La police turque est intervenue hier à Istanbul pour disperser plus d'un millier de personnes qui souhaitaient célébrer le 1er mai sur l'emblématique place Taksim, décrétée zone interdite par le gouvernement islamo-conservateur. En début d'après-midi, les forces de l'ordre ont utilisé des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour repousser les manifestants, qui étaient réunis depuis le début de la matinée dans le district de Besiktas pour dénoncer l'interdiction des autorités, à l'appel de plusieurs syndicats et partis politiques d'opposition. Quelques petits groupes de militants de groupes et partis d'extrême gauche ont riposté par des jets de bouteilles, de pierres et de feux d'artifice, pendant que la plupart des manifestants s'éparpillaient dans les ruelles du quartier. Avant cette intervention massive, quelques incidents isolés entre protestataires et forces de l'ordre ont été rapportés par les médias turcs autour de la place Taksim, dont tous les accès ont été méthodiquement fermés par des milliers de policiers. Selon un bilan provisoire communiqué par la direction de la police stambouliote, 134 personnes ont été arrêtées depuis le début de la journée dans la plus grande ville de Turquie. Comme lors des deux dernières années, le gouverneur d'Istanbul a interdit toute manifestation syndicale sur la place Taksim, la jugeant pas adaptée aux célébrations du 1er mai. Depuis deux ans, le régime du président Recep Tayyip Erdogan a systématiquement interdit les rassemblements de masse sur Taksim, qui fut le coeur en juin 2013 d'une vague de manifestations sans précédent dénonçant sa dérive islamiste et autoritaire. Mais les syndicats réclament chaque année de pouvoir y accéder en mémoire des victimes du 1er mai 1977. Ce jour-là, des inconnus avaient ouvert le feu sur la place, provoquant la panique dans la foule et la mort de 34 personnes. Le 1er mai 2014 déjà, de violents incidents avaient opposé manifestants et forces de l'ordre autour de Taksim. Les autorités turques ont une nouvelle fois interdit l'accès de l'emblématique place Taksim d'Istanbul aux défilés syndicaux du 1er mai vendredi, laissant présager, comme les années précédentes, des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Dans une déclaration, le bureau du gouverneur de la plus grande ville de Turquie, Vasip Sahin, a expliqué que la place n'était pas adaptée aux célébrations du 1er mai et qu'il avait donc rejeté la demande des organisations syndicales de s'y réunir, évoquant des risques à la sécurité des personnes et des biens. Selon les médias turcs, au moins 10 000 policiers seront mobilisés pour interdire Taksim aux piétons et les stations de métro ou de bus qui la desservent seront fermées. L'accès à cette place fait l'objet depuis deux ans d'un bras de fer entre le gouvernement islamo-conservateur turc et les syndicats. En mai 2013, les autorités y avait interdit le traditionnel défilé pour des raisons de sécurité, arguant des travaux d'aménagement alors en cours. Des échauffourées avaient déjà opposé militants syndicaux et forces de l'ordre. Un mois plus tard, la place, et le parc Gezi qui la borde, étaient devenus le cœur de la fronde contre le Premier ministre de l'époque, Recep Tayyip Erdogan. Pendant plus de deux semaines, des dizaines de milliers de Turcs y ont conspué son nom et réclamé sa démission, l'accusant de dérive autoritaire et islamiste. Depuis, l'homme fort du pays, aujourd'hui président, a systématiquement interdit Taksim à toutes les manifestations, à grand renfort de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Mais les syndicats ont fait du libre accès à cette place une question de principe, en mémoire des victimes du 1er mai 1977. Ce jour-là, des inconnus avaient ouvert le feu sur la place, provoquant la panique dans la foule et la mort de 34 personnes. L'an dernier, les affrontements entre policiers et manifestants s'étaient soldés à Istanbul par 90 blessés et 142 interpellations, selon le bilan officiel. Jeudi, le Premier ministre Ahmet Davutoglu a invité les syndicats à respecter les mesures de sécurité prises autour de Taksim. Il ne faut pas donner l'occasion à ceux, aux groupes marginaux, qui veulent plonger ce pays dans le chaos de le faire. Le Parlement turc a voté le mois dernier une loi de sécurité intérieure qui a renforcé les pouvoirs de la police contre les manifestants. L'opposition et de nombreuses ONG de défense des droits de l'Homme l'ont qualifiée de liberticide. Amnesty International a appelé jeudi le gouvernement turc à respecter le droit de manifester à Taksim et partout ailleurs. En plus du non-respect de leur droit de se réunir pacifiquement, les manifestants sont confrontés au risque d'un usage excessive de la force par la police, de détention arbitraire et de poursuites injustes, a poursuivi l'ONG, déplorant la répression des manifestations pacifiques ces dernières années dans le pays.