Cette année, c'est à la ville des fraises, Skikda qu'a échu l'honneur d'abriter le Festival international du malouf, habituellement organisé dans la ville des Ponts, Constantine. Quoique cette contrée cultive depuis peu cet art lyrique, héritage de la musique arabe, Skikda serait-elle aussi tombée sous les charmes de ces sons ancestraux. Ce rendez-vous lyrique, qui en est à sa première édition, s'est ouvert vendredi dernier au théâtre régional de Skikda qui, a pris pour la circonstance, un vrai bain de jouvence. Les Skikdis qui ne sont nullement habitués à aller à la rencontre de ce genre de rendez-vous, ont dû veiller toute la nuit au rythme de cette musique classique algérienne qui, depuis la fin du IXe siècle, s'est maintenue grâce à une tradition orale dans laquelle mélisme, et autres ornementations, restent difficiles à symboliser par le système de notation emprunté à l'Occident. Musique basée sur un système de 24 noubates, qui sont les règles théoriques et inchangées, elle est implantée dans la culture de plusieurs grandes villes du Maghreb : Fez, Tlemcen, Alger, Constantine, Tunis,Annaba… Institutionnalisé par le ministère de la Culture, et implanté dans une ville qui, contrairement à Constantine, qui n'est pas le lieu naturel de “ naissance ”, cet événement durera jusqu'au 27 du mois courant, à raison de deux concerts par soir. Mohamed Saïd Zeroula, commissaire du festival a indiqué dans son allocution d'ouverture que “ l'intérêt que revêt la décision de faire profiter les mélomanes des autres wilayas qui, elles aussi concernées par la sauvegarde de l'authenticité de ce patrimoine culturel hérité de nos ascendants fuyant la barbarie et la xénophobie andalouse, terre d'accueil et d'épanouissement de cet art que les Arabes ont créé et développé, il y a environ neuf siècles auparavant ”. L'orateur soulignera, par ailleurs, que Skikda la coquette “ fera de ce rendez-vous , un lieu de partage, d'échanges, une scène ouverte sur la création artistique, l'émergence de nouveaux talents et de souligner des itinéraires originaux tels ceux de nos “Chouyoukhs ” qui ont tout donné avec beaucoup de générosité et d'humilité. ” a-t-il ajouté. Pas moins de onze troupes nationales et cinq étrangères représentant la Tunisie, la Libye, la Syrie, la Turquie et l'Espagne participeront à cette manifestation devenue régulière et annuelle, que chaque wilaya a dorénavant, la possibilité d'accueillir et d'organiser si elle le souhaite. De son côté, le secrétaire de la wilaya de Skikda s'est, au cours de la cérémonie d'ouverture qui s'est effectuée en présence des autorités locales et d'un parterre d'artistes, d'hommes de culture et de journalistes, félicité du “ bon choix de Skikda qui fût, par le biais de la presqu'île de Collo, un des itinéraires de l'acheminement et de l'arrivée du malouf en terre algérienne.” Il faut savoir que parmi les 33 festivals qui ont été institutionnalisés, cinq sont consacrés à la musique andalouse. Ce n'est pas pour autant que cette musique qui s'est toujours transmise par les chouyoukh de façon orale soit conservée. Des 24 noubas qui la composent, une douzaine seulement est aujourd'hui conservée grâce à quelques défenseurs de cet art lyrique à l'image de l'artiste Bahdja Rahal. La chorale régionale de musique andalouse de Constantine et la troupe de l'Institut supérieur de la musique tunisienne ont suscité l'admiration de l'assistance par leur interprétation savante et distinguée lors de la cérémonie inaugurale de cette manifestation artistique. Dans un souci de promouvoir et de préserver cet héritage, les organisateurs ont prévu huit conférences suivies de débats animés par des musicologues de renom à l'image du Dr Saâdaoui Mohamed de Miliana (Algérie), de Abdallah Sebaâi, chercheur à l'Institut supérieur de musique de Tripoli (Libye), du Syrien Mohamed Kadri Dalal et du Turc Khalil Karadouman d'Istanbul. Cette initiative, axée sur le thème “ Entre mémoire et perspective d'avenir ou référence patrimoniale et tendance actuelle ”, est d'ailleurs renforcée par la programmation d'une série d'ateliers d'apprentissage et d'initiation à certains instruments de musique utilisés par les orchestres et chouyoukh du malouf à travers les siècles comme le violon, le luth “ Arbi ” le “ Kanoun ” et le “ Tar ”. En parallèle, des expositions d'échantillons d'instruments de musique, de spécimens de dinanderie, de tableaux et de toiles de peinture, de livres d'art meubleront le hall du théâtre municipal de la ville tout au long de cette manifestation culturelle et artistique qui a pour finalité de rafraîchir la mémoire collective et promouvoir notre héritage artistique.