Trente-huit personnes ont été tuées et près de 2.000 autres ont été blessées dans les manifestations de vendredi en Egypte, ont affirmé des sources officielles au sein du ministère égyptien de la Santé. Douze personnes ont été tuées au Caire, une à Guiza, trois à Port Saïd (sur le Canal de Suez), huit à Alexandrie, 12 à Suez et 2 à Mansoura (delta du Nil), selon ces sources, portant ainsi à 48 le nombre de morts depuis le début du mouvement de protestation mardi. Outre les morts, 1.900 autres personnes ont été blessées lors de la même journée de vendredi, dont environ 500 policiers, ajoutent les mêmes sources, ce qui porte le nombre total de blessés depuis mardi à 2.500, dont 1.000 policiers. La télévision d'Etat égyptienne a annoncé plus tôt que la durée du couvre-feu, décrété vendredi soir dans les trois grandes villes égyptiennes (Le Caire, Alexandrie et Suez), a été prolongée samedi L'armée égyptienne, qui a déployé des chars et des blindés depuis vendredi, a demandé à la population de"respecter le couvre-feu" et de ne pas se rassembler dans les lieux publics. Des dizaines de milliers d'Egyptiens se rassemblaient samedi dans les rues du Caire pour réclamer le départ d'Hosni Moubarak, indifférents aux promesses de réformes et de remaniement gouvernemental formulées la veille par leur président qui s'accroche au pouvoir. L'allocution télévisée du chef de l'Etat vendredi soir n'a pas apaisé la colère de la population, qui manifestait hier pour la cinquième journée consécutive. Selon des responsables égyptiens, violences et affrontements ont fait 45 morts et au moins 2.250 blessés depuis mardi, dont 38 morts en vingt-quatre heures. Ce bilan, provisoire, devrait encore s'alourdir au fur et à mesure des informations transmises par les hôpitaux et morgues à travers le pays, ont-ils ajouté en précisant que 10 policiers figuraient parmi les morts. D'après la télévision d'Etat, le couvre-feu doit commencer dès 16h ce samedi et durer jusqu'à dimanche 8h, ce qui est plus long que la nuit précédente (de 18h à 7h). Plusieurs véhicules blindés de l'armée stationnaient sur la place Tahrir, la plus grande du Caire. Des manifestants ont jeté des pierres contre des policiers qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes. La police a tiré sur des manifestants près du ministère de l'Intérieur - on ignore pour le moment s'il s'agit de balles réelles ou de balles en caoutchouc - et plusieurs personnes ont été blessées. "On veut que Moubarak parte, pas seulement son gouvernement", déclarait un manifestant, Mohammed Mahmoud. "Nous n'arrêterons pas de manifester jusqu'à ce qu'il parte". Non loin de la place, l'armée a barré les accès conduisant au Parlement et aux principaux bâtiments officiels, à présent gardés par des militaires et non plus des policiers. L'armée, par ailleurs, a fermé les accès aux touristes des célèbres pyramides, situées à Gizeh, non loin du Caire. Internet était bloqué pour la deuxième journée consécutive samedi, semble-t-il pour empêcher les protestaires d'organiser les manifestations. Alors que vendredi toutes les communications par portable étaient coupées, deux compagnies de téléphonie mobile assuraient de nouveau leurs services samedi. Le président égyptien Hosni Moubarak a annoncé dans la nuit de vendredi à samedi le limogeage de son gouvernement, la formation dès samedi d'un nouvel exécutif et des réformes démocratiques. "J'ai demandé au gouvernement de démissionner et demain il y aura un nouveau gouvernement", a déclaré le président égyptien lors d'une déclaration de onze minutes à la télévision publique à la suite de manifestations sans précédent dans le pays. "Il y aura de nouvelles mesures pour une justice indépendante, la démocratie, pour accorder plus de liberté aux citoyens, pour combattre le chômage, augmenter le niveau de vie, développer les services et soutenir les pauvres", a ajouté M. Moubarak, 82 ans, arrivée au pouvoir il y a trente ans. Au moins 20 personnes ont été tuées et des centaines blessées lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, portant à 27 le nombre de morts depuis le début des manifestations anti-gouvernementales. Le président américain Barack Obama a indiqué avoir parlé avec le président égyptien Hosni Moubarak en l'exhortant à tenir ses promesses faites vendredi dans son discours à la nation. Dans une allocution de quelques minutes faite à la Maison-Blanche, M.Obama a indiqué avoir pris contact par téléphone avec le président égyptien après que ce dernier eut annoncé, dans une allocution télévisée au Caire, la démission de son gouvernement et la formation d'un nouveau cabinet samedi, tout en se disant fermement engagé sur la voie de réformes politiques et économiques. Pour le chef de la Maison-Blanche, "ce qu'il faut maintenant, ce sont des mesures concrètes qui font avancer les droits du peuple égyptien". Notant que les Etats-Unis et l'Egypte sont liés par un partenariat étroit, le président américain a ajouté, toutefois, que "nous avons également été clairs qu'il doit y avoir des réformes politiques, sociales et économiques qui répondent aux aspirations du peuple égyptien." Par ailleurs, il a demandé aux autorités égyptiennes de s'abstenir de toute violence contre les manifestants et d'accorder une plus grande liberté au peuple égyptien: "Le peuple égyptien a le droit d'aspirer aux droits universels", a-t-il insisté. Pour lui, "il y aura sûrement des jours difficiles, mais les Etats-Unis continueront à défendre les droits de la population égyptienne et à travailler avec le gouvernement pour un avenir plus juste, plus libre et avec plus d'espoir". A travers le monde, a-t-il poursuivi, "les gouvernements ont l'obligation de répondre aux aspirations de leurs citoyens. Cela est valable pour les Etats-Unis, l'Asie, l'Europe et pour le monde arabe où tous les citoyens ont le droit d'être écoutés". Rappelant son discours fait au Caire en 2009, le président Obama a indiqué y avoir affirmé que "les peuples doivent être entendus par la persuasion et non par la coercition". Il faut savoir aussi, que les violentes manifestations en Egypte ont pesé vendredi sur la Bourse du Caire, qui a fortement dévissé en fin d'échanges, provoquant l'inquiétude des marchés financiers à Londres et à New-York, qui a fortement chuté après une semaine de hausses successives. Vendredi, l'indice vedette de la Bourse du Caire, l'EGX30 a pratiquement terminé sur les genoux, clôturant à -15%, poursuivant son mouvement baissier de jeudi. L'EGX 30 avait fortement dévissé de 10% jeudi, perdant à mi-séance 6,2%, stressé par la rapidité des événements et les conséquences immédiates d'une impasse politique sur l'économie du pays, estiment des courtiers. Fatalement, les autres places boursières mondiales ont reçu l'onde de choc des manifestations de protestation dans les grandes villes égyptiennes. Vendredi, la Bourse de Londres avait terminé en forte baisse, atteinte par des chiffres décevants sur la croissance américaine et surtout les violentes manifestations en Egypte, les valeurs minières et pétrolières enregistrant les plus fortes baisses.