Les cours du pétrole ont bondi jeudi à New York, les inquiétudes géopolitiques sur le Moyen-Orient faisant passer au second plan toutes les considérations sur la surabondance de l'offre. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a pris 2,22 dollars, soit une progression de 4,5%, pour s'établir à 51,43 dollars à la clôture sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), au plus haut depuis plus de trois semaines. L'intervention de l'Arabie Saoudite au Yémen, à la tête d'une coalition militaire destinée à contrer l'avancée de rebelles chiites qui pourraient menacer une des grandes routes maritimes du commerce mondial, a déclenché un mouvement d'achat à New York comme à Londres. A Londres, le cours du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a également bondi, de 2,71 dollars à 59,19 dollars, sur l'Intercontinental Exchange (ICE). "C'est vraiment une réaction à ce qui se passe au Proche-Orient", a déclaré Bart Melek, chez TD Securities. "On s'inquiète que cela puisse empirer". "C'est un peu une réaction réflexe", a-t-il ajouté, en mettant en garde contre un retournement du marché. "Ça va finir pour se retourner, dans les grandes largeurs", a-t-il dit, "il faut juste attendre que ça se calme un peu au Moyen-Orient". Car sur le fond, rien n'a changé pour ce qui est de la surabondance de l'offre par rapport à la demande, comme l'a montré mercredi le rapport sur l'état des stocks aux Etats-Unis, avec une progression bien supérieure aux attentes. Cependant, le conflit au Yémen dépasse largement le contexte de ce seul pays, dont les ressources pétrolières sont modestes. "Il y a une inquiétude que le conflit puisse provoquer une escalade dans la rivalité entre chiites et sunnites, et entre l'Iran et l'Arabie Saoudite", a expliqué Tim Evans, chez Citi. "Toutefois, le marché ne se rend pas complètement compte que la probabilité de ce scénario, qui pousserait fortement à la hausse des cours, est très réduite", a-t-il tempéré. Selon lui, "le scénario le plus probable c'est une poursuite de la production, avec un retour au calme des marchés quand il deviendra clair que le conflit restera contenu dans les frontières du Yémen".
Incertitudes sur l'Iran En tout état de cause, a-t-il ajouté, même la prise de contrôle du détroit stratégique de Bab al-Mandeb par les miliciens chiites houthis ne ferait que "rallonger les temps de transit plutôt que d'interrompre les approvisionnements, car les pétroliers feraient le tour de l'Afrique". Reste que la difficulté des pourparlers sur le nucléaire iranien, pour lesquels le secrétaire d'Etat américain John Kerry est arrivé à Lausanne jeudi, pourrait éloigner la perspective d'un afflux de pétrole iranien. Le président iranien Hassan Rohani a répété jeudi, dans des appels à ses homologues français François Hollande et russe Vladimir Poutine, ainsi qu'au Premier ministre britannique David Cameron, l'une des exigences invariables de Téhéran, "l'annulation totale des sanctions" internationales. Sans accord de principe obtenu mardi, une telle levée des sanctions est improbable à court terme. Enfin, Phil Flynn, chez Price Futures Group, a souligné que le rapport sur les stocks américains recelait quelques informations encourageantes pour la remontée des prix, à commencer par la progression de 2,9% de la demande durant les quatre semaines écoulées. Pour M. Flynn, "les inquiétudes sur la surabondance de l'offre pourraient changer sur fond d'un plongeon des investissements, de la réduction du nombre de puits aux Etats-Unis, et d'assouplissements monétaires qui devraient pousser la consommation dans les mois à venir". En Asie, les cours du pétrole étaient en forte hausse dans les échanges matinaux, choisissant d'ignorer l'abondance de l'offre d'or noir pour privilégier les crises du Moyen-Orient. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai prenait 2,28 dollars, à 51,49 dollars, et le baril de Brent de la mer du Nord à même échéance gagnait 2,46 dollars, à 58,94 dollars. L'Arabie saoudite, gros producteur d'or noir, a lancé une opération militaire au Yémen impliquant "plus de 10 pays" pour défendre le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, confronté à une rébellion de la milice chiite des Houthis et réfugié à Aden, dont les insurgés se rapprochent. "Les tensions géopolitiques au Yémen poussent les prix à la hausse", a commenté Daniel Ang, analyste chez Phillip Futures à Singapour. "Le Yémen n'est pas un gros producteur mais est un pôle pour les échanges commerciaux dans la région. Les tensions dans ce pays pourraient perturber les échanges commerciaux de produits énergétiques dans la région", a-t-il ajouté. La United Overseas Bank de Singapour ajoute que "l'instabilité politique au Yémen pourrait menacer d'importants producteurs de produits pétroliers au Moyen-Orient".