Face aux critiques, le comité Nobel norvégien, au lendemain de son inattendu prix de la Paix à Barack Obama, a défendu son choix, en estimant que le risque aurait été de récompenser l'action du président américain trop tard. Si félicitations et encouragements ont afflué après l'attribution surprise du prix, beaucoup ont émis des réserves, et trois précédents lauréats, dont Lech Walesa, l'ont ouvertement désapprouvé, le jugeant décerné pour trop peu et surtout trop tôt, moins de neuf mois après le début de la présidence Obama. "Il aurait pu aussi l'avoir trop tard", a répliqué samedi le président du comité Nobel, l'ex-Premier ministre travailliste norvégien Thorbjoern Jagland, lors d'un point de presse au centre Nobel de la Paix à Oslo. "Est ce que quelqu'un peut me dire qui a fait plus que lui cette année ?", a-t-il demandé. "Il est difficile de désigner un vainqueur du prix de la paix qui soit plus proche du testament d'Alfred Nobel qu'Obama", a-t-il dit à des journalistes. "Nous attrapons l'air du temps, la nécessité de l'époque", s'est-il encore défendu. Vendredi, M. Jagland et les quatre autres membres du comité avaient fait sensation en attribuant le prix Nobel au premier Noir élu à la Maison Blanche "pour ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples". Si la presse mondiale était divisée samedi, le président du comité Nobel, en poste depuis février, a aussi dû affronter chez lui en Norvège des critiques venues principalement de l'opposition de droite, et pas uniquement sur le prix. Elu le mois dernier à la tête du Conseil de l'Europe à Strasbourg, Thorbjoern Jagland s'est vu reprocher une double casquette qui, selon l'opposition, pourrait le pousser à éviter de fâcher des membres influents du Conseil, comme la Russie, en récompensant opposants ou militants russes. Siv Jensen, la patronne du principal parti d'opposition, le parti du Progrès (populiste), a réclamé sa démission. "Il serait politiquement intelligent que Jagland, après avoir étudié la situation, dise qu'il démissionne pour éviter une double casquette malencontreuse", a-t-elle dit au quotidien Bergens Tidende. L'autre formation de droite, le parti conservateur, a également critiqué sa double fonction, une accusation que Thorbjoern Jagland avait déjà rejeté fin septembre au moment de son élection à Strasbourg. Mais le prix Nobel de Barack Obama a suffi à relancer la polémique, au moment où les sceptiques soulignent que le prix de la Paix aurait plutôt dû revenir à un opposant persécuté qu'à l'homme le plus puissant de la planète et au chef d'une armée en guerre en Irak et en Afghanistan. Réagissant au prix vendredi, le Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg l'a qualifié d'"enthousiasmant", mais aussi de "surprenant", adjectif très rarement utilisé en Norvège en pareille circonstance. Le quotidien de référence norvégien, Aftenposten, écrivait samedi dans un éditorial qu'"Obama a obtenu le prix sans avoir fait quoi que ce soit pour le mériter". En Suède, terre natale d'Alfred Nobel et où sont remis les autres prix, les réactions ont aussi été mitigées. "Beaucoup trop tôt", titrait le quotidien de référence suédois Dagens Nyheter dans son éditorial. "Le comité Nobel norvégien a rendu un mauvais service tant à Obama qu'au prix", en augmentant les attentes irréalistes qui pèsent déjà sur le président américain, écrit le quotidien. "Quelle honte!" s'indignait en une le tabloïde Aftonbladet, estimant que "le comité Nobel s'est tourné en ridicule auprès du monde entier". M.K.