Quand un Samir El Assimi déclare en toute sincérité que son travail consiste en ceci : "Rendre les gens heureux ", on reste abasourdi. Que de chantiers dans ce monde imparfait, pour celui qui a bien vissé sur la tête, deux casquettes. Une le matin, dans son cabinet d'ORL et l'autre, le soir, dans les arènes des célébrations festives et joyeuses. Vous l'avez compris, Samir El Assimi fait partie de cette race rarissime, qui peut mêler, l'art sérieux de soigner les gens, et celui plus détendu, de faire la fête. Chaleureux, énergique, léger de cette légèreté qui rend agréable, Samir el Assimi, nous a reçu dans son cabinet à Hussein Dey, où son bureau est tapissé de plein de photos qui témoignent de sa longue carrière musicale et de ses rencontres d'avec des noms qui ont gravé tous les échelons méritoires du domaine compliqué de l'art. Fierté donc pour Samir El Assimi, qui raconte dans cet entretien, à bâton rompu, le dur métier de rendre heureux. Entretien. Le Maghreb : Vous oscillez entre deux arènes différentes : la médecine et la chanson : ça a débuté comment ? Samir El Assimi: L'an 83, est l'année de mes premiers apprentissages lyriques. Mes deux instruments étaient à l'époque, la percussion et le tar. Instruments d'ailleurs qui sont très liés au chaâbi, le premier genre que j'ai affectionné. A Bir mourad rais il y avait une formation chaâbie à laquelle j'ai adhéré et par la suite j'ai intégré, dix ans durant, le rang d'une chorale polyphonique. El qu'est-ce qui a tout déclenché ? Un cousin, lui-même chanteur. Il vit en Angleterre, et lors de l'un de ses séjours à Alger il me lance: "Tu as une belle voix, pourquoi ne montes-tu pas ton propre orchestre ?" lui connaissait un groupe, Arphonie, ex-Tarsinas. J'intègre ce groupe moderne, on répétait ensemble à Dely Brahim, puis vers 87, j'anime la première fête de mariage. Numéro un dans ma carrière. Parallèlement, je poursuivais mes études de médecine à la Perrine d'Alger. En 90, j'obtiens mon diplôme de médecine, et étant conscient que pour être un bon chanteur, un irréprochable animateur de cérémonie festive, il fallait connaitre sur les bouts des doigts, tous les styles, du chaâbi au aroubi en passant par le rai et le kabyle, je me suis mis à bosser très dur ! A ce moment, je fais une rencontre : le musicien Mohamed Mostghanmi, licencié en musique et qui, jusqu'à ce jour, est mon compagnon de scène. De plus, dans le sillage du début de ma carrière, j'ai formé quelques musiciens dont les frères Kriou, j'ai remis sur pieds l'orchestre, les Frères Torki, puis, je les ai intégrés dans mon orchestre. Spécialiste en ORL, chanteur….s'il y avait à choisir ? Pas facile du tout ! Les deux font partie intégrante de ma vie. Mais si vraiment, j'étais sommé de choisir, je choisirais la médecine. Comment votre public regarde-t-il le médecin, le jour, le chanteur, la nuit ? Au début, c'était pas gagné. Les gens prenaient de drôles d'air et je lisais dans beaucoup de yeux la question obsédante et insolite ; "Comment ça médecin, chanteur?" Je crois qu'en réalité, ils ont une certaine idée du chanteur, ce dernier doit être inculte voir sans niveau aucun ! En gros un artiste, c'est un meskine, quelqu'un d'indigent qui inspire pas plus que de la compassion. Mais moi je dis qu'au contraire, un artiste doit absolument avoir un bag round, des idées pour s'imposer plus. Y a rien qu'à voir en Egypte ou encore au Liban, comment les artistes sont non seulement cultivés, mais aussi ingénieurs, dentistes…..en clair, c'est pas n'importe quel commun des mortels qui peut accéder à la tribune artistique. Est-ce qu'il arrive à ce que vous retrouvez dans votre cabinet, ceux à qui vous avez animé une fête ? Oui, très souvent. Si je suis artiste, je le suis dans la médecine aussi. Je crois que les deux chantiers ou j'opère sont complémentaires. çà m'est arrivé de faire des baptêmes aux enfants de ceux à qui j'ai animé une fête. De soigner des gens à qui j'ai animé une cérémonie la veille. Qu'est-ce qui est difficile, soigner ou travailler à un album ? Les deux se valent. C'est une grande responsabilité. Quand je traite quelqu'un, il faut s'assurer du bon diagnostic, du bon traitement, s'assurer de l'avenir de sa santé. Célébrer un mariage, c'est aussi une grande responsabilité. En fait, dans les deux cas, il s'agit de rendre les gens heureux, et c'est pas facile. Hamdoulah, je fais de mon mieux et j'ai réussi. Vous faites des reprises et ça marche. Comment l'expliquez-vous ? J'ai neuf CD sur le marché. Je viens de livrer un opus qui s'appelle "Bnat Lablad ", c'est un hommage aux femmes. Produit par Papidou Edition, il contient 12 chansons qui traitent de l'amour, du social, et de la beauté de la contrée d'Oran, entre autres. Les paroles sont signées Salma Angar, la musique, est de Toufik Ameur. Dans "Bnat Lablad ", il y a des reprises mais beaucoup de nouveautés. J'ai fait même un hommage à Tlemcen, capitale islamique à travers un titre, Sidi Boumediènne. Mon prochain CD est en route, les paroles seront signées par Amar Azzouz, ancien ministre, et c'est du kabyle. Une remarque sur la prééminence d'une maladie par rapport à une autre. Il y a beaucoup d'allergies : nasosinusinienne, pulmonaire, cutanée. C'est dû à l'environnement, à la couche d'ozone. Prenez vous cher ? Y a-t-il un barème pour les cérémonies de mariages ? Comment ça se passe ? Primo je fais une petite estimation, ensuite je donne mon prix que je revois toujours à la baisse. Parce que ma devise c'est de faire plaisir aux gens, je ne les " déplume " jamais ! Comment voyez vous l'avenir de la chanson ? Elle a un bon avenir et elle va dans le bon sens. C'est vrai que nous souffrons des problèmes de distribution, d'un manque d'informations atroce, il faut donc que les médias s'en mêlent pour aider à l'épanouissement de la musique en général et de la chanson en particulier. Il faut réinstaller la culture dans les veines des gens, construire des théâtres, des cinémas. La Culture c'est important pour un peuple. Qu'est ce qui est le plus difficile dans ces deux métiers ? Les deux se réunissent sur une chose ; être tolérant, être à l'écoute et avoir un grand cœur. Le client est stressé tout autant, que le malade. C'est un gros travail que de soulager.