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"L'action terroriste sur le champ gazier à In Amenas"
Publié dans Le Maghreb le 19 - 01 - 2013

Dr. Abderrahmane MEBTOUL à Radio France Internationale diffusion 18 janvier 2013 Réalisée par Jean Pierre BORIS journaliste RFI- Paris 1. Où sont les partenariats dans l'exploration des hydrocarbures au Sud algérien ? Réponse AM- Je signale d'abord que Hassi R'mel est le plus grand gisement algérien mais existent d'autres gisements à In Salah, Ohanet, Tin Fouyé Tabankort, Rhourde Nouss, Hamra et Alrar pour ne citer que les plus importants. Selon le rapport du Ministère de l'Energie, diffusé officiellement, pour 2011 nous avons principalement les champs exploités par SONATRACH qui est le champ de Hassi R'mel se trouvant à 550 Km au sud d'Alger, découvert en 1956, ceux de Rhourde Nouss, Alrar, Gassi Touil et Tin Fouyé Tabankort. Il y a effectivement dans ces champs des experts étrangers Pour les champs exploités en association participant à hauteur de 25% du volume de gaz produit en Algérie, nous avons In Salah qui est exploité en association avec BP et Statoil, Ohanet en association avec BHP Billiton; Tin Fouyé Tabankort en association avec Total et REPSOL; Hamra en association avec Total et In Amenas en association avec BP et Statoil. Ce dernier site est frontalier avec la Libye. In Amenas est situé à 240 km au nord-est d' Illizi à 730 au sud-est d'Hassi Messaoud et à 1 500 km au sud-est d'Alger. C'est cette base-vie du site d'exploitation située sur le site gazier de Tiguentourine (à 45 km à l'ouest d'In Amenas) qui a fait l'objet d'incursion par des terroristes le 16 janvier 2013 au matin. Mais fait important , les sites d'In Amenas sont connectés par un gazoduc de 973 km de long à Hassi R'Mel et par un pipeline de 800 km jusqu'au port de Skhira dans le Golfe de Gabès en Tunisie. La sécurité se pose à ce niveau notamment pour le plus grand gazoduc algérien Transmed à destination de Italie d'une capacité dépassant les 40 milliards de mètres cubes gazeux actuellement en sous-utilisation. 2. Quelle est la capacité de production de gaz d'In Amenas? AM- La moyenne annuelle des exportations algériennes est passée de 72 millions de tep durant la période 1971-1999 à plus de 130 millions de tep entre 2000 et 2010 soit près du double. Selon le rapport du Ministère de l'Energie, publié en 2011, la structure des exportations s'oriente de plus en plus vers les produits gazeux. La part des produits gazeux durant la période 1962-1999 ne représentait que 29% contre 43% durant la période 2000-2010. Quant aux produits liquides, ils représentaient 71% des volumes exportés durant la période 1962-1999, contre 57% fin 2010. Le pétrole brut exporté représentait 95% des hydrocarbures liquides en 1971 et s'est situé à 30% en 2010. Quant aux produits raffinés et GNL, leur part a augmenté substantiellement passant de 3% en 1971 à 28% en 2010. Mais Hassi messaoud et Hassi R'mel vont à l'épuisement malgré toutes les techniques de récupération, bien qu'à l'heure actuelle, .l'essentiel de la production gazière algérienne est tirée des gisements de Hassi R'mel qui est en déclin, suivis de ceux de In Salah et In Amenas. Pour 2011/2012, cette production se situe au même niveau que celle de 2010 à près de 63/66 milliards m3, selon les rapports de Sonatrach. L'objectif des 86 milliards m3 déjà annoncé par le groupe devant intervenir à l'horizon 2014, sera certainement non tenu à cette date qui avait été déjà donnée par Sonatrach du fait de l'actuelle déprime du prix du gaz sur le marché mondial due à la concurrence d'autres producteurs et de la révolution du gaz de schiste notamment aux USA. Pour en revenir directement à votre question, je vous précise que les contrats récents avec bon nombre de partenaires étrangers de "boosting de production qui est une technique servant à rehausser le niveau de pression dans les gisements en leur permettant de maintenir le même plateau de production devait aider à optimiser les gisements en production de In Amenas, dont la production est en déclin. Depuis 2006, l'exploitation autour d'In Amenas est menée conjointement par l'entreprise nationale algérienne Sonatrrach , Britisch et Statoil. En moyenne 2010/2011, le site d'In Amenas a produit 50 000 barils par jour de condensat de gaz naturel ainsi que 9 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Si l'on prend une moyenne de 55 à 60 milliards d'exportation ces trois dernières années, la part d'In Amenas représente entre 17 à 15% des exportations totales ce qui est important pour les recettes du pays. Avec les nouveaux champs limitrophes, ce taux devrait aller vers 25/30 %, cette zone devenant donc éminemment stratégique. L'Algérie étant un acteur stratégique pour l'Europe où sa part de marché varie entre 13 et 15% de l'approvisionnement derrière la Russie et la Norvège, cette situation interpelle l'Europe pour sa sécurité énergétique. 3.- Justement, les perspectives de cette zone de la wilaya d'Illizi ? AM- Il faut être très prudent car on peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement tout dépendant du couple coût/vecteur prix international lui-même a influencé l'évolution de la croissance mondiale et par l'actuelle transition énergétique mondiale. La région d'Illizi pourrait être l'eldorado gazier avec l'épuisement à terme du champ de Hassi R'mel. Le gisement gazier découvert à Isarene, située au sud du bassin d'Illizi est le plus important découvert au cours des deux dernières années. La société nationale des hydrocarbures Sonatrach détient 25% du permis d'exploitation, Petroceltic détient 56,625%, alors qu'Enel détient 18,375%, où les réserves estimées représentent environ 283 milliards de mètres cubes de gaz naturel pour une possibilité d'une récupération de 70 milliards de mètres cubes. S'ajouterait à cela plus de 200 millions de barils de liquide. Mais l'enjeu stratégique est le gisement d'ALRAR qui devrait recéler des quantités de gaz plus importantes que ceux d'Isarene , mitoyen avec la Libye dont les prospections ont commencé de l'autre côté par les Libyens avec de grandes compagnies internationales dont Total nous faisant penser au gisement mitoyen entre l'Iran et le Qatar le South Pars dont les réserves de gaz se trouvent dans un champ gazier que se partage le Qatar et l'Iran dans le Golfe. Pour la raffinage, le groupe Sonatrach dispose de plusieurs raffineries en service, alors que celle d'In Amenas, d'une capacité de raffinage de 300 mille tonnes par an, est à l'arrêt. La plus importante est celle de Skikda, avec une capacité de raffinage de 15 millions de tonnes par an. Celle d'Arzew, est d'une capacité de 2.5 millions ; 1.3 millions de tonnes sont raffinées par la raffinerie de Hassi Messaoud. 4. Cette situation n'aura-t- elle pas un impact sur la venue d'investisseurs étrangers ? Je me limiterai aux aspects socioéconomiques n'étant pas un expert militaire, tout en faisant remarquer qu'au plus fort du terrorisme les champs pétroliers et gaziers n'ont jamais été la cible des terroristes entre 1990/2000 et il faut se demander pourquoi maintenant? Je souligne que cela serait une erreur pour des gouvernants occidentaux et autres d'inciter à un boycott car cela reviendrait à encourager les terroristes qui peuvent s'en prendre à d'autres sites pétroliers dans différentes contrées du monde. Ce qui intéresse avant tout l'investisseur c'est le taux de profit directeur étant entendu que cette situation peut peser sur la prime assurance dont le surcoût sera supporté par l'Algérie comme il est supporté actuellement par le Nigeria à titre d'exemple. Il faut rappeler que pour tout investisseur existent plusieurs critères d'attrait dont certes l'aspect sécuritaire mais également la stabilité juridique, une politique cohérente et visible moins de bureaucratie, un système financier performant, le foncier et également l'adaptation du système socio-éducatif et la gestion de la main d 'œuvre aux besoins. 5.-Quelle est la place des hydrocarbures dans l'économie algérienne ? 98% des recettes en devises libellées en dollars proviennent de Sonatrach, 600 milliards de dollars entre 2000/2012, et l'Algérie importe 70/75% des besoins des ménages et des biens des entreprises tant publiques que privées, dont 60% en euros, le taux d'intégration ne dépassant pas 15%. Sonatrach génère selon les années, en fonction du prix international et du volume produit, entre 30 à 40% du produit intérieur brut mais en réalité avec les effets indirects (irrigant les autres secteurs via la dépense publique) plus de 80% du produit intérieur brut (PIB). Sonatrach ne contribue donc pas à la création tant de la valeur véritable que de l'emploi, n'étant pas sa vocation, mais peut être considérée comme un puits de ressources financières, la pétrochimie étant marginale, expliquant d'ailleurs la prospérité de la banque publique BEA banque de Sonatrach. La sécurité des installations est primordiale et je me demande comment des éléments étrangers ont pu pénétrer dans ce site stratégique. Il faut mettre en relief un point essentiel, l'action des services de sécurité est forcément limitée sans l'implication des populations du Sud qui se sentent marginalisées depuis l'indépendance politique. Il faut donc un plan Marshal pour le sud algérien. La vocation de Sonatrach comme rappelé précédemment dont l'effectif est déjà selon le bilan 2011 de 47.963 et avec les filiales dépassant les 120.000 n'est pas la création d'emplois, étant déjà en sureffectifs. Il faut imaginer d'autres filières restructurées afin de créer une zone de prospérité entrant dans le cadre d'un vaste plan d'aménagement du territoire pour un espace solidaire, pas uniquement au Sud algérien mais pour l'ensemble du Sahel, si l'on veut stabiliser cette région, éviter une probable internationalisation du conflit renvoyant à la nécessaire intégration économique dont l'Afrique du Nord, pont entre l'Europe et l'Afrique noire, le terrorisme se nourrissant de la misère avec différents trafics( drogue, armes , cigarettes etc..). En résumé , le pouvoir algérien réagira fortement à cette situation pour une double
raison : premièrement, l'Algérie a combattu seul et souffert pendant une décennie du terrorisme avec plusieurs centaines de milliers de morts avec des destructions massives , ce qui ne saurait signifier que le peuple algérien, notamment la jeunesse désemparée, ne veut pas d'un changement profond, supposant une autre gouvernance, sinon les mêmes causes provoqueront les mêmes effets à terme, la distribution passive de la rente pour une paix sociale éphémère n'étant pas la solution, et deuxièmement que les hydrocarbures sont le poumon de l'économie algérienne. A. M.

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