Le monde va devoir dépenser chaque année 1 500 milliards de dollars -soit presque la totalité de la dette de la France- pour faire face au bond de la demande en énergie d'ici 2035, a averti, avant-hier, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui s'inquiète notamment pour l'Afrique et le Moyen-Orient.Cumulé jusqu'en 2035, le chiffre mondial atteint la somme vertigineuse de 38.000 milliards de dollars d'investissements, soit plus de 27.500 milliards d'euros et près de 15% de plus que la précédente estimation de l'agence, bras énergétique des pays développés. C'est énorme, a reconnu l'économiste en chef de l'AIE, Fatih Birol. Les coûts de production augmentent dans de nombreuses parties du monde et il devient de plus en plus difficile d'extraire l'énergie, c'est pour cela que nos chiffres augmentent substantiellement, a-t-il expliqué. Si nous ne trouvons pas cet argent, la production n'augmentera pas autant qu'elle doit le faire, avec pour résultat des prix bien supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui, a averti l'économiste turc de l'AIE, qui dépend de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette flambée se fera sentir dès les cinq prochaines années faute d'injections suffisantes d'argent frais, selon lui. Les hydrocarbures (pétrole 26% et gaz 25%) représentent toujours la majorité des besoins d'investissements en énergie au cours du prochain quart de siècle, selon l'AIE, avec des besoins de 10.000 milliards de dollars dans le pétrole et 9.500 milliards dans le gaz. Au fur et à mesure que les anciens gisements pétroliers et gaziers s'épuisent, les compagnies se tournent vers des sites beaucoup plus profonds, techniquement plus difficiles à exploiter, ou situés loin au large comme au Brésil ou dans des zones reculées (Arctique...), ce qui coûte beaucoup plus cher. Avec la connexion attendue d'une grande partie de l'humanité au réseau électrique et le développement économique, l'électricité représentera l'essentiel (45%) du reste des besoins, avec une projection de 16.900 milliards, très loin devant le charbon (3%, 1.100 milliards) et les biocarburants (1%, 300 milliards). Plus de 1,3 milliard de personnes dans le monde n'ont toujours pas accès au courant électrique, selon l'AIE. Selon M. Birol, nous voyons ces investissements se profiler dans certaines régions, mais le principal point d'interrogation en la matière vient de l'Afrique et du Moyen-Orient, où il a déploré un manque d'investissements. L'AIE, qui représente les intérêts des pays riches grands consommateurs de pétrole, appelle régulièrement l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à relever sa production d'or noir et à investir pour augmenter ses capacités. Mais d'autres facteurs comme la pauvreté et les violences font que les Etats africains ou moyen-orientaux concernés ont d'autres priorités, a souligné M. Birol, dans un contexte d'incertitude régionale entraîné par le Printemps arabe. Concernant la Libye, où la production a repris plus vite que prévu après avoir été interrompue par la guerre contre le régime de Mouammar Kadhafi, l'économiste a dit qu'il serait positivement surpris si la production de pétrole retrouvait son niveau d'avant le conflit avant 2013. L'AIE, qui a organisé, hier, et la veille, une réunion en présence notamment d'une trentaine de ministres de l'Energie, doit présenter en novembre son rapport annuel de référence sur l'énergie, dont les chiffres présentés, avant-hier, sont extraits.