Aussi spectaculaire dans son exécution, le coup d'Etat militaire ayant renversé, en fin d'après-midi mercredi dernier, le président malien Amadou Toumani Touré, était pour le moins une action imprévisible, aussi brusque qu'inattendue. Preuve en est, 24 heures avant cette «mutinerie militaire», la capitale malienne, Bamako, abritait une réunion importante du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) réunissant des responsables au niveau ministériel de l'Algérie, du Mali, du Niger et de la Mauritanie. Rien donc ne présageait ce putsch orchestré par des militaires maliens regroupés au sein du Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l'Etat (CNRDR). Ces officiers révoltés, et dont le plus haut grade ne dépasse pas celui de capitaine, ont pris d'assaut la palais présidentiel malien. Ils en voulaient au président malien qu'ils tenaient sans doute à garder en otage. Néanmoins, selon des sources concordantes, Amadou Toumani Touré, qui avait quitté auparavant le palais présidentiel, se trouvait au moment du putsch «en lieu sûr». Des diplomates cités par l'agence Reuters ont soutenu que le président malien ainsi que sa garde présidentielle auraient trouvé refuge dans un camp militaire tenu par des soldats qui lui sont restés fidèles. D'autres sources font état de l'arrestation de personnalité du régime malien, entre autres le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, ainsi que celui de l'administration du territoire, Kafougouna Koné. Les militaires insurgés ont justifié leur action en mettant à l'avant l'incompétence et l'incapacité du président malien de faire face à la rébellion touarègue menée par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Au moins, trois personnes ont été tuées lors de coup d'Etat, selon les agences de presse.
Les frontières fermées et les institutions dissoutes Quelques instants après l'assaut perpétré contre le palais présidentiel, toutes les institutions ont été dissoutes alors que la Constitution a été suspendue. Les frontières terrestres et aériennes du Mali ont été décrétées fermées à partir de jeudi et un couvre-feu a été imposé le même jour de 18h à 6h du matin. Le porte-parole des soldats mutinés du CNRDR, le lieutenant Amadou Konaré, a indiqué jeudi sur les ondes de la télévision malienne que le comité dont il est issu «a décidé de prendre ses responsabilité en mettant fin au régime incompétent et désavoué d'Amadou Toumani Touré dont le système, ajoute-t-il, est fragilisé et impuissant face à la rébellion touarègue. Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat que dirige le soldat insurgé, le capitaine Amado Sango, a promis en outre de «remettre le pouvoir à un nouveau gouvernement élu dès que le pays serait réunifié et son intégrité ne serait plus menacée». Ce coup d'Etat militaire est intervenu après deux mois de conflit armé entre les soldats maliens sous-équipés et les rebelles touareg réclamant la libération de la région de l'Azawad se trouvant dans le nord du Mali qui constitue un terrain de prédilection pour les groupes terroristes d'Aqmi dont la connexion à d'autres réseau de crimes organisés n'est plus à démontrer. Des informations rapportées par plusieurs sources font état d'un soutien en armement et en logistique dont auraient bénéficié les Touareg rebelles de la part des terroristes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le confit armé engagé entre les Touareg du nord du Mali et les militaires du désormais ex-régime d'Amadou Toumani Touré a fait fuir de chez eux des milliers de Maliens qui ont trouvé refuge dans les pays voisins, notamment l'Algérie où le nombre de ces réfugiées est estimé à plus de 30 000, selon le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia. Le coup d'Etat militaire intervenu mercredi dernier à Bamako a compromis sérieusement le processus électoral à l'occasion de la tenue d'un scrutin présidentiel en avril, d'un référendum sur la Constitution ainsi que des élections législatives. L'organisation d'une élection présidentielle au Mali devrait permettre l'émergence d'un nouveau président autre qu'Amadou Toumani Touré qui en est à son second mandat et n'ouvre pas le droit selon la Constitution malienne à un troisième.
La rébellion touarègue poursuivra son offensive Le coup d'Etat militaire auquel fait face le Mali depuis mercredi dernier ne change rien à la position des Touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Ces derniers ont annoncé hier sur leur site Internet qu'ils continueront «leur offensive armée pour déloger l'armée malienne et son administration de toutes les villes de l'Azawad, région naturelle du Mali et berceau des Touareg». «Le coup d'Etat militaire au Mali ne change en rien la dynamique du MNLA, qui défend l'Azawad pour son autodétermination sans aucune condition et son indépendance vis-à-vis du Mali», a souligné le chargé de communication du mouvement des rebelles Ag Hamed Ahamed dans un communiqué rendu public hier.