Des milliers de Syriens ont manifesté, avant-hier, les uns pour dénoncer le régime et soutenir les déserteurs de l'armée, les autres pour conspuer l'ultimatum de la Ligue arabe sur l'envoi d'observateurs en Syrie, qui a expiré sans réponse de Damas. La Syrie s'expose désormais à des sanctions économiques arabes mais bénéficie toujours du soutien appuyé de Moscou. En revanche, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a jugé que cet ultimatum constituait "une dernière et nouvelle chance" à saisir pour Damas. Sur la page Facebook "La Révolution syrienne contre Bachar al-Assad", les militantes pro-démocraties ont appelé à manifester en "ce vendredi pour que l'Armée syrienne libre (ASL) protège la révolution pacifique". L'ASL, dont le chef Riad al-Assaad est basé en Turquie, a revendiqué ces derniers jours une série d'attaques meurtrières contre l'armée régulière chargée de réprimer par la force la révolte entamée il y a plus de huit mois. Comme chaque vendredi depuis la mi-mars, les Syriens ont manifesté par milliers après la prière hebdomadaire, en particulier dans les provinces de Homs (centre), Idleb (nord-ouest) et Deraa (sud), ainsi qu'à Deir Ezzor, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et les Comités locaux de la coordination (LCC). Réunis jeudi au Caire, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe avaient donné moins de 24 heures à Damas pour accepter l'envoi d'observateurs, sous peine de sanctions. "Jusqu'à maintenant, nous n'avons toujours aucune réponse du gouvernement syrien", a déclaré un diplomate arabe après l'expiration du délai. Les ministres arabes des Finances doivent se réunir samedi pour discuter d'éventuelles sanctions, qui pourraient ensuite être soumises dimanche aux ministres des Affaires étrangères des pays arabes. Alors que l'économie syrienne est déjà affectée par les sanctions européennes et américaines, des mesures de rétorsion économiques arabes risqueraient d'étouffer la Syrie, dont la moitié des exportations et près d'un quart des importations se font avec les pays arabes. Longtemps réticente à toute internationalisation de la crise syrienne, la Ligue arabe a aussi décidé, jeudi, d'appeler l'ONU à "prendre les mesures nécessaires pour appuyer les efforts de la Ligue arabe". Moscou a, de son côté, réaffirmé son soutien au régime de Bachar al-Assad: "A ce stade, nous avons besoin non pas de résolutions, de sanctions ou de pressions, mais d'un dialogue inter syrien", a insisté un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. Paris a de nouveau défendu l'idée de créer des couloirs humanitaires en Syrie, expliquant qu'il fallait "sauver des vies". La France avait proposé mercredi ces couloirs, annonçant son intention d'en saisir l'Union européenne, l'ONU et la Ligue arabe. Le Comité de l'ONU contre la torture a dénoncé, avant-hier, des "violations flagrantes et systématiques des droits" de l'Homme en Syrie ainsi que leur "impunité". Claudio Grossman, qui dirige le panel des 10 experts du Comité, s'est dit préoccupé en particulier par des informations sur des tortures et des mutilations infligées à des enfants, ainsi que par des "exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires". Le Comité a demandé au gouvernement syrien de présenter un rapport le 9 mars sur les mesures prises pour garantir le respect de la Convention contre la torture.