Des milliers de personnes se sont retrouvées du jour au lendemain sans travail, conséquence de la crise économique mondiale qui bouleverse actuellement même les nations les plus développées.A l'occasion de la 98e Conférence internationale du travail, l'Organisation internationale du travail (OIT) a consacré pour la première fois un sommet sur la crise de l'emploi, qui s'est ouvert, lundi dernier, à Genève. Evoquant les pays du continent noir, les experts du Bureau international du travail (BIT), estiment que les conséquences de la crise financière sur le marché du travail obligeront les pays africains à repenser leur stratégie économique pour préserver les travailleurs déjà précarisés. Ils préconisent plus de protection sociale, une politique de diversification économique accrue et la coopération pour garantir, dans l'avenir, une reprise du marché de l'emploi, un marché sinistré par les effets de la crise financière. "La crise est globale, il faut y répondre de façon coordonnée, en mettant au centre de toute politique l'emploi et la protection sociale", explique Raymond Torres, le directeur de l'Institut international des études sociales de l'Organisation internationale du Travail (OIT). Une question sur laquelle l'OIT mène une politique très active depuis plusieurs années. "Une des leçons de la crise, c'est que la protection sociale n'est pas l'ennemie du développement", a-t-il ajouté. En Afrique, le dispositif suggéré par les experts du BIT permettra surtout de lutter contre le chômage des jeunes. "Pour des raisons démographiques, quand on parle de chômage en Afrique, il s'agit surtout de celui des jeunes", analyse Duncan Campbell, directeur du département de l'analyse économique et des marchés du travail au BIT. Une situation qui tient à deux raisons majeures. Soit les jeunes ne sont pas formés, soit ils n'arrivent pas à trouver un emploi correspondant à leur qualification. Si la question du chômage est un vrai problème, celle du basculement des emplois précaires vers des situations plus dramatiques interpelle plus encore, selon Lawrence Jeff Johnson, chef Tendance emploi au département de l'analyse économique et des marchés du travail. En 2007, près de 78% des personnes employées en Afrique sub-saharienne, contre 10% dans les pays riches, sont dans une situation qualifiée d'emploi vulnérable. Ce chiffre est de 37% dans le nord du continent. Ces salariés ne disposent pas de protection sociale et leurs droits au travail sont bafoués. Selon le scénario le plus pessimiste envisagé par le BIT, en janvier 2009, dans ses Tendances mondiales de l'emploi, leur situation devrait s'aggraver. On estime qu'en 2009, la proportion de personnes ayant une emploi vulnérable devrait dépasser les 82%, en Afrique sub-saharienne, et se rapproche des 40% en Afrique du Nord. A la faveur de la crise, les pays africains et leurs partenaires économiques doivent chercher à investir dans "le travail décent productif", suggère Lawrence Jeff Johnson. S'agissant, de l'aide aux personnes sans-emploi, l'expérience indienne pourrait profiter aux pays africains dans lesquels plus de 70% de la population vit de l'agriculture. Les autorités indiennes ont mis en place des programmes d'emploi rural, "peu chers et très efficaces", qui permettent aux personnes sans emploi de retrouver une activité pour une période de 100 jours. La priorité est donnée aux chefs de familles et aux femmes. "La rémunération est suffisante pour vivre, mais elle n'est pas trop élevée afin d'éviter que les personnes qui ont un emploi ailleurs puissent être attirées par ce nouveau travail". Troisième approche pour juguler la crise de l'emploi : prendre en compte, plus que par le passé, la dimension du développement. "Il y a une vulnérabilité des pays qui vient du fait qu'on leur a souvent suggéré l'approche d'une libéralisation qui résoudrait tout", poursuit Raymond Torres. Conséquence : "une spécialisation à outrance". La crise est l'occasion pour les pays africains de développer les autres pans de leur économie. Les pays en développement doivent "réallouer leurs ressources en se fixant d'autres priorités : l'emploi, le travail décent et la protection sociale". Les réserves accumulées grâce aux revenus pétroliers par l'Angola ou l'Algérie peuvent être aujourd'hui investies dans le marché du travail. Synthèse Samira H.