L'avionneur européen Airbus a notifié à la petite compagnie japonaise Skymark Airlines l'annulation de la commande de six A380, renonçant ainsi à son seul client nippon pour son super-jumbo en raison d'incertitudes financières. Airbus a indiqué mardi se réserver le droit d'exercer des recours juridiques en vue de dédommagements, alors que des appareils étaient sur le point d'être prêts. Ce contrat était évalué à 2,25 milliards de dollars. "Suite aux discussions avec Skymark Airlines et compte tenu des intentions exprimées par la compagnie sur les A380, Airbus a, selon ses droits contractuels, notifié à Skymark Airlines que la vente des six A380, signée en 2011, prenait fin. Airbus se réserve tous les droits et recours", indique Airbus dans une déclaration écrite. Skymark avait reconnu mardi être en conflit ouvert avec Airbus au sujet de ce contrat qui constituait pourtant une grande victoire pour le groupe européen au pays du Soleil-Levant dont le marché était monopolisé par l'américain Boeing pendant près d'un demi-siècle. "Nous sommes toujours en discussions avec Airbus", a pourtant assuré une porte-parole de Skymark juste avant la publication d'un communiqué du patron de la compagnie, Shinichi Nishikubo, indiquant que "les négociations sont difficiles", mais que "l'acquisition d'A380 est une question importante pour la compagnie". "Nous préparons depuis quatre ans l'entrée dans notre flotte d'A380. Hélas, l'environnement des affaires est devenu extrêmement difficile à cause de la férocité de la concurrence et de la baisse récente du yen (qui renchérit fortement le prix du kérosène)", a expliqué le dirigeant. "Nous n'avons dès lors d'autre choix que de revoir nos plans initiaux", a-t-il ajouté, tout en affirmant vouloir "trouver une solution en concertation avec Airbus en prenant le temps nécessaire". "En cas d'annulation, Airbus revendique des dédommagements exorbitants qui dépassent l'entendement", écrit M. Nishikubo. Selon le responsable de Skymark, les conditions posées par le constructeur européen pour revoir le contrat sont inacceptables: "Airbus demande que Skymark passe sous la coupe d'une grande compagnie", ce qui est "impensable", a-t-il insisté, sans préciser de quelle façon il propose, lui, de modifier la commande initiale. "Je peux comprendre qu'Airbus ait pour premier objectif de recevoir le paiement fixé pour le nombre d'appareils prévu dans le contrat, mais nous ne pouvons pas accepter que cela se fasse sous des conditions qui touchent à l'indépendance de gestion de l'entreprise", a-t-il souligné.
Des aveux sanctionnés en Bourse La confusion autour de cette commande et l'aveu par le patron des difficultés de la compagnie ont soudainement fait plonger le titre Skymark de 13,2% à la Bourse de Tokyo. "Nous sommes certes dans une situation de gestion difficile, mais nous ne négligeons pas pour autant la sécurité", a assuré le P-DG qui pense néanmoins que "les négociations vont encore durer". Skymark avait déploré une perte nette de 1,85 milliard de yens (13,5 millions d'euros) l'année budgétaire passée, après avoir déjà enregistré un bénéfice en chute de plus de 50% un an auparavant. Qui plus est, le groupe a subi une perte d'exploitation, pour un chiffre d'affaires qui a arrêté de croître. Les résultats du premier trimestre de l'exercice débuté le 1er avril seront publiés jeudi, et les questions sur les A380 risquent de pleuvoir. Comparée à ses aînées Japan Airlines (JAL) et ANA, Skymark est une toute petite compagnie, ce qui ne l'empêche pas d'avoir de très grosses ambitions, au point d'avoir osé commander des A380, un appareil de grande envergure que ni JAL ni ANA n'ont pour le moment sélectionné, préférant des tailles inférieures. Skymark Airlines, opérationnelle depuis 1998, propose actuellement plusieurs dizaines de liaisons intérieures avec une flotte d'une trentaine d'avions. Le groupe affronte toutefois désormais la concurrence de filiales à bas coût de ces deux gros transporteurs. L'acquisition d'A380 est censée permettre une ouverture internationale sur des lignes à forte demande à des tarifs ultra-compétitifs. Cette commande représentait pour Airbus une immense victoire sur le marché japonais monopolisé pendant un demi-siècle par l'américain Boeing. Sur son site internet, Skymark continue d'afficher fièrement des images d'un A380 à moitié peint à ses couleurs en cours d'assemblage et durant un premier vol de test.