Le chef de l'Etat camerounais, Paul Biya, a officiellement lancé la construction du port en eau profonde de Kribi, un projet réalisé au sud du pays avec un financement de 207,7 milliards de francs CFA (environ 415,4 millions USD) d'Exim-Bank de Chine sur un total de 240 milliards (480 millions USD), selon les sources officielles camerounaises. En gestation depuis les années 70, à en croire des sources administratives camerounaises, cet ouvrage a commencé à prendre effectivement corps en décembre 2010 avec le début des terrassements généraux du site sur la base d'un marché exécuté par l'entreprise française Razel, avant la construction proprement dite du port pour une durée de 36 mois, soit jusqu'en 2014, par la société chinoise China Harbour Engineering Company (CHEC). C'est un ensemble constitué pour la première phase des travaux d'un port général et d'un appontement, localisés l'un et l'autre dans deux localités, Mboro et Lolabè, à plus de 30 km au sud de la ville balnéaire de Kribi, sur une superficie globale de 26.000 hectares réservée, en outre, à des installations industrielles, urbaines et autres. A caractère industriel et commercial, le port général prévoit, dans un premier temps, une digue de protection de 1,2 km, un chenal d'accès des navires, des quais d'accostage et deux terminaux (un terminal polyvalent et un terminal à conteneurs) de plus de 680 mètres de quai, de l'avis des experts du ministère camerounais de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire. Pour ceux-ci, le bassin et le chenal d'accès seront dragués à moins de 15 mètres. Selon le directeur général de CHEC-Cameroun, Xu Huajiang, c'est "l'investissement portuaire le plus important d'Afrique centrale et de l'Ouest", destiné à accueillir de gros navires de 40.000 tonnes de moins de 16 mètres de tirant d'eau pour le terminal polyvalent et de 50.000 tonnes de moins de 16 mètres de tirant d'eau également pour le terminal conteneur. "A titre de comparaison, le grand port d'Apapa (Lagos) au Nigeria a une profondeur de moins de 11 mètres, tandis que celui-ci est de moins de 15 mètres. A présent, les navires qui se rendent en Afrique de l'Ouest transitent par le Nigeria pour une autre destination. Dans le futur, les gros navires peuvent s'orienter plutôt vers le Cameroun, si les côtes camerounaises sont sécurisées", a expliqué à Xinhua M. Xu. Le projet comporte par ailleurs, dans sa deuxième phase, la réalisation de terminaux industriels (alumine, aluminium, hydrocarbures) et d'appontements spécialisés (gaz naturel liquéfié et minerai de fer). Il s'agit d'infrastructures faisant appel aux financements privés (GDF, Suez, Rio Tinto, Cam Alumina, etc.) et qui feront l'objet de concessions dont les négociations sont en cours, fait encore savoir le ministère de l'Economie. Pour le ministre de l'Economie, Louis Paul Motaze, à moyen terme, un trafic de 250.000 à 400.000 conteneurs de 20 pied pour un volume de plus de 50 millions de tonnes par an est attendu, constitué de plus de 30 millions de tonnes de minerai de fer, 3,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié dont l'usine est en construction toujours à Kribi, plus de 6 millions de tonnes d'hydrocarbures, 1,6 million de tonnes d'aluminium, 2 millions de tonnes d'alumine et 1,2 million de tonnes de cargo. Reconnu comme un "rêve longtemps caressé", le futur port va transformer le "petit paradis touristique" de Kribi, déjà point d'aboutissement du pipeline Tchad-Cameroun, en "une des ouvertures sur le golfe de Guinée", y compris pour des pays voisins (Tchad, République centrafricaine (RCA), Nord de la Guinée équatoriale, Gabon, Congo et République démocratique du Congo (RDC), a souligné le président Paul Biya. Outre le minerai de fer, le gaz naturel et les hydrocarbures, il est aussi destiné à favoriser le transport des productions agricoles de l'arrière-pays vers le marché international, s'est encore réjoui le dirigeant camerounais dans son allocution, en présence de l'ambassadeur de Chine au Cameroun Xue Jinwei, à l'occasion de la pose de la première pierre de l'important ouvrage. Il a cité par ailleurs la mise en place d'industries de transformation autour de ce port que viendra compléter une voie ferrée de près de 500 km, puis une route bitumée qui fait cruellement défaut, au point de rendre l'accès au site pénible en temps de pluies. Avec une fierté bien affichée, les populations de Kribi y voient un gisement d'emplois, en l'occurrence les jeunes, d'autant que les statistiques officielles en annoncent 40.000 postes de travail à pourvoir lorsque le projet aura atteint sa phase d'exécution décisive. "C'est un projet que j'apprécie vraiment. Je suis content, nous sommes contents nous les jeunes, mais on sera encore plus contents si notre chef de l'Etat, S.E.M. Paul Biya, nous donne la possibilité à chaque jeune de trouver un travail qui pourra lui permettre de subvenir à ses besoins", a indiqué Camille Yahongo, ex-étudiant en sociologie à l'Université de Yaoundé I, qui reconnaît pourtant n'avoir aucune formation professionnelle. "Sûrement que beaucoup de nos enfants vont trouver des emplois au port. Nous-mêmes les femmes, à travers le développement, nous allons pouvoir beaucoup vendre (nos marchandises). Il va falloir que nous les habitants de Bongahele on sente que le port est vraiment dans notre groupement, parce que ce port-là est dans le groupement Batanga-Sud", a renchéri Hélène Bonyohe épouse Meye. A la tête d'un groupe d'initiative communautaire (Gic) de 10 membres du nom de "main dans la main des pêcheurs associés", qui produit en moyenne 150 à 200 kilos de poisson dont essentiellement les bars au terme de trois jours de pêche en mer, cette dame s'est d'ores et déjà spécialisée dans la commercialisation des champignons auprès des techniciens chinois du chantier. Rencontré en campagne électorale au profit du président Biya pour la présidentielle d'hier, Remy Sylvestre Bouelet, secrétaire général de l'Université de Douala, n'a pas non plus caché son émotion. "Nous sommes très heureux d'abord, a-t-il dit, nous le peuple Batanga, Mabi, Iyassa. Parce que nous attendions ce port depuis des années. Qui dit le port, dit développement. Donc, la pose de la première pierre de ce port représente pour nous la réalité, parce que nous étions encore en train de rêver". Même son de cloche aussi chez le musicien et chef traditionnel Eko Roosevelt pour qui "toute la population est contente que ce projet voie enfin le jour. Nous les chefs traditionnels, nous croyons que c'est un projet qui va nous apporter un peu de chaleur, des réalisations économiques. Il y aura de l'emploi et le développement dans notre région. Bien sûr que le port appartient à tout le monde, mais voulons notre part du gâteau". De part et d'autre de Kribi et sur le site du port, des banderoles saluaient l'événement par des messages suffisamment expressifs : "Port en eau profonde de Kribi, projet majeur des grandes réalisations" ou encore "Monsieur le président, le peuple Batanga-Iyassa se réjouit de la réalisation sur ses terres de l'un projets-phares des grandes ambitions". "Aux termes du projet, le port de Kribi deviendra un hub de transport maritime et un transit de conteneurs de cargo en vrac dans la région de l'Afrique centrale et de l'Ouest. Le port de Kribi contribuera fortement au développement économique du Cameroun et servira de témoignage à l'amitié sino-camerounais", souligne une grande plaque à l'entrée du site de l'infrastructure.