L'Europe va mettre plus de temps que prévu à sortir du marasme économique, selon les dernières prévisions de la Commission européenne (CE), qui mise sur un plan d'investissement massif pour faire repartir croissance et emploi. La croissance de la zone euro ne devrait pas dépasser 0,8% cette année et 1,1% en 2015, selon les prévisions économiques d'automne rendues publiques mardi par la Commission, qui se montre nettement plus pessimiste qu'au printemps dernier. En mai, elle anticipait encore une croissance de 1,2% cette année et 1,7% l'an prochain pour les 18 pays de l'union monétaire. La zone euro ne devrait atteindre finalement 1,7% de croissance qu'en 2016, soit un an plus tard que prévu. "La croissance s'est avérée considérablement plus faible que nous ne nous y attendions au premier semestre", a reconnu au cours d'une conférence de presse Jyrki Katainen, vice-président de la Commission chargé de la Croissance et de l'emploi. Parmi les éléments négatifs, il a cité des facteurs géopolitiques, notamment les crises en Ukraine et au Proche-Orient, mais aussi des problèmes plus spécifiques à l'UE, comme le niveau élevé de la dette publique et privée ou la fragmentation des marchés financiers. Les chiffres de Bruxelles sont en tout cas plus pessimistes que ceux du Fonds monétaire international, qui prévoyait début octobre 1,3% de croissance pour 2015. M. Katainen a insisté sur l'importance du plan d'investissement de 300 milliards d'euros sur trois ans promis par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Ce plan est "d'une importance cruciale", a souligné le nouveau commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. Mais pour faire repartir la croissance et l'emploi, "il n'y a pas de solution miracle, ni de réponse simple", a ajouté l'ancien ministre socialiste français des Finances, qui a défendu les politiques de rigueur budgétaire mises en oeuvre par plusieurs pays. Ces efforts "étaient justifiés par des niveaux de dette élevés", a-t-il dit.
Allemagne grippée, France en panne La situation est contrastée selon les pays, mais celle des trois principales économies de la zone euro n'incite pas à l'optimisme. Le moteur allemand semble grippé, selon la Commission, qui a nettement revu à la baisse ses prévisions de croissance pour ce pays, à 1,3% cette année (contre 1,8% au printemps) et surtout 1,1% en 2015 (contre 2%). La France patine, avec une croissance de seulement 0,3% cette année (1% prévu au printemps), 0,7% en 2015 (1,5% précédemment), puis 1,5% en 2016. Le déficit devrait s'aggraver, à 4,4% du PIB cette année, 4,5% l'an prochain et 4,7% en 2016, de plus en plus loin du maximum de 3% inscrit dans les règles budgétaires européennes, ce qui ferait de Paris le plus mauvais élève de la zone euro. Quant à l'Italie, elle devrait rester en récession cette année pour la troisième année consécutive (-0,4%), alors que la Commission prévoyait encore une croissance de 0,6% au printemps, un niveau qui ne devrait être atteint qu'en 2015. Rome devrait aussi continuer à se débattre avec une dette publique énorme, au-dessus des 130% du PIB. Autre signe préoccupant, l'inflation dans la zone euro ne devrait pas dépasser 0,5% cette année et 0,8% en 2015, un niveau très bas lié à la lenteur de la reprise économique. L'union monétaire devrait échapper à la déflation, caractérisée par une spirale négative des prix et des salaires néfaste à la croissance. Mais l'inflation ne devrait pas dépasser 1,5% en 2016, alors que l'objectif de la Banque centrale européenne est qu'elle reste inférieure mais proche de 2%. Quant au chômage, il ne devrait baisser que lentement, avec un taux à 11,6% cette année, 11,3% l'an prochain et 10,8% en 2016. Il devrait stagner en France, à 10,2% en 2016 après 10,4% cette année et l'an prochain, ainsi qu'en Italie, où il ne passerait que de 12,6% cette année à 12,4% dans deux ans.
Reprise en vue pour la Grèce, l'Espagne et l'Irlande Au rang des bonnes nouvelles, les pays qui ont bénéficié d'un programme d'aide semblent mieux tirer leur épingle du jeu. La Grèce devrait sortir de plusieurs années de récession cette année et sa croissance devrait atteindre 3,7% en 2016, tout comme l'Irlande. L'Espagne, qui a bénéficié d'un plan pour ses banques, devrait aussi faire globalement mieux que ses grands voisins, avec une croissance passant de 1,2% cette année à 1,7% l'an prochain et 2,2% en 2016, mais avec un chômage à 22,2%. En effet, la Grèce va tourner le dos à six années de récession en 2014, et sa croissance devrait ensuite accélérer pour atteindre 3,7% en 2016, avec un chômage en baisse et une amélioration de ses finances publiques, selon les prévisions mardi de la Commission européenne. Athènes devrait afficher une croissance encore modeste de 0,6% cette année, puis de 2,9% en 2015 et de 3,7% l'année suivante, soit le même niveau que l'Irlande. Les deux pays, particulièrement affectés par la crise, devraient afficher les plus forts taux de croissance en zone euro en 2016. "La reprise tant attendue de la Grèce est soutenue par la consommation et les exportations", grâce au tourisme et au secteur naval, et à l'affaiblissement de l'euro, indique l'exécutif européen dans son rapport. En 2016, les réformes structurelles devraient également porter leurs fruits. Dans le même temps, le taux de chômage devrait se replier, passant de 26,8% cette année à 22% en 2016. La Grèce enregistrera même un excédent de ses comptes publics en 2016 (+1,3%), après un déficit de 1,6% en 2014 et de 0,1% en 2015, selon la Commission européenne. Enfin, la dette devrait refluer à 168,8% du PIB l'an prochain et 157,8% en 2016. Mais les incertitudes sont nombreuses concernant l'avenir à court terme du pays. Le Premier ministre Antonis Samaras veut libérer au plus tôt la Grèce de la tutelle de l'UE et du FMI, mais beaucoup doutent de la capacité de la Grèce à se financer seule sur les marchés. En Europe, de nombreux responsables poussent pour qu'Athènes bénéficie d'une ligne de crédit de précaution après la sortie du plan d'aide côté européen, prévue à la fin de l'année. La possibilité et les modalités d'un nouveau programme pour la Grèce devraient être à l'ordre du jour de la réunion des ministres des Finances de la zone euro le 8 décembre. Mardi, les commissaires européens Jyrki Katainen (Emploi, Croissance et Investissements) et Pierre Moscovici (Affaires économiques) ont promis de se rendre dans le pays avant cette date. "Nous devons étudier la mise en place d'une aide qui permette de sauvegarder l'intégrité de la zone euro et soutienne la Grèce", a affirmé M. Moscovici lors d'une conférence de presse. "La situation est encore très difficile pour les citoyens, mais il y a de l'espoir", a dit M. Katainen. La situation d'autres pays qui ont souffert de plein fouet de la crise de la dette est également encourageante: l'Irlande retrouve sa réputation de tigre celtique avec une croissance attendue à 4,6% cette année, puis 3,6% l'an prochain. L'Espagne --qui a bénéficié d'un plan pour ses banques-- devrait afficher une croissance de 1,7% en 2015 puis 2,2% l'année suivante. La quatrième économie de la zone euro devrait en outre voir son chômage, pléthorique, refluer avec un taux de 22% en 2016, contre près de 27% actuellement. Au même moment, les plus grandes économies de la zone euro voient leur croissance ralentir. Le moteur allemand semble même grippé, selon la Commission, qui a nettement revu à la baisse ses prévisions de croissance à 1,3% cette année et surtout 1,1% en 2015. "Soyons clairs, la zone euro ne survivra pas si elle n'a qu'un seul moteur", a lancé mardi M. Katainen.