La foule, où les femmes sont nombreuses, est estimée à des dizaines de milliers de personnes. Elle s'étire sur un large boulevard reliant le lieu de départ de la marche à la place de la Perle, épicentre de la contestation, distante de près de trois kilomètres. Slogans scandés: "le peuple veut la chute du régime" et "A bas les Al-Khalifa", en référence à la famille royale. La police était absente mais un hélicoptère survole la marche. Les manifestants défilent derrière une grande banderole sur laquelle est écrit: "Marche de fidélité aux martyrs", avec les photographies des sept chiites tués pendant la répression du mouvement de protestation. Cette nuit, des centaines de manifestants ont campé dans le centre de Manama. Les contestataires rejettent les concessions du pouvoir: lundi soir, le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa a ordonné la libération de détenus chiites, une des revendications de l'opposition, et de surseoir aux poursuites judiciaires contre d'autres prisonniers politiques. La place de la Perle dans le centre de Manama, rebaptisée place de la Libération, est occupée depuis samedi par les manifestants. Ils en avaient été chassés par la force le 17 février. Ce matin, dans un autre quartier de Manama, une procession funéraire a accompagné la dépouille d'un manifestant chiite tué par des tirs de l'armée. Il a succombé lundi à ses blessures à la tête reçues vendredi. Dominée par les chiites, l'opposition à la monarchie sunnite, au pouvoir dans ce petit royaume depuis plus de deux siècles, a appelé à une manifestation de masse et ses dirigeants espèrent pouvoir mobiliser au moins 100.000 personnes. Aussi, une personnalité de l'opposition était sur le point de rentrer mardi à Bahreïn, qui connaît depuis une semaine des manifestations sans précédent organisées par la majorité chiite contre la monarchie sunnite. Le chiite Hassan Mouchaïmaa, chef du mouvement d'opposition Hak, avait déclaré lundi sur sa page Facebook qu'il voulait voir si les dirigeants du royaume avaient sérieusement l'intention d'engager un dialogue ou s'il serait arrêté à son arrivée. Son retour était prévu mardi dans la soirée. Mouchaïmaa, qui vit en exil à Londres, est l'une des 25 personnes en procès dans son pays depuis l'année dernière pour complot présumé, mais le roi Hamad bin Issa a laissé entendre lundi que le procès pourrait être mis entre parenthèses, permettant à Mouchaïmaa de revenir sans être inquiété. Les médias officiels du royaume ont annoncé que le souverain avait ordonné la libération de certains prisonniers et la suspension de certaines poursuites judiciaires. On ignore si cela suffira à convaincre les organisations de l'opposition d'accepter un dialogue que le roi Hamad a chargé son fils, le prince héritier, de conduire. Les partis d'opposition Wefak et Waad ont appelé à manifester ensemble mardi, ce qui marque le premier effort pour structurer le mouvement de contestation depuis qu'il a vu le jour voici une semaine. Au Yemen de brefs accrochages ont opposé à Sanaa des manifestants réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh et des partisans du pouvoir, faisant cinq blessés. Quelque 4 000 manifestants, qui campaient sur une place devant l'Université, ont tenté de s'approcher d'une autre place distante de quelques centaines de mètres où étaient rassemblés des partisans du Congrès populaire général (CPG, parti au pouvoir). Ces derniers ont alors attaqué les manifestants, des étudiants pour la plupart, à coups de matraques et de poignards, faisant cinq blessés dans leurs rangs, avant que la police n'intervienne pour disperser les deux parties. Un millier de protestataires avaient passé leur deuxième nuit consécutive sur une place attenant à l'Université de Sanaa, rebaptisée "Place de la Libération" à l'instar de celle qui fut l'épicentre du soulèvement au Caire, sans être inquiétés par les partisans du régime. Le sit-in exigeant le départ de M. Saleh avait commencé dans la nuit de dimanche à lundi, au lendemain de la décision de l'opposition parlementaire de se joindre à la contestation jusque là menée essentiellement par des étudiants. M. Saleh, au pouvoir depuis 32 ans dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, a déclaré lundi qu'il ne partirait "que par les urnes". De son côté, le président syrien Bachar al-Assad juge nécessaire pour les dirigeants du monde arabe de "mieux comprendre la volonté des peuples et de mener une politique prenant en compte leurs (demandes)". Lors d'une rencontre avec une délégation de sénateurs républicains, le président syrien a par ailleurs appelé l'administration américaine à "revoir son rôle dans le processus de paix à travers une action sérieuse en faveur d'une paix globale et juste au Proche-Orient".