Le Français Dominique Strauss-Kahn fait figure de favori pour la direction générale du Fonds monétaire international (FMI), une institution au fonctionnement contesté notamment par les pays émergents, qui exigent un rôle à la hauteur de leur poids économique. Après l'expiration vendredi de la date limite de dépôt des candidatures, les postulants à la succession de l'Espagnol Rodrigo Rato vont être auditionnés dès le début du mois de septembre, mais le processus de sélection peut ensuite durer plusieurs semaines. Sur les rangs depuis début juillet, l'ex-ministre français des Finances, âgé de 58 ans, semble disposer d'une longueur d'avance sur son challenger de dernière minute, le Tchèque Josef Tosovsky, 56 ans. Présentée par l'Union européenne, sa candidature est aussi jugée "solide" par les Etats-Unis. "La probabilité que Dominique Strauss-Kahn soit choisi est très grande, d'abord par sa compétence et puis par le soutien qu'il a d'un certain nombre de pays importants", estime Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). S'il a engrangé de nombreux soutiens, en Afrique notamment, au fil d'une tournée mondiale, le responsable socialiste ne fait toutefois pas l'unanimité. La Chine et l'Inde, dont l'appui est revendiqué par l'entourage de M. Strauss-Kahn, ne lui ont pas apporté pour l'instant d'onction officielle. Quant à la Russie, elle a clairement signifié son opposition à la candidature du Français en suscitant fin août celle de son unique concurrent, un ancien banquier central qui dirige actuellement à Bâle l'Institut pour la stabilité financière. Selon M. Hugon, M. Strauss-Kahn se heurte aussi à l'hostilité voilée de la Grande-Bretagne, qui lui a valu un éditorial au vitriol du grand quotidien britannique des affaires le Financial Times. Après Pascal Lamy à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et Jean-Claude Trichet à la Banque centrale européenne (BCE), Londres ne souhaite pas voir un Français de plus à la tête d'une organisation internationale, estime cet expert. Quel que soit leur favori, les pays en développement ou émergents ont en tout cas fermement exprimé leur volonté de voir évoluer le FMI, à commencer par le processus de sélection de son directeur général. Ils ont ainsi unanimement condamné la règle non écrite selon laquelle l'Europe désigne le directeur général du Fonds monétaire tandis que les Etats-Unis choisissent le président de la Banque mondiale. "Il y a des réformes profondes à apporter au sein de ces institutions et, bien sûr, en finir définitivement avec cette règle qui décide que tel poste est conservé par tel pays ou telle région parce que cela ne reflète pas l'état des forces aujourd'hui dans le monde", a résumé Alpha Omar Konaré, le président de la Commission de l'Union africaine. Jean-Claude Juncker, actuel président du groupe des grands argentiers de la zone euro, a pris acte de ces revendications, en estimant récemment que Dominique Strauss-Kahn serait "certainement le dernier Européen à devenir directeur du FMI dans un futur prévisible". Le nouveau responsable de l'institution aura donc pour première mission de redonner toute leur place aux nouvelles puissances économiques. Les réformes entreprises par Rodrigo Rato tardent à se concrétiser et de plus en plus de pays décident de se passer de l'aide du Fonds, dont les prescriptions ont laissé un goût amer en Asie mais surtout en Amérique latine.