Les crédits non déclarés, l'inexistence d'une commission d'octroi de crédits et l'absence de dossiers justifiant ces crédits étaient les causes principales du déséquilibre financier qu'a connu la Khalifa Bank et qui ont engendré sa faillite, a déclaré hier à Blida, l'ex-administrateur de cette banque, Mohamed Djellab. Lors de son passage devant le tribunal criminel de Blida en tant que témoin, M. Djellab, nommé par la Commission bancaire de la Banque d'Algérie, a déclaré qu'à son arrivée en mars 2003, il a constaté un "très grand déséquilibre" au sein de la Banque Khalifa, dû au fait qu'"elle ne disposait pas de commission dont la mission, normalement, est d'octroyer ces crédits sur la base de dossiers, lesquels n'existaient pas non plus". Dans ce sens, le témoin a précisé que les actions de la société "Fiba Holding", à titre d'exemple, estimées à 8 millions de dollars n'étaient pas inscrites dans la comptabilité de la banque, mais ont été restituées par la suite, et remises au liquidateur de Khalifa Bank. L'ex-administrateur de la Banque Khalifa a fait savoir également, que "les plus gros consommateurs des crédits étaient les filiales du groupe dont Khalifa Airways et Khalifa construction, eux-mêmes actionnaires au niveau de cette banque, qui avaient consommé près de 60 milliards de DA alors que la réglementation ne les autorise qu'à hauteur de 100 millions de dinars", ajoutant qu'il avait trouvé près de 20 milliards de dinars dans la trésorerie. "Les deux filiales ne prenaient pas de crédits mais plutôt procédaient au retrait de l'argent atteignant un seuil interdit par la loi", a-t-il expliqué, notant que le conseil d'administration de la banque ne s'est réuni qu'une dizaine de fois durant quatre ans. M. Djellab a indiqué qu'il avait pris des mesures pour réduire les opérations de retrait des entreprises pour protéger la capacité financière de la banque, précisant à l'occasion que les informations relatives au remboursement de certaines entreprises "ne sont que des rumeurs". "Il est vrai que Khalifa Bank n'avait pas atteint une situation de cessation de payement, mais elle passait par une situation très difficile qui nous obligeait à prendre des mesures spécifiques", a-t-il témoigné. La défense de l'accusé Rafik Abdelmoumène Khelifa, a questionné l'ex-administrateur sur les propositions qu'il avait mises dans son rapport à savoir "la recapitalisation ou la liquidation?". Est-ce que l'option de la liquidation ne s'était pas faite dans la précipitation?. Est-ce qu'il y a eu des rapports de commissaires aux comptes certifiés et comment expliquer que le déficit financier de la défunte banque est le même depuis douze ans alors qu'entre-temps le liquidateur a pu récupérer des biens et de l'argent?. "Je ne suis pas là pour faire une évaluation, ni pour commenter une décision souveraine, prise sur la base d'une loi en vigueur qui est la loi sur la monnaie et le crédit", a répondu M. Djellab, concernant la liquidation, recommandant à la défense de s'adresser à la Commission bancaire et au liquidateur en ce qui concerne le montant du déficit. "Avez-vous tenté de reconstituer le capital de la banque pour éviter la liquidation en ayant recours aux actifs des agences?", rebondit la défense. "Les filiales, elles-mêmes, avaient des créances", a rétorqué le témoin, enchaînant qu'"il avait fait plusieurs propositions dans son rapport pour améliorer la situation de la banque et la décision idoine revenait à la Commission bancaire", à laquelle il a recommandé de "poser la question sur l'opportunité de la liquidation", relevant qu'il ne peut être formel sur "l'existence de lien entre son rapport et la décision de retrait de l'agrément par la Commission bancaire", soutenant qu'il a fait son travail en tant qu'"expert". A la fin de la séance, l'accusé Abdelmoumène Khelifa a demandé la parole pour s'adresser à l'ex-administrateur l'interrogeant sur son "aptitude à donner des chiffres, alors qu'aucun commissaire au compte n'a validé son rapport?", ce à quoi M. Djellab a affirmé que ces "chiffres ont été, bel et bien, validés par des experts".
Fin des témooignages des accusés ayant purgé leur peine Les derniers témoins ayant purgé leur peine dans le cadre du premier procès de Khalifa Bank ont été entendus samedi par le tribunal criminel de Blida. Quatre témoins ont été entendus par le juge Antar Menouar lors de l'audience de l'après-midi, au seizième jour du procès de Khalifa Bank, à savoir l'ex-président de la commission nationale des œuvres sociales des travailleurs de l'Education (1999-2006), Farid Ben Amer, l'ex-directeur financier de la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas), Mustapha Menad, l'ex-Directeur général de la Caisse nationale de sécurité des non-salariés (Casnos), Hassen Boubedra, et enfin le témoin Youcef Ben Yousfi. Ce dernier étant le seul à n'avoir pas fait l'objet de peine de prison lors du premier procès en 2007. Premier à témoigner, Farid Ben Amer a justifié le choix de Khalifa Bank pour le placement de 500 millions de DA, en raison du taux attractif de 12% pratiqué par celle-ci, au moment où la Banque extérieure d'Algérie (BEA) avait réduit le sien à 2% avant 2001 alors qu'il était auparavant de l'ordre de 11,45%. Interpellé, par ailleurs, sur la carte de gratuité à bord de l'ex-Khalifa Airways dont il a bénéficié ainsi que des membres de sa famille pour se rendre à Dubaï, le même témoin a précisé que des enseignants ont "également profité de ce privilège". L'ancien directeur de la Cnas, Mustapha Menad a soutenu, quant à lui, le dépôt du montant de 10 milliards DA auprès de la banque dissoute et ce, après l'aval du Conseil d'administration de la caisse, présidée par le Secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi-Said. Ayant purgé une peine de quatre ans, l'ex-DG de la Casnos, Hassen Boubedra a argué, de son côté, des "difficultés" à assurer le payement des retraites via la BEA afin de justifier le choix de recourir à la banque privée de Abdelmouméne Khelifa pour y effectuer un placement de 12 milliards de DA, selon le juge Menouar. En réponse à une interrogation du juge, il a reconnu avoir perçu des bénéfices de l'ordre de 490 millions de DA, tout comme il a bénéficié du privilège de gratuité à bord de Khalifa Airways. Interrogé par le juge Menouar sur les "irrégularités" qu'il a relevées au titre des fonctions occupées à l'ex-Khalifa Bank, le témoin Yousfi Ben Youcef a cité le rapport établi en août 2000 dans ce sens et remis à la direction de la banque. Ayant rejoint la banque privée dissoute en 1998 pour y occuper la fonction de commissaire général puis conseiller de Abdelmouméne Khelifa chargé de l'inspection générale 2000, c'est lors de cet exercice qu'il a constaté que les "choses ne marchaient pas normalement", allant jusqu'à qualifier la situation de "chaotique". Le témoin a assuré avoir été écarté de la banque en 2000 "parce qu'il faisait son travail" et qu'il a été affecté à l'ex-Khalifa Airways car "il n'y gênait pas autant", ajoutant avoir reçu tacitement des "menaces de mort" de la part du propre oncle de Abdelmouméne Khelifa, Ghazi Kebbache. Il a reconnu, par ailleurs, avoir bénéficié auprès de la banque d'un prêt social de 150 millions de centimes, remboursé à travers une ponction mensuelle sur son salaire effectuée par son employeur. L'avocat de l'accusé Abdelmouméne Khelifa, Naserredine Lazâar, intervient pour relever la contradiction des propos du témoin, en ce sens que ce dernier a été "promu" mais non pas été écarté, lui a-t-il indiqué.
Des commissions étaient accordées à des clients publics Des commissions étaient accordées à des dépositaires publics à la suite de leurs placements effectués à Khalifa Bank, a révélé pour sa part le témoin Hakim Korse. Entendu par le juge Antar Menouar dans le cadre du procès de Khalifa Bank, le témoin a soutenu que des commissions étaient accordées à des clients du secteur public et qui représentaient un pourcentage variable, proportionnellement au placement effectué auprès de la défunte banque. Ayant purgé une peine de dix ans dans la même affaire, le témoin occupait au moment des faits (fin 1999 début 2000) la fonction de directeur de l'agence d'Oran de ladite banque, au titre de laquelle il avait signé les commissions en question, sans pour autant en avoir négocié les termes, a-t-il affirmé. Citant l'exemple de l'Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI) de Relizane, M. Korse a confirmé au juge que plus d'une trentaine d'entreprises publiques, clubs sportifs, etc, en ont aussi bénéficié alors qu'il avait soutenu, peu de temps avant, n'avoir pas "signé" les documents en question. Tout en imputant la responsabilité directe à l'ex-directeur de la trésorerie de Khalifa Bank, Fouzi Baichi (décédé), il a disculpé l'ex-patron déchu du groupe Khalifa, Abdelmoumène Khelifa, de l'avoir personnellement instruit au sujet de ces opérations.