Des soldats mutins se livraient, avant-hier, à des pillages dans le palais présidentiel de Bamako, où des tirs résonnaient toujours, quelques heures après l'annonce du renversement d'Amadou Toumani Touré, président de l'une des rares démocraties d'Afrique, un mois avant la fin légale de son mandat. Dans la capitale Bamako, où de jeunes soldats circulant à moto tiraient en l'air, les magasins restaient fermés et les rues étaient désertes après l'annonce du putsch. Tout a commencé la veille lorsque des soldats se sont mutinés pour réclamer plus de moyens pour la guerre contre les rebelles dans le Nord, immense région désertique également en proie à des activités de groupes islamistes armés, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La mutinerie, partie de la ville garnison de Kita (15 km de Bamako), a gagné Koulouba (près de Bamako) où se trouve la présidence, puis la capitale et Gao (nord-est), abritant un commandement anti-rébellion de l'armée. Les informations étaient contradictoires sur la situation du président Touré, depuis l'annonce par les soldats, en tout début de matinée, de la prise du pouvoir sur les ondes de la télévision publique. Un conseiller proche du ministre de l'Intérieur a déclaré que le chef de l'Etat avait été escorté jusqu'à un camp militaire, protégé par des gardes au béret rouge. Un autre a démenti l'information, affirmant qu'il n'était pas sur la base. Les soldats ont trouvé le palais quasiment vide quand ils l'ont investi. Devant les caméras, le groupe d'une vingtaine de putschistes en tenue de combat a lu un communiqué annonçant que le Mali était désormais sous contrôle d'un mystérieux Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat, ou CNRDR. Ils ont annoncé la suspension de la Constitution et la dissolution des institutions. Les mutins ont justifié ce geste par la mauvaise gestion par le gouvernement civil de la rébellion touarègue dans le nord désertique du pays depuis la mi-janvier, dénonçant "l'incapacité du gouvernement à donner aux forces armées les moyens nécessaires de défendre l'intégrité de notre territoire national". Les Touaregs se révoltent régulièrement contre le pouvoir central au Mali depuis l'indépendance du pays en 1960. Le dernier épisode en date, à la mi-janvier, a provoqué la fuite de dizaines de milliers de personnes vers quatre des pays voisins. Le CNRDR a "décidé d'assumer ses responsabilités et de mettre un terme au régime incompétent et désavoué d'Amadou Toumani Touré", selon le terme de son communiqué. Et d'affirmer que l'objectif n'était pas la confiscation du pouvoir, s'engageant à le remettre aux civils quand "l'intégrité du territoire aura été rétablie". Le président Touré à Bamako dans un camp militaire Le président malien Amadou Toumani Touré, que des militaires ont affirmé avoir déposé, est à Bamako, dans un camp militaire, entouré de soldats loyalistes de sa garde présidentielle, a indiqué une source militaire loyaliste et un membre de son entourage. Le président est bien à Bamako, il n'est pas dans une ambassade. Il est dans un camp militaire d'où il dirige le commandement, a déclaré la source militaire loyaliste sous couvert d'anonymat. Un membre de l'entourage de M. Touré a confirmé ces informations, précisant qu'il était avec des Bérets rouges de la garde présidentielle). Aucune des sources n'a fourni de détails. Certains membres du gouvernement ont été arrêtés, mais pas tous, avait ajouté ce responsable, sans être en mesure d'en donner le nombre, et sans indiquer leur lieu de détention. A Paris, le ministère français des Affaires étrangères a appelé au respect de l'intégrité physique du président Touré. Nous appelons au respect de l'intégrité physique du président Amadou Toumani Toure comme de l'ensemble des personnes retenues qui doivent être libérées, a déclaré le porte-parole adjoint du ministère Romain Nadal. Incertitudes sur le sort du président Touré Au lendemain du coup d'Etat militaire, les rues de Bamako étaient calmes, hier, mais les putschistes maliens n'avaient toujours pas donné de précision sur le sort du président Amadou Toumani Touré. Avant-hier soir, le responsable du coup d'Etat a assuré qu'Amadou Toumani Touré était "sain et sauf", mais n'a pas précisé s'il était entre leurs mains. D'après certaines rumeurs, le chef de l'Etat élu démocratiquement avait été escorté jusqu'à un camp militaire, protégé par la garde présidentielle. Au moins trois morts lors d'un putsch qui isole le pays Au moins trois personnes ont été tuées au Mali lors d'un coup d'Etat contre le président Amadou Toumani Touré. Annoncé par des militaires, il a suscité une vague de condamnations à l'étranger. Les frontières ont été fermées et un couvre-feu nocturne est décrété. L'aéroport de Bamako fermé, les vols annulés L'aéroport de Bamako était fermé, et les vols annulés jusqu'à nouvel ordre au départ et à destination de la capitale malienne, a affirmé une source aéroportuaire malienne, après l'annonce par des militaires du renversement du régime d'Amadou Toumani Touré. L'aéroport est fermé depuis, avant-hier matin, et il n'y a pas de vols jusqu'à nouvel ordre, a déclaré cette source, qui n'était pas en mesure de fournir plus de détails. Toutes les frontières fermées jusqu'à nouvel ordre Les militaires qui ont annoncé avoir renversé le pouvoir ont fermé toutes les frontières jusqu'à nouvel ordre, a déclaré l'un d'eux, le sergent Salif Koné. Nous avons fermé toutes les frontières jusqu'à nouvel ordre, a affirmé ce membre du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE), joint, avant-hier après-midi. L'Union africaine condamne fermement le coup d'Etat au Mali Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a condamné fermement dans un communiqué le coup d'Etat militaire au Mali et a demandé aux mutins de mettre un terme à leur action. Le président de la Commission condamne fermement cet acte de rébellion qui porte gravement atteinte à la légalité constitutionnelle et constitue un sérieux recul pour le Mali et pour les processus démocratiques en cours sur le continent, selon un communiqué de l'Union africaine. M. Ping rappelle la politique de zéro tolérance de l'Afrique pour tout changement anticonstitutionnel et son rejet total de toute prise de pouvoir par la force. A cet égard, il demande instamment aux éléments mutins de mettre un terme immédiat à leur action et de se soumettre à la légalité constitutionnelle. Il exhorte l'institution militaire à demeurer résolument au service des autorités civiles démocratiquement élues, poursuit le texte. L'ONU demande le retour immédiat du gouvernement légitime Les pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont appelé au rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et du gouvernement démocratiquement élu au Mali. Dans une déclaration lue par l'ambassadeur britannique à l'ONU Mark Lyall Grant, dont le pays préside le Conseil en mars, les 15 pays membres condamnent fermement le putsch au Mali. Ils demandent aux militaires mutins de garantir la sécurité du président Amadou Toumani Touré et de regagner leurs garnisons. Ils réclament également la libération de tous les responsables maliens détenus et invitent instamment toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue, à éviter la violence et à rester calmes. Ils estiment que le processus électoral doit être préservé selon le calendrier prévu, c'est-à-dire les élections présidentielle et législatives et un référendum constitutionnel. Ils saluent les efforts de l'Union africaine pour régler cette crise et promettent de continuer à suivre de près la situation au Mali. Cette déclaration fait suite à un rapport fait au Conseil par le secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Lynn Pascoe. Celui-ci a souligné ensuite devant les journalistes la grande inquiétude des membres du Conseil devant ce coup d'Etat. La Maison-Blanche exige le retour de l'ordre constitutionnel Les Etats-Unis condamnent le coup d'Etat militaire au Mali et exigent le retour immédiat de l'ordre constitutionnel dans le pays, a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche. Les Etats-Unis condamnent avec force les violences à l'initiative d'éléments des forces armées du Mali. Nous appelons au retour immédiat de l'ordre constitutionnel au Mali, dont l'autorité pleine et entière du pouvoir civil sur les forces armées, et au respect des institutions et traditions démocratiques du pays, a affirmé ce porte-parole, Jay Carney. Les Etats-Unis sont solidaires des Maliens et du gouvernement légitimement élu du président Amadou Toumani Touré. Nous saluons les déclarations fermes de l'Union africaine et de la Cédéao ayant condamné cette prise de pouvoir inconstitutionnelle, a précisé M. Carney dans un communiqué. La Banque mondiale suspend son aide au développement La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont annoncé qu'elles suspendaient leur aide au Mali après le coup d'Etat qui a eu lieu dans ce pays contre le président Amadou Toumani Touré. Nos opérations de développement sont suspendues à l'exception de l'assistance d'urgence, écrivent les deux institutions multilatérales dans un communiqué. Ces organisations se joignent à l'Union africaine et à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour condamner le coup d'Etat militaire, exhorter à une résolution rapide de la crise et appeler au retour du gouvernement légitime afin de conserver les gains de développement du pays et de son peuple, ajoute le communiqué. Ces dernières années, le Mali avait réalisé des progrès économiques et sociaux réguliers et renforcé sa gouvernance démocratique, indique encore le texte.