Dans un discours très attendu jeudi au Caire, le président Barack Obama tentera de raccommoder les relations, très dégradées sous son prédécesseur George Bush, entre les Etats-Unis et plus d'un milliard de musulmans à travers la planète. Le règlement du conflit qui s'éternise entre Israël et les Palestiniens et les craintes suscitées au Moyen-Orient par la montée de l'influence d'un Iran qui ne cache plus ses ambitions d'accéder à un statut de puissance nucléaire seront certainement au centre du message du nouveau chef de la Maison blanche. "Je veux saisir cette occasion pour délivrer un message plus large sur la façon dont les Etats-Unis peuvent changer pour le meilleur leurs relations avec le monde musulman", a déclaré Obama en recevant la semaine dernière le président palestinien Mahmoud Abbas à Washington. Entre les séquelles de l'aventure irakienne de Bush, le défi posé par la recrudescence de l'insurrection des taliban en Afghanistan, le bras de fer avec l'Iran sur le dossier du nucléaire et l'imbogrolio persistant entre Israéliens et Palestiniens, l'ancien sénateur de l'Illinois aura fort à faire pour redresser la situation héritée de son prédécesseur. Sans parler de l'image des Etats-Unis dans le monde islamique, ternie par les dérives constatées de la prison irakienne d'Abou Ghraïb au camp d'internement de Guantanamo, en passant par la sous-traitance des tortures de la CIA dans des centres secrets de pays alliés peu regardants sur les droits de l'homme. "Au mieux, il peut espérer changer l'opinion des Arabes sur les Etats-Unis et faciliter la coopération de leurs gouvernements avec Washington. C'est ce qu'il faut pour conserver notre influence dans la région", note Elliott Abrams, ancien diplomate républicain devenu chercheur au Conseil des relations étrangères. Pour pousser l'Iran à renoncer à l'arme atomique et faire progresser la cause d'un Etat palestinien, l'administration américaine a besoin des pays arabes modérés, dont l'Arabie saoudite, où Obama ira consulter le roi Abdallah à Ryad la veille de son grand discours du Caire. L'administration Obama a repris à son compte le plan de paix adopté en 2002 par la Ligue arabe, offrant à Israël une paix pleine et entière en échange de la restitution de tous les territoires arabes occupés depuis la guerre de 1967 - la partie orientale de Jérusalem, la Cisjordanie et les hauteurs du Golan syrien - et d'un règlement équitable de la question de la spoliation des réfugiés du conflit de 1948. Toutes ces revendications arabes posent problème au nouveau gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu, qui ne doit sa majorité parlementaire à la Knesset qu'à l'appoint des partis d'extrême droite et ultra-religieux peu enclins à de telles concessions."Mais toute restauration de l'image des Etats-Unis dans le monde musulman dépend du changement d'attitude de Washington sur ces questions", estime Steve Grand, expert des relations islamo-américaines à la Brookings Institution. "C'est une question qui, au-delà de tout, cimente les relations entre musulmans." Obama a consacré une partie de la semaine à affûter son discours clé qui, a-t-il promis, abordera la question entre Israël et les Palestiniens, mais peut-être pas dans le détail souhaité par l'auditoire visé. La Maison blanche s'est efforcée de minimiser les spéculations sur la formulation d'une nouvelle initiative de paix. Ce que beaucoup de musulmans du monde attendront, c'est la façon concrète dont Obama compte, au-delà des effets des figures de style, expliquer comment il compte rétablir des liens de confiance avec les régimes modérés de la région, que Bush n'avait pas ménagé sur les libertés publiques. Pour Diaa Rachouane, analyste au centre Ahram du Caire pour les études politiques et stragégiques, "il s'en tiendra à des termes généraux pour donner l'impression que l'Amérique n'est pas l'ennemie du monde arabe. Il ne rentrera pas dans les détails." Aussi important que la teneur du discours, pour Daniel Brumberg de l'Intitut des Etats-Unis pour la paix, est le lieu choisi pour le prononcer. "Le choix du lieu est le message." Choisir l'Egypte, vieil allié stratégique dans la région et premier pays à avoir conclu la paix avec Israël, démontre l'engagement d'Obama envers la poursuite du processus de paix, mais le président américain devra s'attacher à ne pas cautionner un régime critiqué pour sa répression des opposants politiques et sa situation des droits de l'homme. Obama, qui prendra la parole à l'université du Caire sous l'égide du prestigieux centre islamique sunnite d'Al Azhar, évoquera les problèmes de démocratie et de société civile, devant des invités qui comprendront des "acteurs politiques", a seulement fait savoir la Maison blanche.On ignore donc si des opposants islamistes appartenant aux Frères musulmans ou si des militants des droits de l'homme seront présents.