Mohamed Bencheneb connaissez-vous ? Tous les honneurs lui ont été rendus avant et après un colloque qui lui a été consacré à l'université des Lettes d'Alger. Il est l'un des premiers universitaires formés sous la colonisation. A l'issue de cette rencontre, le recteur de l'université des Lettres d'Alger a informé l'assistance de l'introduction prochaine des œuvres littéraires de Mohamed Bencheneb dans les programmes de l'éducation nationale. Le nom de notre académicien et chercheur sera, également, porté sur le fronton de l'une des facultés d'Alger, d'après le recteur, qui a souligné également que des efforts seront entrepris au niveau des instances internationales, pour sa reconnaissance et sa consécration comme l'un des pionniers du dialogue entre les cultures. Comme pour honorer sa mémoire, célébrer ses mérites et faire acte de reconnaissance à l'égard de son riche Evocation “apport scientifique et intellectuel,” une modeste artère de La Casbah porte son nom, l'inscrivant dans le panthéon des personnages aux services distingués. Mohamed Bencheneb, a gagné à force d'une remarquable ténacité, d'une vie studieuse et appliquée, la notoriété d'un universitaire de mérite, d'un chercheur émérite. Tout le prédestinait à cette noble vocation. Une curiosité précoce et intarissable, un esprit ouvert et éclairé. Un penchant avéré pour l'humanisme et l'érudition. Toute son œuvre en porte la marque et la trace. Natif de la région de Médéa en 1869, il fut peut-être le seul ou l'un des rares écoliers " indigènes ". C'est dire le climat d'ignorance programmé et voulu à l'époque. Adulte, Mohamed Bencheneb s'inscrit à l'Ecole normale de Bouzaréah à Alger. Ensuite, ce fut une ascension dans le vaste domaine du savoir. Il devint professeur d'université à l'âge de 55 ans. Une performance pour un Algérien vivant dans un contexte assez singulier . Mohamed Becheneb faisait autorité à la Medersa d'Alger. Il est respecté en Tunisie, au Maroc. Il devint titulaire d'une chaire à la faculté des lettres d'Alger. Académicien, il côtoya René Basset, Fagnant et le cheikh Bensmaïa entre autres. Ce qui attire particulièrement, dans le foisonnement et la diversité de ses travaux scientifiques, c'est cet aspect éclectique et cette érudition dont nous avons parlé. A titre purement illustratif, notons que Bencheneb a étudié les proverbes arabes de l'Algérie et du Maghreb, dressé un catalogue des manuscrits arabes de la Grande Mosquée d'Alger, écrit un traité de grammaire, soutenu une thèse de doctorat sur Abou Dolama, poète bouffon à la cour des Abbassides, consigné un dictionnaire des mots turcs et persans encore en usage dans le parler d'Alger. Mohamed Bencheneb fut aussi un hagiographe. Il rédigea la Rihla d'al wartilani. La célèbre Revue Africaine publia nombre de ses articles, reconnaissant en cela ses aptitudes de recherche intellectuelle. Ne reniant jamais ses origines et son ancrage dans une culture populaire dont il s'inspira pour accomplir son trajet et son " périple " dans l'infini territoire de la connaissance, il garda toujours son accoutrement traditionnel. Mohamed Bencheneb mourut le 25 février 1929, délaissant à la postérité un patrimoine intellectuel, une somme de recherches fort intéressante. Mais il faut surtout conserver de lui le souvenir d'une personne éprise de savoir, éclairée, ouverte sur les cultures et les legs d'autrui. Une leçon d'humilité, une stricte obédience à la science souveraine, facteur de rapprochement. Mohamed Bencheneb est en effet le promoteur des études sur la culture populaire dans sa diversité, traduite par ses soins en plusieurs langues, offrant ainsi l'opportunité au monde de prendre connaissance de la richesse et de la variété des productions du terroir littéraire algérien. Baigné dans une atmosphère intellectuelle inédite, Mohamed Bencheneb a, en effet, bénéficié des méthodes et de la rigueur scientifique de la fin du 19e et du début du 20e siècle, marqué par l'explosion scientifique et philosophique.Animé par cette quête du savoir, il entreprit alors l'une des tâches difficiles d'investigation : celle de faire ressortir au monde, à travers les langues vivantes, notamment le français, ce terroir riche mais enfoui sous les décombres d'une culture qui perdit, peu à peu, sous la stagnation, son pouvoir de l'écrit. De son vivant, Mohamed Bencheneb regrettait le manque de manuscrits, au-delà du 17e siècle, le peu qu'il en pouvait acquérir dans ses longues quêtes faites de déplacements et de voyages à travers tout le Maghreb, est aussitôt codifié et analysé selon les nouvelles méthodes de lexicographie et de la lexicologie. Il fut pour ainsi dire, l'initiateur des lettres comparées, à travers ses recherches et traductions multiples, propulsant ainsi des facettes entières du patrimoine oral et écrit au devant de l'universalité culturelle, et, partant, la consécration de l'homme comme pionnier, parmi tant d'autres intellectuels, du dialogue entre les cultures. Rachida Couri