A la frontière serbo-hongroise, près de Röszke, de nombreux migrants déclarent avoir fui la guerre en Syrie ou en Afghanistan. Mais beaucoup de nouveaux arrivants ne cachent plus vouloir profiter de l'entrouverture des frontières européennes pour simplement fuir la misère. Recouverts de sacs-poubelle noirs pour se protéger de la pluie près d'un bus dont ils ne connaissent pas encore la destination, des Pakistanais avouent avoir tenté leur chance après avoir vu les images d'autres migrants réussir leur passage. Originaires d'Islamabad ou Lahore (nord), ils expliquent que leurs familles respectives les ont désignés pour partir en Europe, afin d'"envoyer de l'argent" pour "les faire vivre" quand ils auront trouvé un travail "en Allemagne". "Au Pakistan, rien ne marche, ni l'électricité, ni l'eau, ni la situation économique", lance l'un d'eux, Moussa. "Nous avons vu à la télévision que d'autres gens avaient réussi à passer en Europe, et nous savons que c'est trop compliqué d'avoir des visas", confie un de ses compagnons au visage émacié, une vieille valise d'hommes d'affaires à la main. Plusieurs dizaines de milliers de migrants ont franchi ces dernières semaines la frontière serbo-hongroise, à destination principalement de l'Allemagne. Le flux a encore grossi après l'annonce par Berlin, le mois dernier, d'un assouplissement de ses conditions d'accueil pour les Syriens.
Véritables victimes Mais s'ils ont le plus souvent affronté les même périls et partagé les mêmes itinéraires - via la Turquie, la Grèce et la Serbie -, l'hostilité entre migrants de différentes nationalités semble s'installer. "Trop de gens ici profitent de la situation. Et nous, les véritables victimes des guerres, qu'allons-nous devenir ?", s'indigne Azir, un réfugié afghan. "Moi, j'ai fui Kaboul car c'est toujours la guerre", insiste-t-il, tandis que sa femme dispose sur un tapis déployé à même la terre un pain rond décoré de pommes et de tomates, en guise de repas. Un autre groupe de jeunes Syriens, originaires de la ville d'Idleb (nord-ouest), soulignent avoir fui "la mort", les tueurs du régime de Bachar Al-Assad et du groupe jihadiste Etat islamique, sans cacher espérer pouvoir aussi aider leurs familles restées au pays. Deux d'entre eux expliquent avoir passé un peu plus d'un an en Turquie, le temps de "gagner suffisamment d'argent" pour venir en Europe, avant de franchir le pas à la faveur de la vague actuelle. Leur destination finale? Ils ne savent pas encore, "la Finlande peut-être", car "là-bas, ils sont champions en informatique".
C'est quoi, le meilleur pays? D'autres Syriens, originaires d'Alep (nord), brandissent des passeports flambants neufs qui auraient été émis à Damas. Vrai ou faux, le sésame peut être précieux pour obtenir le statut de réfugié en Allemagne. Parmi tous ces visages fatigués, un Congolais dit fuir "la guerre dans (son) pays" et "ne toujours pas savoir où aller". "C'est quoi, le meilleur pays pour réussir? " demande-t-il, expliquant avoir transité par le Maroc avant d'arriver en Hongrie. Un autre migrant, un Nigérian, pose la même question. Ils ne savent pas encore où ils iront. Guerre ou pas, la majorité de ces migrants assure jouer sa survie. Des bus affrétés par les autorités hongroises arrivent pour les transporter dans d'autres camps. Des femmes tiennent leurs enfants enveloppés dans des sacs-poubelle pour les protéger de la pluie. Certains bataillent pour décrocher une place à bord et perdent l'équilibre sur un sol de boue devenu aussi glissant que de la glace.