Elle avait quitté la scène artistique depuis bien longtemps, et la nouvelle génération ne l'a certainement pas connue. L'artiste Abbas Aouda dite Latifa, a rendu l'âme, lundi soir, à l'âge de 80 ans. Ses compagnons de route, ses amis, ses proches ont été nombreux à l'accompagner, mardi dernier, à sa dernière demeure, le cimetière d'El Kettar. Comme la Rimiti, la chanteuse et comédienne Abbas Aouda, est née dans la wilaya de Relizane. Belle, jeune et pas riche, elle avait investi la scène artistique au moment où il était "inélégant " pour " une femme comme il faut " de le faire. La passion des arts l'ayant emporté sur les jugements sociaux, Latifa s'en va grossir l'orchestre féminin de l'autre grande figure de la musique algérienne, Fadhila Dziria. Elle est de la même génération des Keltoum et des Nouria, ces femmes qui ont bravé regards discourtois et paroles incendiaires des conservateurs. La défunte, avait participé, aux côtés de Keltoum, Nouria et autres artistes, à d'importantes œuvres dramatiques théâtrales, radiophoniques et télévisuelles. Née à Zemmoura dans la wilaya de Relizane, Latifa avait, grâce à son célèbre époux, le compositeur Haddad El Djilali, investi l'univers de la chanson. Un passage, plutôt un prélude pour une autre carrière cette fois-ci de comédienne. C'était dans les années 1960, au moment où le monstre sacré du 4e art, Mahieddine Bachtarzi, avait les pleins pouvoirs dans l'institution qu'il dirigeait, le Théâtre national algérien, (TNA). Latifa sera, ainsi, distribuée dans plusieurs pièces du patrimoine universel, notamment celles de Molière. En pleine période coloniale et alors que la plupart des artistes qui travaillaient au théâtre national défendaient bec et ongles la question de la liberté du pays, Latifa, comme tant d'autres, adhérait à la troupe artistique du Front de libération nationale (FLN). Qui se rappelle aujourd'hui encore de ses anciennes chansons fétiches telles, Doum, doum, anhabek doum, composée par son défunt mari, et El 'in ezzerka de Abdelkrim Lahbib ? " Latifa était une artiste née. Elle était douée aussi bien pour la chanson que pour le théâtre ", a indiqué à l'APS l'artiste Rachid Souki, rappelant son parcours artistique et notamment sa participation à l'orchestre de Fadila Dziria, la diva de la chanson algérienne. " C'était aussi une femme de cœur, altruiste, très généreuse et serviable ", a ajouté Rachid Souki. De son côté, l'homme de théâtre Taha El Amiri a évoqué les débuts de la carrière de Aouda Abbas, connue sous le nom d'artiste de Latifa, qui "marquait la scène par son talent, sa beauté et son sourire ". Abondant dans le même sens, le comédien Mohamed Hilmi a mis en valeur le " riche répertoire " de Latifa qui, outre la chanson, " a été distribuée dans de nombreuses pièces qui sont des chefs-d'œuvre ". " Latifa, avec qui j'ai travaillé comme pianiste dans les années 1970, était une grande artiste qui avait beaucoup de présence sur scène et qui avait une voix de rossignol ", a souligné, également, l'artiste Farid Smaïli, mettant, par ailleurs, en exergue son " excellente mémoire ". " Elle n'avait pas besoin de partition ", a-t-il dit à propos de cet artiste qui " était le bras droit de Fadéla Dzirya ". Pour sa part, l'interprète Mohamed Lamari a mis en relief les qualités artistiques de la défunte tout en évoquant son militantisme et son arrestation par les forces coloniales. " Elle a été arrêtée (par les forces coloniales) avec Goucem, la soeur de Fadéla Dziria, en 1957 ", a-t-il confié tout en soulignant le nationalisme de l'artiste disparue.