Le cinéaste passionné et têtu, Abderahmane Bouguermouh, est hospitalisé depuis le 29 octobre dernier au service hépato de La Pitié-Salpêtrière à Paris (13e ) Suivi par le docteur Boynard, le diagnostic de l'artiste n'est, selon son rejeton Zahir, pas encore “ établi à 100% ”. C'est la ministre de la Culture Khalida Toumi qui a décidé dans les 48h qui ont suivi son admission, à prendre en charge la totalité des frais de son hospitalisation. Trop de luttes çà vous esquinte. L'artiste, un des premiers cinéastes à avoir bataillé pour la sauvegarde de la culture kabyle, aura tenu, poches vides et famille “ désunie ” à porter à l'écran l'un des livres phares de son pote Mouloud Mammeri, La colline oubliée. L'un des premiers films qui a mijoté longtemps, très longtemps et dans la tête de Bouguermouh et dans son cœur, avant qu'il ne soit né. Le scénario ficelé dés 1973 avec son ami de combat, Mouloud Mammeri, La Colline oubliée ne sera à l'affiche qu'en 1997, après d'innombrables pressions administratives et pécuniaires. La colline oubliée comme toute les œuvres auxquelles on croit, était née dans la douleur des fioritures et des inconstances. “Mon père aura réalisé son rêve ” lance son fils Zahir avec un brin d'honneur. Né le 25 février 1936 dans cette terre frondeuse de Ighzer Amokrane, dans la wilaya de Bgayath, Abderahmane Bouguermouh a d'abord fait ses apprentissages à l'IDHEC, la prestigieuse école de cinéma parisienne, vers le début des années 60. Diplôme en poche, il rejoint comme tous ses compères de l'époque, l'Unique. En cette période des grandes décolonisations, il fallait défricher les terrains des révolutions, de l'héroïsme et la bataille d'Alger. Il signera une série de moyens métrages dont L'enfer à 10 ans, Les oiseaux de l'été et Cri de prière. Profondément attaché à sa langue et à sa culture amazighe, Bouguermouh tentera non sans sembûches, ses premières productions en langue berbère, bien avant les ouvertures idéologiques. Il signera Comme une âme, un moyen métrage en tamazight au milieu des années 60. Il est vrai que le fabuleux, La colline Oubliée colle à la peau de l'artiste, mais bien avant son Kahla ou Beida, le film produit dans les années 80 par la télé, aura également marqué les esprits. Bouguermouh, il est vrai, n'a filmé aucune image depuis son best, -La colline oubliée- qui l'a bouffé jusqu'à la lie, mais l'homme travaillait depuis cette heureuse naissance sur deux romans qui, selon toujours son rejeton, sont bouclés. Le cinéaste avait, auparavant juste après la sortie de son film phare, paraphé une nouvelle lors d'une bourse des écrivains, obtenue en Allemagne. Le livre existe en langue allemande, alors que le manuscrit original réalisé en langue française n'est, à ce jour, pas encore publié. Artiste complet, mais aussi lassé par un milieu du cinéma à la fois débridé et malsain, il décide d'écrire et de cultiver son jardin, comme dans la philosophie voltairienne. Sa passion pour sa langue et sa culture maternelles, l'a encore une fois, malgré un fort dépit, remis sur les rails de l'image et du son. Il tenait a réaliser des portraits de grandes personnalités du monde de la culture berbère, notamment celui de son amie et fille de son patelin, Taous Amrouche. Longue vie à l'artiste et à ses projets d'homme de parole !