L'association "Ahbab El Fannana Fadila Dziria", (les amis de l'artiste Fadila Dziria) ont organisé un hommage posthume à l'inimitable interprète de la chanson algéroise, Fadila Dziria (1917-1970). Ce rendez-vous qui a regroupé artistes, amis et proches, célèbre le 40e anniversaire du trépas de l'artiste. Sur un fond musical de "Ana touiri" et "Mal H'bibi malou", deux titres phares du riche répertoire de la chanteuse, une exposition de photographies remémorant une partie de sa vie artistique a eu lieu dans la galerie de l'Institut national supérieur de musique (INSM), dans lequel un amphithéâtre a été baptisé en son nom en 2009.Un film documentaire réalisé dans les années 1980 par Mohamed Lahbib Hachellaf, l'auteur de certaines de ses célèbres chansons, dont la musique était signée Haddad El-Djillali, a été projeté. La présidente de l'association organisatrice de l'hommage, qui est également la nièce de la défunte Fadila Dziria, Radia Salmi, a indiqué que cette rencontre lui taraudait depuis longtemps l'esprit, estimant que cette journée est "exceptionnelle" car elle représente une occasion pour commémorer la mémoire d'une "grande dame" de la chanson. "Je n'ai pas vraiment connu Fadila Dziria car j'avais à peine 7 ans quand elle nous a quittés, mais outre la femme artiste que tout le monde connaît, je garde d'elle l'image de la femme généreuse et modeste", a-t-elle dit, précisant que son association a été créée spécialement pour promouvoir et sauvegarder la mémoire de la défunte Fadila et aussi pour recenser son répertoire. "J'avais beaucoup d'admiration pour elle. Fadila Dziria était une grande dame aux nombreuses qualités humaines. Elle a toujours été au secours des personnes nécessiteuses. Elle reflétait le symbole de la femme compréhensive, modeste et généreuse qui ne ménageait aucun effort pour être à l'écoute des autres", a ajouté Mme Salmi, qui aspire à créer un club féminin artistique spécialisé dans la musique andalouse et hawzi. "Fadila l'artiste, c'était la chanteuse qui aimait ce qu'elle faisait. Elle chantait de bon cœur. Sa voix fut un don du ciel qu'elle a su développer et mettre au service du patrimoine musical andalou, notamment, le style algérois", a-t-elle dit. Pour le compositeur Mustapha Sahnoun, qui a accompagné l'artiste au piano dans plusieurs tournées artistiques nationales, Fadila Dziria était "l'une des doyennes de la musique andalouse, dans une époque où il fut très difficile pour une femme de s'imposer sur la scène artistique". "C'était une artiste dont la voix avait un timbre exceptionnel. Sa voix était telle une mosaïque où l'on retrouvait l'ambiance de la vie à la Casbah d'Alger. Nous n'avons pas encore découvert une chanteuse au timbre vocal qui rappelle Fadila, malgré le nombre d'artistes qui chantent admirablement ce genre musical", a-t-il indiqué. Une vie au service de l'art Fadila Dziria (Fadila Dziria ou Fadéla Dziria) est née le 25 juin 1917 à Djenan Beït El Mel du côté de Notre Dame d'Afrique, à Alger, dans une famille conservatrice. De son vrai nom Fadéla Madani, elle est l'une des figures les plus marquantes de la chanson traditionnelle citadine dite Hawzi. Son père s'appelait Mehdi Ben Abderrahmane et sa mère Fettouma Khelfaoui. Sa seule sœur de père et de mère, Goucem, fut musicienne en son temps tandis que les deux autres sœurs et un frère, Amar, ont la même mère seulement. Dès son plus jeune âge, Fadéla Dziria s'adonna à la chanson, en imitant la grande cheikha Yamna Bent El Hadj El Mehdi, au sommet de sa carrière et en assistant à toutes les fêtes qu'elle animait et reprendra un peu plus tard, à son compte, les mélodies de la diva du hawzi. Fadéla Dziria fut découverte par une émission de Radio Alger, " Men koul Fen chwai " de M. E. Hachelaf et Djilali Haddad qui lui composèrent un grand nombre de chansons sur le modèle classique et hawzi. Quarante ans plus tard, une partie de son répertoire est présumé du domaine public comme Ana Toueiri. Mustapha Kechkoul, discothécaire de Radio Alger, se chargea de son initiation à la musique classique, initiation qui s'avéra laborieuse car elle était analphabète; il fallait lui souffler les paroles pendant les enregistrements. Soutien majeur de sa famille sur le plan matériel, Fadéla Dziria s'était mariée une seule fois, en 1930, à l'âge de 13 ans, avec un chômeur qui en avait trente. De cette union naquit une fille qui ne vécut pas. Sa mésentente avec son mari, qui décéda quelque temps après, la poussa a faire une fugue et Fadéla Dziria se retrouva, en 1935 a Paris, chantant dans les quartiers à forte concentration d'émigrés et plus particulièrement au cabaret El Djazaîr. Fadéla Dziria chantera du Asri (moderne), rencontrera Abdelhamid Ababsa qui lui apprit plusieurs mélodies en vogue à l'époque et lorsque sa mère la fit revenir, Fadéla Dziria restera chanteuse tant sa voix plaisait au public. Mustapha Skandrani et Mustapha Kechkoul, bien introduits dans le cercle musical algérois vont beaucoup l'influencer et elle a fini par adopter l'Algérois en entrant dans le groupe de Mériem Fekkaî qui animait les soirées de fêtes du tout Alger. Pour son premier enregistrement professionnel, elle reprend une chanson que tous les Algérois connaissaient bien déjà Rachiq el Qalb, un morceau genre Nqleb du mode Araq faisant partie de la structure musicale arabo-andalouse. L'homme de théâtre, Mahieddine Bachetarzi, l'engage alors pour animer la partie musicale de ses tournées théâtrales. Elle participe ensuite en tant que comédienne, aux pièces qu'il présentait à travers toute l'Algérie, comme "Mayenfaâ ghir essah", "Dawlette en'ssa" et "Othmane en Chine". Après l'indépendance, Fadila Dziria reprend sa participation à la radio et à la télévision à travers des enregistrements. R.C.