La diva de la chanson arabe, Fairouz, est le sujet d'une grande polémique, manifestations et contestations, depuis quelques semaines au Liban. Après l'avoir interdite de chanter, ce n'est plus seulement les Libanais qui la réclament mais aussi tout le monde arabe. L'histoire a commencé quand Fairouz a décidé de reprendre les vieilles pièces théâtrales et musicales qu'elle a jouées sous la direction de " Mansour Rahabani ". Les héritiers de ce dernier ont porté plainte contre Fairouz alors qu'elle préparait le retour de " Yaich Yaich " puis de " Sa7 ennoum ". La décision du tribunal était claire : interdire Fairouz de présenter les travaux de Mansour Rahabani sans la permission de ses enfants qui avaient réclamé leur part des bénéfices. Une grande campagne sur facebook nommée " Fairouz est dans le cœur " est lancée depuis quelques semaines pour réunir les fans de l'artiste à travers le monde. Au Liban, des associations préparent une manifestation pacifiste silencieuse pour contester cette interdiction jugée " irréfléchie et irresponsable " de la part des intellectuels du pays. Cette manifestation réunira des artistes arabes et surtout égyptiens comme la comédienne Ilhem Chahine qui a exprimé son soutien à Fairouz, dans les journaux arabes en expliquant " Nous devons défendre la dernière icône mythique de la chanson arabe qui nous reste ". Les fans de Fairouz espèrent à travers les manifestations que l'Etat libanais intervienne pour annuler ou modérer la décision du tribunal. En attendant, on espère que les conflits matériels avec la famille Rahabani seront réglés à l'amiable pour qu'on se réjouisse de voir Fairouz, encore une fois, sur scène. Il faut dire que Fairouz n'acquit sa célébrité que lorsque les frères Rahabani commencèrent à composer pour elle au début des années 1950. Ces années-là furent très fertiles et Fairouz s'essaya à de nombreux genres musicaux, et, ayant un penchant pour la modernité et la musique occidentale, les frères Rahabani vont exceller aussi bien dans des compositions symphoniques que dans des tangos et autres danses latines. Ceci ne fut pas du goût de tous les auditeurs et critiques de l'époque habitués aux longs chants égyptiens aux mélodies languissantes et aux orchestrations aussi naïves que traditionnelles. Mais le style des Rahabani s'impose petit à petit, et c'est en 1957 que le comité du festival international de Baâlbeck, qui fêtait son premier anniversaire, demanda aux Rahabani de préparer une " soirée libanaise " qui ferait découvrir au public du festival (composé surtout d'étrangers et de libanais intellectuellement occidentalisés, le festival se contentant jusque-là de présenter des spectacles de musique et de danses classiques et des tragédies grecques), les musiques et danses traditionnelles du Liban. Le programme fut à la hauteur des espérances et le public revint aussi nombreux en 1959 pour applaudir le ballet Rambert que pour applaudir Fairouz encore une fois invitée pour faire la vedette des soirées libanaises (sachant que le festival s'était interrompu en 1958 à cause de troubles communautaires). Cependant il ne faudrait pas croire que les Rahabani présentaient ce qui est communément appelé le Folklore : leurs compositions étaient bel et bien personnelles, et quand il y avait des chants folkloriques dont les compositeurs étaient inconnus, les Rahabani prenaient bien soin de leur donner un nouveau souffle de vie en les présentant dans des orchestrations symphoniques somptueuses ou sur des rythmes latins.