Le déploiement de forces de la police turque à la place Taksim d'Istanbul est intervenu à la veille d'une rencontre prévue aujourd'hui entre Recep Tayyip Erdogan et des protestataires. Le Premier ministre turc, droit dans ses bottes islamistes, n'aura consenti à faire preuve d'esprit de dialogue que sous la pression de l'Union européenne. Les forces antiémeutes ont repris leur attitude sans quartier contre les opposants aux desseins d'Erdogan de soumettre la Turquie laïque à la vision islamique de son parti l'AKP, considéré comme le modèle par les islamistes sunnites. La contre-offensive d'Erdogan a immédiatement suscité la réaction de ses protestataires bravant les pluies de grenades lacrymogènes, les canons à eau, les bastonnades et les tirs de balles en caoutchouc. "Nous allons nous battre, nous voulons la liberté", jurent les manifestants massés dans le parc Gezi, ce petit jardin public dont la destruction annoncée a donné le coup d'envoi le 31 mai à la fronde antigouvernementale qui agite aujourd'hui toute la Turquie. Le phénomène a embrasé pas moins de 70 villes. Les forces de l'ordre avaient quitté la place Taksim le 1er juin, après vingt-quatre heures presque ininterrompues d'affrontements violents avec des centaines de manifestants, ameutés par les réseaux sociaux pour dénoncer la brutalité avec laquelle la police avait évacué le parc Gezi à l'aube du 31 mai. Plusieurs centaines de militants associatifs l'occupaient depuis plusieurs jours pour dénoncer l'arrachage des 600 arbres du parc dans le cadre d'un projet contesté d'aménagement de la place Taksim. Depuis le retrait de la police, cette place a accueilli tous les soirs des milliers de personnes, certains jours des dizaines de milliers, qui exigent la démission du chef du gouvernement islamo-conservateur, accusé de dérive autoritaire et de vouloir "islamiser" la société turque. La reprise, symbolique, de la place Taksim est intervenue au lendemain de l'annonce d'une rencontre, prévue aujourd'hui, entre Erdogan et des représentants de la contestation, que ce dernier a présentés à longueur de discours comme des "pillards" ou des "extrémistes". En même temps que ce premier geste concret d'apaisement, Erdogan a averti que "les manifestations illégales ne seraient plus tolérées en Turquie". Au retour de son périple maghrébin, Erdogan a encore durci le ton en multipliant les harangues publiques contre les manifestants, devant des milliers de partisans de son parti : "Ceux qui ne respectent pas le parti au pouvoir dans ce pays en paieront le prix... Si vous continuez comme ça, j'utiliserai le langage que vous comprenez parce que ma patience a des limites"... Sûr du soutien de sa majorité électorale, le Premier ministre, qui a adopté un ton très ferme depuis le début de la crise, renvoie les contestataires aux élections municipales de 2014 pour exprimer leur mécontentement. En 2011, l'AKP était repassé pour la troisième fois consécutive mais avec 49% des voix. Son intransigeance a valu à Erdogan de nombreuses critiques dans le monde entier, notamment de la part de son allié américain, de l'Union européenne (UE) et des organisations de défense des droits de l'homme, qui ont dénoncé le recours excessif à la force par la police turque. Les manifestations à travers la Turquie ont coûté la vie à quatre personnes, trois manifestants et un policier, a déclaré hier le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours prononcé au Parlement à Ankara. "Trois jeunes et un policier ont perdu la vie dans les événements", a dit Erdogan devant les députés de son Parti de la justice et du développement (AKP). Dans la foulée, l'Association turque des médecins (TBB), qui s'en tenait hier matin à un précédent bilan de trois morts, a publié un communiqué à la mi-journée confirmant le bilan donné par le Premier ministre. Le quatrième mort serait un ouvrier de 26 ans, blessé à la tête lors d'une manifestation dans la capitale Ankara, et proclamé plusieurs fois mort par les médias ces derniers jours. Selon les médias turcs, il a été touché à la tête par plusieurs coups de feu tirés par la police, un scénario qui n'a pas été confirmée par les autorités. D. B Nom Adresse email