Les résultats de la tournée centrasiatique du président russe Vladimir Poutine, notamment l'accord gazier conclu ce week-end par la Russie avec le Turkménistan et le Kazakhstan, ne sont pas bon pour l'Europe. Le président russe Vladimir Poutine a conclu un accord avec ses homologues kazakh et turkmène pour augmenter les exportations de gaz vers la Russie, ce qui devrait augmenter la dépendance énergétique de l'Europe face à la Russie, alors qu'elle cherche précisément à la réduire. La Russie vient donc de remporter une importante victoire géopolitique. D'abord, Noursoultan Nazarbaïev a promis à Vladimir Poutine d'exporter la totalité (ou presque) du pétrole kazakh via le territoire russe. En déclinant l'invitation au sommet de Cracovie, où les présidents polonais, ukrainien, géorgien, azerbaïdjanais et lituanien examinaient le projet d'oléoduc Odessa-Brody-Plock-Gdansk contournant la Russie, M. Nazarbaïev a souligné la priorité accordée par son pays au partenariat avec la Russie. Par ailleurs, les leaders russe, kazakh et turkmène se sont mis d'accord sur la modernisation (en collaboration avec l'Ouzbékistan) du gazoduc reliant le Turkménistan à la Russie qui longe la mer Caspienne et sur la construction d'un gazoduc parallèle. Selon le ministre russe de l'Industrie et de l'Energie, Viktor Khristenko, la capacité des deux gazoducs centrasiatiques pourrait atteindre 90 milliards de mètres cubes par an. Ces deux projets ont un concurrent : le gazoduc transcaspien, d'une capacité de 30 milliards de mètres cubes par an, qui pourrait acheminer le gaz turkmène vers l'Europe en contournant la Russie et en passant d'abord sous la mer Caspienne, puis par les gazoducs Bakou-Tbilissi-Erzerum et Nabucco. Les responsables russes sont désormais convaincus que le projet de Gazoduc transcaspien perd tout son sens. En se mettant le Turkménistan dans la poche, un pays dont on estime qu'il possède les sixièmes réserves de gaz du monde, la Russie affirme de manière éclatante sa position dominante dans la région. Elle verrouille le gaz de la mer Caspienne d'une manière telle que tous les projets rivaux semblent désormais ne plus guère avoir de sens. Ainsi, en prévision du sommet Russie-UE, Moscou s'est doté d'un atout puissant sur l'un des principaux dossiers des pourparlers, la coopération énergétique. Cette nouvelle donne ne va pas alléger l'atmosphère du sommet Europe-Russie, les 17 et 18 mai à Samara, à propos duquel les ministres européens des Affaires étrangères se sont retrouvés hier à Bruxelles. Malgré le fiasco annoncé de ce sommet, l'Union européenne entend maintenir le contact avec la Russie. Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, dont le pays préside pour l'instant l'Union, a estimé que "la situation est compliquée, mais il est important de se parler, particulièrement dans les moments difficiles". "Je suis persuadé que l'UE a besoin de la Russie pour résoudre les conflits internationaux et la Russie continuera à être dépendante de l'Europe, donc je suis absolument certain que des deux côtés la raison doit prévaloir", a-t-il estimé.