Plus de 350 000 personnes ont risqué leur vie depuis le début de l'année en traversant la Méditerranée, et 2643 personnes sont mortes en mer pour avoir tenté de rallier l'Europe, a révélé par ailleurs le même jour l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). A Budapest, les autorités ont fait évacuer la gare de Keleti après que quelque 500 migrants eurent tenté de monter, dans le chaos, à bord du dernier train qui devait partir pour Vienne à 7h10 GMT. La gare a pu rouvrir, mais a été interdite d'accès aux migrants. L'évacuation, encadrée par plusieurs centaines de policiers dont certains en tenue antiémeute, s'est effectuée sans incident, mais a provoqué une manifestation spontanée de 200 personnes devant la gare criant «Allemagne, Allemagne !» et «Nous voulons partir». La veille, les autorités hongroises avaient fini par autoriser les candidats à l'exil à quitter leurs camps improvisés à l'extérieur des gares de la capitale. Conséquence : un total de 3650 migrants, dont beaucoup sans visas, sont arrivés lundi à Vienne, un record cette année pour une seule journée. Un grand nombre d'entre eux ont passé la nuit de lundi à mardi dans la gare de Westbahnhof à Vienne, espérant poursuivre leur voyage vers l'Allemagne, qui a renoncé à renvoyer les Syriens vers leur point d'entrée dans l'Union européenne (UE), s'engageant à traiter leurs demandes d'asile. D'autres migrants ont pu monter lundi dans des trains à destination de la ville autrichienne de Salzbourg ou de Munich, dans le sud de l'Allemagne. Selon la police allemande, 2200 demandeurs d'asile sont arrivés entre lundi et mardi matin en Bavière depuis l'Autriche, un record pour cette région. Cet afflux de populations fuyant la guerre, les persécutions et la pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique constitue «le plus grand défi pour l'Europe pour les années à venir», a estimé hier le Premier ministre espagnol, Marian Rajoy, à Berlin. Hier encore, l'Italie a annoncé avoir secouru 221 migrants massés dans deux bateaux gonflables au large des côtes libyennes. Plus au nord, la Belgique a enregistré un flux sans précédent d'arrivées et un campement s'est improvisé près du principal centre d'enregistrement des réfugiés à Bruxelles, devant lequel un millier de personnes patientaient lundi. En Suède, l'Agence des migrations a indiqué que le nombre de demandes d'asile dans le pays avait approché la semaine dernière son record historique. Berlin pour une «politique d'asile commune» Les 28 pays membres de l'UE restent divisés, avant une nouvelle réunion d'urgence prévue le 14 septembre. Plusieurs responsables occidentaux ont récemment critiqué les pays de l'Est membres de l'UE pour leur manque d'empressement à accueillir des migrants mais aussi les institutions européennes. «Nous devons maintenant travailler à réussir la mise en place d'une politique d'asile commune (...) et non pas nous accuser les uns les autres, nous devons changer les choses», a déclaré la chancelière Angela Merkel. L'Allemagne, qui s'attend à devoir enregistrer 800 000 demandes d'asile en 2015, un record européen, milite pour la mise en place de quotas d'accueil par pays, une idée rejetée par de nombreux Etats. «La priorité de l'Europe reste d'empêcher les migrants de perdre la vie en tentant de rejoindre l'Europe», a déclaré hier le président du Conseil européen, Donald Tusk, en visite à Zagreb, condamnant toute «réaction hostile, raciste ou xénophobe» sans se prononcer sur l'organisation concrète de l'accueil. Les personnes se rendant par route de Hongrie en Autriche devaient continuer à patienter dans de gigantesques bouchons près de la frontière. La police arrête chaque camion, fourgon ou voiture, dans le but de mettre la main sur des passeurs. Ces mesures ont été mises en place dimanche, trois jours après qu'un camion abandonné eut été découvert dans l'Etat du Burgenland, près de la frontière avec la Hongrie, avec 71 cadavres de migrants en décomposition. Trafic de faux passeports syriens en Turquie Par ailleurs, le patron de l'Agence européenne de surveillance des frontières (Frontex), Fabrice Leggeri, a déclaré hier qu'un trafic de faux passeports syriens s'est instauré, notamment en Turquie, pour faciliter l'entrée de migrants dans l'UE. «Il y a des personnes qui aujourd'hui sont en Turquie, achètent de faux passeports syriens parce qu'elles ont évidemment compris qu'il y a un effet d'aubaine puisque les Syriens obtiennent le droit d'asile dans tous les Etats membres de l'Union européenne», a-t-il révélé à la radio française Europe 1. «Les personnes qui utilisent les faux passeports syriens souvent s'expriment en langue arabe. Elles peuvent être originaires d'Afrique du Nord, du Proche-Orient, mais elles ont plutôt un profil de migrant économique», a ajouté F. Leggeri. Ce trafic ne semble pas peser pour l'heure sur la sécurité dans l'UE. «Aujourd'hui, on n'a pas d'élément objectif pour dire que des terroristes potentiels sont entrés en Europe comme cela», a-t-il noté, tout en appelant à rester «vigilant à toutes nos frontières». Le patron de Frontex a réitéré son appel à l'envoi de gardes-frontières supplémentaires de pays de l'UE en Grèce afin de permettre l'enregistrement de tous les migrants se présentant dans ce pays, aux frontières extérieures de Schengen. «Face à l'afflux, il y a une saturation des systèmes d'enregistrement, donc tous les migrants ne sont pas enregistrés. On a une idée des nationalités (...) mais pas de vision complète sur qui entre et qui sont vraiment les profils de tous ces migrants», a-t-il relevé. Comme il a mis en garde contre une remise en cause de l'espace Schengen, si les migrants affluant en Europe ne sont pas équitablement répartis entre les différents Etats membres de l'UE. «C'est un risque que l'on commence à sentir tous les jours. On voit se multiplier des patrouilles policières le long des frontières intérieures (entre Etats membres de l'espace Schengen)», a dit Leggeri. Et de poursuivre : «Si les frontières extérieures ne peuvent pas être gérées de façon solidaire entre les Etats membres, il y a un risque que chaque Etat reprenne le contrôle de ses frontières nationales, ce qui ne sera pas plus efficace.»