Le diplomate en chef de l'Union européenne, Javier Solana, et le négociateur iranien Saïd Jalili, ont entamé, hier à Genève, leurs entretiens avec le petit espoir que la présence d'un haut diplomate américain permette de débloquer le casse-tête nucléaire iranien. La présence du numéro trois du département d'Etat, William Burns, confère une importance particulière à ces discussions que M.Solana mène au nom de six grandes puissances depuis juin 2006: Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne. Sa participation marque un revirement spectaculaire de Washington. Les Américains, qui ont rompu les relations diplomatiques avec Téhéran en 1980, avaient toujours exigé de ce pays la suspension de ses activités d'enrichissement d'uranium, avant d'accepter de participer à des négociations multilatérales avec Téhéran. La porte-parole de M.Solana, Cristina Gallach, a indiqué ne pas savoir si l'Américain, venu «écouter, pas négocier», prendrait la parole lors de la rencontre, à laquelle participent aussi des diplomates de chacune des cinq autres puissances. «C'est lui qui décidera de son attitude», a-t-elle déclaré aux journalistes. Sur l'organisation des discussions et le format du déjeuner - qui pourrait ne réunir que MM.Jalili et Solana - «nous sommes flexibles, pour favoriser ce que nous attendons à savoir des progrès», a-t-elle déclaré. Soulignant que la présence de M.Burns constituait «un signal fort de l'engagement américain en faveur d'une solution négociée» et les réactions «positives» des Iraniens, elle a aussi indiqué que les Six étaient «prêts à être créatifs pour permettre aux négociations de démarrer en pleine conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. A Téhéran, le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr »Mottaki a de son côté espéré que les discussions de Genève permettent de définir «le cadre de négociations» futures pour mettre fin à la crise. Quatre résolutions du Conseil de sécurité, dont trois assorties de sanctions, appellent l'Iran à cesser toutes ses activités d'enrichissement d'uranium, soupçonnées d'alimenter un programme secret de fabrication de l'arme atomique. Mais l'Iran a refusé jusqu'ici de les suspendre et assure qu'elles n'ont que des fins pacifiques. Téhéran a aussi rejeté une vaste offre de coopération politique et économique présentée par M.Solana au nom des Six en juin 2006, conditionnée à cette suspension préalable. M.Solana a présenté une nouvelle mouture de cette offre à Téhéran le mois dernier, à laquelle il estime que les Iraniens ont apporté début juillet une réponse «compliquée». Il a aussi proposé une phase de pré-négociations, qui pourrait débuter si les Iraniens acceptaient dans un premier temps de maintenir l'enrichissement à son niveau actuel tandis que les Six renonceraient à durcir les sanctions existantes (proposition de «freeze for freeze»). Mais les Iraniens pourraient une fois encore ne pas fournir de réponses claires à Genève. «Les discussions ne sont pas sur le ´´freeze for freeze´´» mais «sur les points communs entre les deux offres», a déclaré Keyvan Imani, membre de la délégation iranienne à Genève, en évoquant l'offre des six comme les propositions faites récemment par l'Iran à l'ONU pour régler les problèmes du monde. Ces propositions iraniennes ne mentionnent néanmoins pas les activités nucléaires iraniennes. Dans une déclaration vendredi sur le site Internet du Foreign Office, le chef de la diplomatie britannique David Miliband a poussé les Iraniens à répondre à l'ouverture américaine qui leur «retire toute possibilité d'excuses». «C'est maintenant à l'Iran de bouger. Il y a une base claire pour négocier. Elle doit être utilisée», a-t-il estimé.