Les islamistes d'Ennahda, au pouvoir en Tunisie, ont annoncé accepter de négocier avec leurs détracteurs sur la base d'une initiative prévoyant la mise en place d'un gouvernement apolitique. Le parti islamiste Ennahda a néanmoins exclu une démission du gouvernement dans l'immédiat. Les islamistes réclament d'abord qu'un "dialogue national" réunissant partisans du cabinet et opposants ait lieu. "Ennahda annonce accepter l'initiative du syndicat UGTT (prévoyant une démission du gouvernement) comme point de départ pour un dialogue national pour sortir le pays de la crise", a indiqué le parti dans un communiqué. "Le gouvernement ne va pas démissionner et poursuivra sa mission jusqu'à ce que le dialogue national aboutisse à une solution de compromis qui garantisse l'aboutissement de la transition démocratique et l'organisation d'élections libres et justes", a-t-il ajouté. Le parti islamiste ne semble plus exclure une éventuelle démission du cabinet dirigé par Ali Larayedh, un point jugé non négociable jusqu'à présent. Cette annonce est intervenue après une rencontre entre le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi et le secrétaire général de la centrale syndicale UGTT, Houcine Abassi. M. Abassi avait annoncé que les islamistes acceptaient "l'initiative de l'UGTT comme base" de négociations pour sortir de la crise provoquée par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet.
Gouvernement apolitique Ce texte datant du 30 juillet prévoit la mise en place d'un gouvernement apolitique, le maintien de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et la mise en place d'un calendrier strict d'adoption de la constitution ainsi que des dates pour de prochaines élections. "Ennahda a fait une série de propositions et nous allons les transmettre à l'opposition. Si elles sont acceptées, nous commencerons le dialogue national", a indiqué par ailleurs M. Abassi qui doit rencontrer les opposants jeudi. Cependant l'hétéroclite coalition d'opposition allant de l'extrême-gauche au centre-droit a exclu à maintes reprises de négocier tant qu'Ennahda n'annonçait pas la démission du cabinet actuel et un "gouvernement de salut national" constitué exclusivement d'indépendants. Les islamistes ont de leur côté proposé un gouvernement d'union national élargi à tous les partis politiques le souhaitant et des élections en décembre. L'UGTT, forte de ses 500 000 membres et capable de paralyser le pays par des grèves, conduit une médiation entre opposants et islamistes.
Concessions sur la Constitution Les islamistes au pouvoir en Tunisie ont annoncé jeudi avoir revu plusieurs points litigieux du projet de Constitution, notamment sur la place de l'islam, au moment où le pays est plongé dans une profonde crise politique. Le groupe islamiste Ennahda à la Constituante (89 députés sur 217) a indiqué avoir trouvé un accord avec cinq petits partis pour supprimer du projet l'article 141 dont la disposition la plus critiquée par l'opposition prévoyait qu'aucune révision constitutionnelle ne pouvait porter atteinte à "l'islam en tant que religion de l'Etat". Pour l'opposition, cette formulation laissait la porte ouverte à l'introduction de la charia en Tunisie, même si le parti Ennahda a assuré avoir renoncé à instaurer la loi islamique comme source de droit dans le pays. Par ailleurs, les islamistes ont indiqué que les articles 1 et 2 du projet qui font consensus ne pourront faire l'objet d'aucun amendement. Le premier stipule que "La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe et son régime la république". Le second dit: "La Tunisie est un Etat à caractère civil basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit". Enfin dans le préambule, la formule "sur la base des enseignements de l'islam" est remplacée par "sur la base de l'attachement de notre peuple aux enseignements de l'islam". Ces changements répondent des revendications de l'opposition laïque dont une grande partie des élus boycottent les travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC) en raison de la crise politique déclenchée par l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi fin juillet. Cette coalition réclame la démission du gouvernement et son remplacement par un cabinet d'indépendants avant tous pourparlers, notamment sur le contenu de la future Constitution dont la rédaction a pris près d'un an de retard. "Ces changements (au projet de Constitution) répondent en effet à des points litigieux. Mais ce n'est pas le sujet du moment", a jugé Karima Souid, député de parti Al-Massar boycottant la Constituante.