Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad était en passe d'être réélu dès le premier tour avec 64,9% des voix, contre 32,6% à son rival réformateur Mir Hossein Moussavi, selon les résultats publiés, hier, par le ministère de l'Intérieur, portant sur 78% des suffrages dépouillés. Mais M. Moussavi a revendiqué la victoire, évoquant des fraudes. Il s'est proclamé "nettement vainqueur" au cours d'une conférence de presse tôt samedi matin, citant des informations "en provenance de tout l'Iran". Il a accusé le régime de "manipulation du vote populaire" pour maintenir son adversaire ultra-conservateur au pouvoir et laissé entendre que le camp des réformateurs allait contester les résultats. "Il est de notre devoirde défendre le vote populaire. On ne peut pas revenir en arrière", a-t-il lancé. Le candidat réformateur a dénoncé des irrégularités comme la fermeture de bureaux de votes là où des électeurs attendaient encore leur tour, où l'expulsion d'observateurs de certains bureaux de vote. Quelque temps après sa conférence de presse, l'agence officielle iranienne IRNA a annoncé la victoire du président Ahmadinejad. Des partisans du président sortant ont défilé dans les rues de Téhéran en agitant des drapeaux, en scandant "Allah Akbar" ("Dieu est grand"). Les résultats définitifs sont attendus dans la journée de samedi mais une chose est sûre, la participation au scrutin de vendredi a été très forte, atteignant environ 75% des 46,2 millions d'électeurs inscrits selon le ministère de l'Intérieur. Les files d'attentes étaient telles par endroits que la fermeture des bureaux a été repoussée de six heures, à minuit, heure locale (19H30 GMT, 21H30 à Paris). Pendant le vote, certains moyens de communication ont été perturbés dans le pays: les SMS très utilisés par les jeunes ne passaient plus et les connections à Internet -y compris celles de médias comme l'Associated Press- ont été considérablement ralenties, tandis que des sites soutenant M. Moussavi étaient bloqués, sans que l'on sache pourquoi. Signe des tensions qu'a suscitées la campagne, le ministère de l'Intérieur a annoncé que tous les meetings et les réunions politiques seraient interdits jusqu'à l'annonce des résultats. La campagne électorale, qui a duré un mois, a déchaîné les passions: meetings très fréquentés, drapeaux et gadgets aux couleurs des candidats -vert pour M. Moussavi-, slogans de campagne soigneusement choisis, débats télévisés très suivis. Les résultats de l'élection présidentielle ne modifieront en tous cas pas de manière importante la politique iranienne, et n'auront pas d'influence sur les grandes décisions, comme d'éventuels pourparlers avec Washington. Ces décisions sont en effet directement prises par les mollahs, au premier rang desquels le Guide suprême, Ali Khamenei. Mir Hossein Moussavi avait promis, en cas d'élection, de donner plus de libertés aux citoyens. Des Iraniens du monde entier ont également participé au scrutin. A Dubaï, où vivent quelque 200.000 d'entre eux, les rues autour du consulat iranien, où se trouve un bureau de vote, étaient bondées, et les électeurs très majoritairement favorables au réformateur Moussavi. "Il est notre Obama", a affirmé Maliki Zadehamid, 39 ans, qui travaille dans l'import-export. Avant la fin des opérations de vote, l'ancien président Mohammad Khatami avait prédit une victoire de son allié et ancien conseiller Mir Hossein Moussavi. Agé de 67 ans, le candidat réformateur a été Premier ministre de 1981 à 1989, donc durant la majeure partie de la guerre Iran-Irak de 1980-88. Il y a quelques mois seulement, ce sexagénaire grisonnant et artiste amateur n'était qu'un nom dans les livres d'histoire pour la plupart des jeunes Iraniens. Mais il a su les séduire en utilisant tous les moyens modernes, réseau social Facebook, blogs, et les gadgets de son "mouvement vert": T-shirts, autocollants, manchettes, drapeaux et même voiles verts. Durant la campagne, Mir Hossein Moussavi a attaqué le bilan de Mahmoud Ahmadinejad, notamment sur l'économie, soulignant le décalage entre les difficultés économiques du pays et ses richesses pétrolières et gazières. Agé de 53 ans, Mahmoud Ahmadinejad est venu à la politique après la guerre de 1980-88 contre l'Irak, durant laquelle il s'est engagé comme Gardien de la Révolution (pasdaran). Il a remporté en mai 2003 la mairie de Téhéran, tremplin de sa carrière politique. Elu une première fois président en 2005, il a continué de bénéficier du soutien des puissants mollahs de l'entourage du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et leur bras armé, les Gardiens de la révolution, les pasdarans. R.I