Le cinéaste Abderahmane Bouguermouh a reçu un vibrant hommage par les enfants de son patelin, Ouzallaguen à Béjaïa. Celui qui a été le premier à s'initier au cinéma kabyle en paraphant, "La Colline oubliée", adaptée du livre éponyme de Mouloud Mammeri son pote, a été au centre d'un hommage appuyé rendu par l'association Horizon. Homme de culture, Abderrahmane Bouguermouh, a été honoré à Ighzer Amokrane avec un menu riche et varié qu'a proposé cette formation. Un rendez-vous a été bénéfique pour l'artiste qui a retrouvé ses anciens amis et connaissances. Organisé sous le slogan "Pour que nul ne l'oublie", cet hommage se veut une reconnaissance au symbole de la revendication identitaire qui a tenu parole durant sa vie en terme d'engagement et de militantisme, et qui est passé du 7ème art à l'écriture littéraire d'où l'édition du livre "Anza". "Je suis content pour les jeunes qui ont pensé à moi et je les remercie du fond du cœur, et je suis heureux de retrouver ma famille et mes amis à mes côtés", dira Abderrahmane Bouguermouh en toute modestie. Abderrahmane Bouguermouh, a mené ce culte et cette quête de la science. Interrogé sur ses futurs projets, s'il reproduira l'expérience de la réalisation de son film "La colline oubliée", il répond : "J'ai réalisé le film sans aucun regret, et je n'hésiterai pas à le refaire une deuxième fois s'il fallait, rien que pour la culture et l'identité". Les témoignages se sont succédés, qui par une anecdote, qui par sa propre perception de l'apport de M. Abderrahmane Bouguermouh à la culture nationale, pour confluer sur un hommage unanime à un nom connu de tous. Un artiste qui va jusqu'au bout Il n'a pas tourné ne serait-ce qu'une image depuis 1997, date de la sortie époustouflante de "La colline oubliée " l'un des premiers films tourné en Amazigh et qui aurait cogité dans la tête de l'auteur pendant plus de 20 ans, puis a fini par la suite de voir le jour grâce aux luttes têtues et implacables qu'a livrées durant toute sa période, Bouguermouh aussi bien à l'administration qu'aux instances bureaucratiques. Tombé gravement malade il y a trois ans, le réalisateur semble tourner le dos à l'arène trop harassante du 7ème art, pour se réfugier dans l'écriture qui, par excellence, est un art solitaire et sans engagements financiers. "Anza ", qui veut dire cri, son unique roman, est sorti l'an dernier chez Casbah éditions, une maison spécialisée de la chose historique. Dans ce texte justement, Abderahamne revient sur les sanglants évènements du 08 mai 45 auxquels il a assisté alors qu'il était écolier. Natif de Béjaïa à l'est de l'Algérie, son regard de bambin était alors privilégié car c'est là que la police coloniale a lâché ses canons tuant des milliers d'algériens qui tentaient de manifester pacifiquement. Le cinéaste passionné et têtu, Abderahmane Bouguermouh, était hospitalisé du 29 octobre 2007 jusqu'en 2008 au service hépato de La Pitié-Salpêtrière à Paris (13e ). Envoyé en urgence par la ministre de la Culture Khalida Toumi, il était suivi par le docteur Boynard. Trop de luttes ça vous esquinte. L'artiste, un des premiers cinéastes à avoir bataillé pour la sauvegarde de la culture kabyle, aura tenu, poches vides et famille " désunie " à porter à l'écran l'un des livres phares de son pote Mouloud Mammeri, La colline oubliée. L'un des premiers films qui a mijoté longtemps, très longtemps et dans la tête de Bouguermouh et dans son cœur, avant qu'il ne soit né. Le scénario ficelé dès 1973 avec son ami de combat, Mouloud Mammeri, La Colline oubliée ne sera à l'affiche qu'en 1997. La colline oubliée comme toutes les œuvres auxquelles on croit, était née dans la douleur des fioritures et des inconstances. "Mon père aura réalisé son rêve " lance son fils Zahir avec un brin d'honneur. Né le 25 février 1936 dans cette terre frondeuse de Ighzer Amokrane, dans la wilaya de Bgayath, Abderahmane Bouguermouh a d'abord fait ses apprentissages à l'IDHEC, la prestigieuse école de cinéma parisienne, vers le début des années 60. Diplôme en poche, il rejoint comme tous ses compères de l'époque, l'Unique. En cette période des grandes décolonisations, il fallait défricher les terrains des révolutions, de l'héroïsme et la bataille d'Alger. Il signera une série de moyens métrages dont " L'enfer à 10 ans ", " Les oiseaux de l'été " et " Cri de prière ". Profondément attaché à sa langue et à sa culture amazighes , Bouguermouh tentera non sans embûches, ses premières productions en langue berbère, bien avant les ouvertures idéologiques. Il signera Comme une âme, un moyen métrage en tamazight au milieu des années 60. Il est vrai que le fabuleux, " La colline Oubliée " colle à la peau de l'artiste, mais bien avant son " Kahla ou Beida ", le film produit dans les années 80 par la télé, aura également marqué les esprits. Bouguermouh, il est vrai, n'a filmé aucune image depuis son best, -La colline oubliée- qui l'a bouffé jusqu'à la lie, mais l'homme travaillait depuis cette heureuse naissance sur deux romans qui, selon toujours son rejeton, sont bouclés. Le cinéaste avait auparavant, juste après la sortie de son film phare, paraphé une nouvelle lors d'une bourse des écrivains, obtenue en Allemagne. Le livre existe en langue allemande, alors que le manuscrit original réalisé en langue française est enfin dans les librairies. Artiste complet, mais aussi lassé par un milieu du cinéma à la fois débridé et malsain, il décide d'écrire et de cultiver son jardin, comme dans la philosophie voltairienne. Sa passion pour sa langue et sa culture maternelles, l'a encore une fois, malgré un fort dépit, remis sur les rails de l'image et du son. Il tenait a réaliser des portraits de grandes personnalités du monde de la culture berbère, notamment celui de son amie et fille de son patelin, Taous Amrouche.