondial, si les intérêts de l'Iran étaient en jeu.Selon l'expert Mohamad Abbass, cette démonstration de force de la part de Téhéran est une réponse aux manœuvres effectuées, le mois dernier, par l'aviation israélienne dans l'est de la Méditerranée, et décrites par des responsables américains comme une possible répétition d'une frappe sur les installations nucléaires iraniennes. " Téhéran tente, à son tour, de prouver sa force et ses capacités militaires en cas d'agression contre ses territoires. C'est une sorte de guerre psychologique qui vise à jeter l'effroi dans le cœur de ses ennemis. A vrai dire, Téhéran possède des missiles qui peuvent atteindre le cœur d'Israël et frapper les bases américaines au Golfe. Par ces manœuvres, l'Iran veut obliger la communauté internationale à entamer des négociations sérieuses avec lui ", analyse M. Abbass.Ce scénario effrayant a fort inquiété toute la communauté internationale cette semaine, surtout les Etats-Unis dont la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a déclaré : " les Etats-Unis ont renforcé leur présence militaire dans le Golfe et n'hésiteraient pas à défendre leurs alliés et surtout Israël ", qui se considère comme la cible désignée des missiles mais aussi des activités nucléaires iraniennes. Déjà, les Etats-Unis, comme Israël, n'ont pas exclu récemment un recours à la force contre l'Iran pour stopper son programme nucléaire, dont les Occidentaux craignent qu'il ne cache un volet militaire sous couvert de production d'électricité. Efforts diplomatiques Soufflant le chaud et le froid comme d'habitude, la République islamique a tenté de garder un certain équilibre. Parallèlement aux manœuvres, le porte-parole du gouvernement iranien, Gholam-Hossein Elham, a déclaré, dimanche, que l'Iran est prêt à entamer des négociations " honnêtes " avec les Occidentaux sur le dossier nucléaire. Prouvant le sérieux de leur engagement, les dirigeants iraniens ont annoncé que la rencontre Jalili-Solana a pour but de poursuivre les négociations sur les propositions avancées en juin dernier par le groupe des six grandes puissances impliquées dans le dossier nucléaire iranien (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne). Le mois dernier, M. Solana a remis un paquet de propositions formulé par le Groupe 5+1 en vue de convaincre Téhéran de stopper l'enrichissement. Les propositions des six visent à engager avec Téhéran des négociations sur des thèmes allant de l'énergie nucléaire à la politique, en passant par l'économie et un partenariat énergétique, en échange de garanties sur l'arrêt de toute opération d'enrichissement d'uranium. Plus diplomatique encore a paru, dimanche, le président ultraconservateur iranien Mahmoud Ahmadinejad qui, malgré ses menaces de couper les mains des agresseurs - probablement américains ou israéliens -, a accueilli favorablement l'idée d'une présence américaine en Iran sous la forme d'une section d'intérêts. " Nous accueillons favorablement toute action qui aidera à renforcer les relations entre les peuples ", a déclaré M. Ahmadinejad. Un responsable du département d'Etat américain avait affirmé fin juin dernier que les Etats-Unis envisageaient pour la première fois l'ouverture d'une section d'intérêts américaine à Téhéran, avec des employés américains qui y disposeraient d'un statut diplomatique, similaire à celle qui fonctionne à Cuba depuis 1977. " Telle a été toujours la nature des Iraniens : adopter deux attitudes diamétralement opposées pour ne rien perdre. Battre d'une main et caresser de l'autre. Les négociations que Téhéran veut entamer visent en fin de compte à gagner du temps jusqu'à ce que le mandat du président George W. Bush touche à sa fin en novembre prochain. Sinon, Téhéran n'a aucune intention de stopper son programme nucléaire ", estime Mohamad Abbass. Selon les analystes, le dossier du nucléaire iranien, qui apparaît comme la crise majeure de ce siècle, risque de perdurer. Et il est difficile de pronostiquer à l'heure actuelle quel dénouement il prendra. Maha Al-Cherbini