C'est le représentant personnel du président de la République, le ministre d'Etat M. Abdelaziz Belkhadem, qui a donné finalement le coup d'envoi officiel du festival panafricain hier à la coupole d'Alger. Dans un discours lu par ce dernier, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a rendu un vibrant hommage aux leaders, penseurs, artistes, écrivains et hommes de culture qui ont marqué l'histoire du continent africain, relevant que " la dépendance est d'abord culturelle avant d'être économique. " Il a indiqué que les mouvements de libération en Afrique n'ont pas réussi à réaliser tous les objectifs et qu'il faudrait mener d'autres combats " contre la pauvreté, l'analphabétisme, les maladies, l'exclusion qui constituent une terre fertile à la violence et au terrorisme. " Quarante ans après, l'Afrique revient à Alger, mais la conjoncture n'est pas la même. En 1969, le temps était à la libération et l'indépendance des peuples africains. Pour 2009, les défis sont d'une autre nature, il s'agit de rattraper le retard flagrant qu'accuse le continent en terme de développement et d'intégration. A ce propos, le président de la République a souligné que le 2e Festival culturel panafricain est " la traduction de la volonté politique de porter l'Afrique vers l'avant." " Ce festival, en effet, n'est pas seulement un événement festif de première grandeur, il est aussi la traduction de cette volonté politique de porter, dans une dynamique ambitieuse, notre continent vers l'avant, en faisant d'Alger le carrefour de toute la beauté et de toutes les richesses du continent ", a souligné le président Bouteflika. Compte tenu du rôle de l'artiste dans l'édification des sociétés modernes, le président de la République a rendu un vibrant hommage à " tous les hommes de culture africains, tous les intellectuels combattants de la liberté ", qui ont compris, a-t-il dit, avant beaucoup d'autres, " les exigences de leurs sociétés et qui ont aussi, chacun dans sa langue qui est la sienne, chacun avec les moyens qui lui sont propres, d'être à la hauteur de ces exigences ". " Ils sont légion, les innombrables et fiers artistes, sculpteurs, musiciens, acteurs, peintres, bâtisseurs du beau et sacré, inventeurs de l'émouvant et de l'éternel ", a-t-il encore souligné. Abordant les calamités affligées par le colonisateur au continent durant des siècles d'esclavagisme, le président de la République a relevé que " l'Afrique a trop longtemps couru le risque de s'abîmer dans une image qui lui est étrangère, un leurre qu'elle était impuissante à corriger ", estimant que " spoliée de son existence propre, l'Afrique n'attendait que l'instant de naître et de renaître sous toutes ses facettes, dont la profusion et le foisonnement soulignent la richesse ". " Mais le colonisateur, en quête de justifications pour son entreprise spoliatrice, lui a dénié toute historicité ", a-t-il noté, mettant en évidence que ce même colonisateur " a plongé, dans l'uniformité, les hommes et les paysages, balayant d'un seul trait des cultures, des civilisations millénaires ". Dans cette optique, l'Algérie va vibrer, durant deux semaines, au rythme de l'Afrique, qui " va rappeler au monde, par le verbe, le chant, l'image et le pinceau, les indicibles souffrances endurées par les peuples d'Afrique, la douleur du déracinement, de l'exil forcé, de l'humiliation et des injustices ", a-t-il enchaîné. Le rendez-vous sera une occasion à ne pas rater, pour l'Afrique afin de rappeler au monde que " l'indépendance, arrachée au prix fort, n'a pas permis de réaliser toutes les espérances et que d'autres guerres doivent être menées contre la faim, l'ignorance, la maladie, la pauvreté, l'exclusion et les inégalités qui constituent le terreau fertile et le combustible de la violence et du terrorisme ". Pour sa part, le président de la commission de l'Union africaine (UA), M. Jean Ping, a affirmé lors de son intervention que cette deuxième édition du Panaf, organisée sous le signe de la renaissance, intervient au moment où l'Afrique " est engagée dans d'autres combats pour la modernité et le développement socio-économique dans un monde secoué par une crise globale ". " Le monde a changé et l'Afrique a changé aussi ", a-t-il ajouté, indiquant que ce 2è festival intervient alors que le continent " fait sa marche vers une Afrique unie et vers une identité commune aux Africains dans le sillage de la naissance de l'UA ". Un spectacle des plus particuliers Cette seconde édition veut donner l'image d'une Afrique soudée et riche en réunissant un ensemble de danseurs issus d'Afrique noire et d'autres maghrébins d'Algérie et de France. En effet, après le lancement officiel du Panaf, la place a été cédé pour le spectacle, qui a fait l'apologie de la longue marche de l'Afrique pour la liberté. Le spectacle d'ouverture réalisé par le célèbre chorégraphe Algérien Kamel Ouali, se veut un chant haut en couleurs et mouvements, pour la longue marche de l'Afrique pour la liberté et le développement. La première scène, a été celle, d'un tableau qui met en avant une carte de l'Afrique autour de laquelle, un vieil orateur accompagné d'un garçon, introduit la longue histoire de ce continent berceau de l'humanité. Le tableau sera suivi par l'intrusion sur la scène de cavaliers en costumes traditionnels algériens, pour introduire le spectateur dans l'histoire des luttes des pays de l'Afrique, à travers des chorégraphies mouvementées, traduisant la richesse de ce portrait. Mélangeant les sonorités africaines et celles des instruments de musiques modernes, la scène monte graduellement pour accompagner la dégringolade de tableaux, magistralement exécutés par les danseurs, où l'histoire se mêle à la richesse culturelle de ce continent. Sur une autre scène, des guerriers africains font irruption, sous les sons des tam-tam, renvoyant au destin de l'Afrique, un continent qui a été constamment, à travers les temps, en butte à des agressions venant de l'extérieur. Au rythme du tam-tam et au son du luth, le spectacle a été rehaussé par la multitude de tableaux où la danse de guerriers touareg côtoyait celles exécutées par d'autres tribus de l'Afrique de l'Ouest et la marche majestueuse des fantassins Peuls. La deuxième partie du spectacle a été consacrée à la colonisation, où un message a été consacré aux premières expéditions d'explorateurs venus d'Europe. Par ailleurs, le tableau le plus émouvant, symbolisant l'esclavagisme, a été d'une violence inouïe, soutenue par les cris de douleurs que les danseurs lançaient. Une séquence riche en couleurs et résumant un pan entier de l'histoire du continent, se passe dans un marché nord-africain, annonçant déjà le début de la colonisation de cette partie de l'Afrique. Le jeu chorégraphique conçu par le chorégraphe algérien, Kamel Ouali, a pu retenir l'attention du public, par sa diversité, mettant en oeuvre plusieurs scènes au même temps, où des esclaves sont carrément proposés à la vente, des exécutions sommaires d'indigènes par des soldats de l'armée coloniale, à côté des couples de colons déambulant dans le marché, avec une arrogance qui va justifier le tableau qui suivra et qui sera dédié au combat des indigènes pour se libérer de l'asservissement du colon. En arrière-fond défilait, le long de cette scène, des images de la lutte armée en Algérie et dans d'autres pays africains qui ont pu casser le joug de la colonisation grâce à leurs sacrifices. A côté de cette chorégraphie "narrative" où la mémoire du continent est mise en évidence, d'autres tableaux et scènes exécutés, sous des rythmes de jazz et autres genres musicaux qui ont fait vibrer le nouveau monde, seront accompagnés des danses traditionnelles africaines, pour montrer la richesse culturelle du continent et son apport à la musique moderne dans le monde. La rentrée de Warda El-Djazaïria, diva de la chanson arabe, s'est voulu un hymne du chorégraphe à l'amour et à la paix, suivi de la vedette africaine Youssou N'dour et de Césaria Evora. Hamid Si Salem