La croissance a nettement ralenti au Japon entre juillet et septembre, à 0,3% d'un trimestre sur l'autre, comme pour rappeler l'ampleur du défi auquel fait face la politique de relance du Premier ministre Shinzo Abe. Une estimation préliminaire à la mi-novembre avait établi la croissance à +0,5% au troisième trimestre, mais de nouveaux calculs publiés lundi par le gouvernement ont fait état d'une activité un peu plus amorphe à cause d'investissements (hors immobilier) et d'ajustements des stocks des entreprises moins profitables à l'économie qu'escomptés. Le coup de frein est net par rapport aux premier et deuxième trimestres: dopé par un rebond de la consommation des ménages, le produit intérieur brut (PIB) de la troisième puissance économique mondiale avait augmenté de 1,1% puis 0,9%. Les ménages, dont les revenus stagnent, ont à peine augmenté leurs dépenses au troisième trimestre, bien que de nombreux économistes prévoient un rebond avant la hausse en avril de la taxe sur la consommation. La croissance a en outre fortement pâti d'un lourd déficit commercial au troisième trimestre, alors que jadis le pays était abonné aux excédents grâce à la puissance de ses industries exportatrices dans l'automobile et l'électronique. De plus la dépréciation du yen d'un quart de sa valeur face au dollar et à l'euro en un an a rendu plus coûteuses ses importations à un moment où, privé de réacteurs nucléaires deux ans et demi après la catastrophe de Fukushima, l'archipel doit acheter toujours plus d'hydrocarbures pour produire son électricité. L'économie japonaise a en revanche pu s'appuyer sur une progression robuste des investissements publics, favorisés par des dépenses gouvernementales supplémentaires d'environ 70 milliards d'euros débloqués en début d'année par le nouveau pouvoir conservateur. Ces fonds destinés entre autres à accélérer la reconstruction des zones du nord-est ravagées par le tsunami du 11 mars 2011 ont dopé particulièrement l'activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Le gouvernement a approuvé jeudi dernier une nouveau plan de dépenses, équivalent à 40 milliards d'euros supplémentaires, toujours pour soutenir la région dévastée du Tohoku mais aussi préparer les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Cette prodigalité constitue le premier pan (ou "flèche") de la politique du Premier ministre de droite Shinzo Abe, revenu au pouvoir en décembre 2012, pour relancer l'économie et la sortir d'une déflation d'une quinzaine d'années, une tâche dont il a fait la priorité de son début de mandat. Deuxième vecteur, M. Abe a poussé la Banque du Japon à assouplir considérablement sa politique monétaire en avril, sous l'égide du nouveau gouverneur, Haruhiko Kuroda, qu'il a lui-même choisi. Ce changement de cap a favorisé la chute du yen sur le marché des changes, ce qui augmente les revenus des entreprises japonaises exportatrices, une fois leurs profits convertis en yens, et dope par conséquent la Bourse de Tokyo, au plus haut ces dernières semaines en près de six ans. Les "Abenomics" comportent une troisième "flèche", décrite à grand trait par son inspirateur mais pas encore tirée, qui est censée augmenter le potentiel de croissance du pays. Pour ce faire, le gouvernement veut restructurer un secteur agricole jugé peu productif, conclure des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et l'Union européenne, réduire les impôts pesant sur les entreprises et faire adopter un certain nombre de "dérégulation" du marché du travail. De nombreux économistes préviennent toutefois que le gouvernement devra franchir une haie importante l'année prochaine, avec la hausse de la taxe sur la consommation (équivalente de la TVA française) qui risque de peser sur les dépenses des ménages au printemps après un rush dans les magasins avant son augmentation. Au-delà, ils soulignent que le gouvernement doit rapidement mettre en oeuvre les "réformes structurelles" promises. Le FMI lui-même a prévenu que les autorités devaient ne pas tarder, d'autant que le pays est lesté par une dette publique abyssale de quelque 250% de son PIB, un record dans les pays développés.
Production industrielle en hausse La production industrielle au Japon a progressé de 1,0% en octobre sur un mois, davantage qu'estimé au départ, a annoncé le ministère de l'Industrie. Dans une estimation préliminaire publiée fin novembre, le ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) avait évalué la hausse à 0,5% seulement. En octobre, les industries nippones ont produit davantage de machines destinées à l'industrie des semi-conducteurs. Elles ont aussi assemblé davantage de téléphones portables, de systèmes d'air conditionné et d'humidificateurs d'air. Sur un an, l'ampleur de l'augmentation de la production industrielle atteint 5,4%, a précisé le Meti. Elle s'affiche en hausse quasiment tous les mois depuis le début de l'année, sur fond d'amélioration du moral des entrepreneurs et de dépréciation bienvenue du yen. D'après une enquête réalisée par le Meti auprès des professionnels le mois dernier, elle pourrait encore augmenter de 0,9% en novembre sur un mois, et encore de 2,1% en décembre, bien que ces prévisions soient à prendre avec prudence. En octobre, les livraisons ont par ailleurs augmenté de 2,3% (et non de 1,8% comme indiqué il y a deux semaines) et les stocks se sont effrités de 0,3% (et non de 0,5%). L'atmosphère est meilleure dans le monde industriel depuis le retour au pouvoir du conservateur Shinzo Abe, qui a fait de la relance de la troisième puissance économique mondiale la priorité de son mandat. Le Premier ministre a lancé des dépenses de relance budgétaire équivalentes à 70 milliards d'euros et prévu de débloquer 40 milliards supplémentaires l'année prochaine. Il a poussé en outre la Banque centrale du Japon (BoJ) à assouplir sa politique monétaire et s'est engagé à soutenir l'activité des entreprises par des réformes réglementaires. L'ensemble vise à sortir le pays d'une déflation d'une quinzaine d'années qui a pour conséquence de notamment décourager l'investissement des entreprises. En partie du fait de ces coups de pouce, l'activité a rebondi depuis le début de l'année et le yen s'est fortement déprécié sous l'effet de la nouvelle politique monétaire, ce qui favorise en principe les industries tournées vers l'exportation.
Le déficit courant replonge avec la dépréciation du yen Le Japon a déploré un déficit courant de quelque 900 millions d'euros en octobre, à cause du lourd déficit de sa balance commerciale plombée par la dépréciation du yen et l'arrêt des réacteurs nucléaires, a annoncé le ministère des Finances. En octobre, la troisième puissance économique mondiale a subi un déficit de sa balance des transactions courantes de presque 128 milliards de yens (un peu plus de 900 millions d'euros au taux de change actuel). L'an passé à la même époque, elle avait engrangé un excédent courant de 421 milliards de yens. Entre-temps, le déficit commercial a plus que doublé, s'établissant à 1 092 milliards de yens (7,8 milliards d'euros), son niveau le plus important jamais enregistré pour un mois d'octobre. Depuis l'an passé, le yen s'est déprécié d'un quart face au dollar et à l'euro, ce qui renchérit mécaniquement les importations du Japon. La facture énergétique (pétrole et gaz) a explosé en conséquence, d'autant que les compagnies d'électricité nipponnes ont besoin de davantage d'hydrocarbures pour faire tourner leurs centrales thermiques, étant privées d'électricité nucléaire deux ans et demi après l'accident de Fukushima. Au final, la facture des importations a bondi de 28%. La valeur des exportations a certes grimpé de presque 18%, dopée entre autre par l'augmentation des recettes tirées des ventes de voitures Made in Japan à l'étranger. Mais cela n'a pas suffi pour compenser l'envolée des importations. La balance des services est restée pour sa part nettement dans le rouge mais le Japon a heureusement pu compter, une fois encore, sur le rendement des investissements nippons à l'étranger (le compte des revenus), qui s'est élevé de 9% pour atteindre 1 361 milliards de yens (presque 10 milliards d'euros). Cela a fortement réduit l'ampleur du déficit final mais n'a pas permis aux comptes courants de terminer dans le vert. La balance des transactions courantes est le meilleur indicateur de la situation d'une économie par rapport au reste du monde, car elle prend en compte non seulement les échanges des biens, mais aussi ceux de services, ainsi que les revenus des investissements directs ou de portefeuille et les transferts courants.
La confiance des consommateurs rebondit L'indice de confiance des consommateurs japonais a rebondi de 1,3 point en novembre, après une forte baisse un mois auparavant à la suite de la décision du Premier ministre d'élever prochainement la taxe sur la consommation. Selon une étude mensuelle effectuée par le gouvernement mi-novembre auprès de quelque 5 700 foyers de deux personnes et plus, l'indice général de confiance (corrigé des variations saisonnières) s'est établi à 42,5 points en novembre, contre 41,2 en octobre et 45,4 points en septembre. Un résultat inférieur à 50 indique que les particuliers qui redoutent une dégradation de l'environnement économique sont plus nombreux que ceux qui entrevoient une amélioration. Les consommateurs semblent avoir en partie digéré la décision du Premier ministre de droite, Shinzo Abe, d'élever en avril prochain à 8% (contre 5% actuellement) la taxe appliquée sur la consommation, équivalent de la TVA française. Ce changement, qui aura un impact sur tous les achats des consommateurs, les a vraisemblablement refroidis en octobre, mais leur moral s'est un peu redressé depuis notamment concernant les perspectives de revenus et l'environnement de l'emploi. Dans le détail en novembre, le sous-indice de la perception du bien-être économique en général a repris 1,6 point pour s'établir à 39,3 points. Celui des perspectives de croissance de revenus s'est relevé de 1,9 point à 39,6 points. Les salaires ne progressent certes pas vraiment malgré le rebond de la croissance observé depuis un an, mais les primes de fin d'année devraient être un peu plus élevées, selon les études publiées par la presse. Le sous-indicateur du climat de l'emploi a quant à lui regagné 1,8 point à 48,1 points, alors que le chômage évolue ces derniers mois à proximité de son plus bas niveau depuis cinq ans. En octobre, il stagnait à 4,0% de la population active. Le sous-indice des intentions d'achat de biens durables a quant à lui encore perdu 0,1 point à 43,1 points. Si l'on compare aux données de l'an passé, on constate que les consommateurs ont globalement bien meilleur moral depuis le retour au pouvoir en décembre 2012 de M. Abe, dont la politique économique de relance surnommée "Abenomics" a soutenu l'activité, dopé les indices boursiers et suscité des espoirs d'amélioration générale de la situation du pays.