Radovan Karadzic, ancien président des Serbes de Bosnie recherché pour des crimes de guerre d'une gravité sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, a été arrêté au terme de onze ans de cavale."Karadzic a été repéré et arrêté", déclare le président serbe Boris Tadic dans un communiqué laconique diffusé lundi soir. La nouvelle s'est rapidement répandue à Sarajevo, assiégée pendant 43 mois par les forces fidèles à l'ancien homme fort de Pale, qui y ont fait 11.000 morts. "C'est ce qui pouvait arriver de mieux. On voit des gens faire la fête partout", s'est réjoui Fadil Bico, un habitant de la capitale célébrant l'événement. Selon plusieurs sources gouvernementales serbes, Karadzic a été interpellé lundi mais il avait été placé sous surveillance il y a plusieurs semaines déjà, après une information transmise par les services de renseignement d'un pays tiers. En cavale depuis 1997, il n'a pas opposé de résistance. Son avocat Svetozar Vujacic a déclaré de son côté que son interpellation s'était déroulée vendredi soir alors qu'il se déplaçait en autobus entre deux localités de la banlieue de Belgrade. Des précisions sur les conditions de son interpellation et sa probable extradition devraient être apportées lors d'une conférence de presse prévue à 11h00 heures. Les dernières photos disponibles de Karadzic datent de la fin des années 1990. Les enquêteurs ont d'abord procédé à une identification formelle, à l'aide notamment de tests ADN, avant d'interroger Karadzic. Selon son avocat, il a peu changé physiquement bien qu'il ait perdu du poids. Son arrestation et celle de son chef d'état-major Ratko Mladic, qui court toujours, était l'une des conditions fixées à Belgrade pour l'obtention du statut officiel de candidat à l'intégration à l'Union européenne. Un premier acte d'accusation à l'encontre de Karadzic et de Mladic a été déposé le 24 juillet 1995 par le procureur du TPIY. Il accusait les deux hommes de génocide, crimes contre l'humanité, infractions graves aux Conventions de Genève et violations des lois ou coutumes de la guerre. Un deuxième, confirmé le 16 novembre 1995, les met en cause pour des violations sérieuses du droit humanitaire commises par les forces serbes de Bosnie lors du siège et de la prise des zones de sécurité de Srebrenica, en juillet 1995. "L'arrestation de Radovan Karadzic confirme que tous les criminels devront répondre de leurs actes devant la justice", s'est félicitée Munira Subasic, qui préside une association de femmes de Srebrenica. Le diplomate américain Richard Holbrooke, ancien secrétaire d'Etat adjoint et principal architecte des accords de Dayton, qui ont mis fin en 1995 à la guerre civile, a salué l'arrestation d'un "Oussama ben Laden d'Europe". Son interpellation a été annoncée à la veille d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne qui doivent évoquer le resserrement des liens avec la Serbie après la formation d'un nouveau gouvernement pro-occidental. Serge Brammertz, procureur en chef TPIY, est par ailleurs attendu mardi à Belgrade. "Il s'agit d'un événement très positif qui va contribuer à la justice et à la réconciliation dans l'ouest des Balkans. Cela montre la détermination du nouveau gouvernement serbe à coopérer pleinement avec le TPIY", s'est félicité José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Les Occidentaux ont longtemps soupçonné Belgrade de rechigner à le rechercher. Le nouveau gouvernement qui réunit le Parti démocratique pro-européen du président Tadic et le Parti socialiste de feu Slobodan Milosevic semble aujourd'hui décidé à répondre aux exigences de Bruxelles. "Cette arrestation, longtemps attendue, manifeste clairement la volonté du nouveau gouvernement de Belgrade de rapprocher la Serbie de l'Union européenne, en contribuant à la paix et à la stabilité des Balkans", s'est réjoui Nicolas Sarkozy, chef de l'Etat français et président en exercice du Conseil européen.Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Onu, a quant à lui félicité les autorités serbes "pour cette mesure décisive visant à mettre fin à l'impunité de ceux ayant été inculpés pour des violations graves du droit international humanitaire pendant le conflit en ex-Yougoslavie".Karadzic devrait rester au moins trois jours en Serbie avant son transfert à Scheveningen, quartier pénitentiaire du TPIY, en attendant l'examen du recours de son avocat contre son extradition, dit-on de sources judiciaires à Belgrade, où beaucoup le considèrent encore comme l'un des grands hommes de Serbie.