Des combats ont opposé mercredi à Bagdad des forces irakiennes et américaines aux insurgés, dans le quartier sunnite de Haïfa, après une accalmie d'une semaine, et au lendemain de la mort de la cinq gardes de sécurité privée américains dans la chute d'un hélicoptère. Par ailleurs, le ministre de l'Enseignement supérieur, Abed Diab al-Oujaïli, a échappé mercredi matin à une embuscade tendue par des hommes armés dans le sud de Baghdad, qui a fait un mort et un blessé parmi ses gardes. De violents affrontements ont éclaté dans la nuit et se sont prolongés dans la matinée dans la rue Haifa, bastion sunnite du centre de Baghdad, sur la rive ouest du Tigre et dans le quartier majoritairement sunnite de Fadl, juste de l'autre côté du fleuve. "Une unité militaire irakienne, soutenue par des forces américaines, affronte des insurgés dans les quartiers de Fadl et de Haïfa. Six terroristes et trois suspects ont été arrêtés mercredi et d'importantes caches d'armes ont été découvertes dans une école primaire, dans la rue Haifa", a indiqué une source des services de sécurité irakiens. Des hélicoptères américains ont survolé la zone et ouvert le feu sur les insurgés, selon la source de sécurité irakienne. L'armée américaine a annoncé le lancement mercredi matin d'une opération baptisée "Tomahawk Strike 11" visant à isoler les insurgés de la rue de Haïfa et à reprendre le contrôle du quartier situé à moins de 2 km de la zone verte fortifiée qui abrite les institutions irakiennes. L'armée américaine a en outre fait état, dans un communiqué, de l'arrestation de "trois terroristes" au cours d'un raid dans le nord de Baghdad visant al-Qaïda, sans préciser le lieu. Un enfant de 12 ans, grièvement blessé au cours de l'opération est mort à son arrivée à l'hôpital, a ajouté l'armée. Les combats, à l'arme automatique, à la mitrailleuse, et aux roquettes antichar, ont éclaté à l'aube et se sont poursuivis jusqu'en milieu de matinée. Le 9 janvier, près de mille soldats irakiens et américains avaient mené une opération conjointe à Haïfa, avec l'appui d'hélicoptères d'attaque, faisant cinquante tués parmi les insurgés. De nouveaux affrontements avaient éclaté les 14 et 17 janvier. Mardi, un hélicoptère de la société de sécurité privée américaine Blackwater s'est écrasé dans le quartier de Fadl, qui fait face à Haïfa, faisant cinq morts parmi les passagers. L'attaque a été revendiquée par trois groupes de la guérilla sunnite en Irak, l'Armée islamique en Irak, Ansar al-Sunna (lié à al-Qaïda) et les brigades de la révolution de 1920. Fondé en 1977 par un ancien membre des forces spéciales de la marine américaine (Navy Seals), Blackwater est le plus célèbre groupe de sécurité privée, qui a acquis une sinistre notoriété en mars 2004, quand quatre de ses employés américains sont tombés dans une embuscade à Falloujah, le bastion rebelle à l'ouest de Baghdad. Les images de leurs corps calcinés, pendus sur un pont, avaient choqué le monde et accéléré une opération militaire d'envergure contre Falloujah, en avril puis en novembre 2004, quand les Marines avaient repris la ville et l'avaient quasiment réduite en cendres. Sur le plan politique, la classe politique irakienne des deux côtés de la division sectaire entre sunnites et chiites n'a vu que peu de changement dans la politique américaine dans le discours sur l'état de l'Union de George W. Bush prononcé mardi soir devant un Congrès aux mains des démocrates pour la première fois depuis 12 ans. Pour son sixième discours sur l'état de l'Union, c'est un George W. Bush politiquement affaibli et de plus en plus isolé qui a demandé mardi au Congrès de "donner une chance de réussir" à sa nouvelle stratégie irakienne. "Bush n'a rien dit de nouveau et n'a donné aucun espoir réel aux Irakiens ordinaires", a estimé le parlementaire sunnite Hussein al-Falluji. "Bush nous a dit que l'envoi de troupes supplémentaires pourrait résoudre le problème de la sécurité, mais je crois qu'il ne réduira pas la violence avant longtemps parce que le problème n'est pas uniquement d'ordre militaire, c'est un problème davantage politique et d'ingérence étrangère". Pour autant, al-Falluji a salué l'avertissement lancé par George W. Bush aux extrémistes chiites soutenus par Téhéran et aux extrémistes sunnites soutenus par al-Qaïda et les partisans de Saddam Hussein dont l'affrontement pourrait conduire à l'extension des violences à tout le Proche et Moyen-Orient. "En parlant du rôle de l'Iran comme instigateur de la violence, il (Bush) est en mesure d'appréhender davantage l'origine du problème", a dit le député sunnite. De l'autre côté de l'échiquier politique irakien, un député proche de l'imam extrémiste chiite Moqtada al-Sadr réclame, lui aussi, une solution politique. "Le discours de Bush contient encore la logique de la force et de la destruction en lieu et place à une logique de dialogue et de solutions politiques", a souligné Falah Hassan. "Je pense que le gouvernement américain devrait adopter un discours de paix plutôt qu'un discours militaire". L'envoi par Bush de 21.500 soldats supplémentaires est essentiellement destiné à aider le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki qui a promis de s'attaquer à la fois aux insurgés sunnites mais aussi aux milices chiites telles que l'Armée du Mahdi, la milice de Moqtada al-Sadr, considérée désormais par Washington comme la principale menace à la sécurité à Baghdad. Pour Falah Hassan dont le bloc réclame le départ des troupes américaines, "l'armée américaine ne doit pas profiter du nouveau plan de sécurité pour régler de vieux comptes avec certaines organisations politiques irakiennes".