Lundi 28 septembre, Barack Obama et Vladimir Poutine se sont rencontrés dans le cadre d'une réunion à l'ONU. C'est la première fois que les deux homologues se retrouvent depuis 2 ans et il s'agit de la première visite de Poutine à l'ONU en 10 ans. Les deux chefs d'Etat se sont notamment entretenus sur le cas syrien, témoignant de la place de poids que Poutine a su prendre dans la résolution du conflit. Tandis que les Etats- Unis assouplissent leur position, ils se rapprochent de celle prônée par le Kremlin. Faut-il y voir un retour de la Russie, en tant que leader, sur la scène internationale ? Jean-Sylvestre Mongrenier : On ne voit pas bien en quoi les Etats-Unis " assouplissent leur position ", ni en quoi ils auraient été les tenants d'une ligne dure dans la question syrienne. Dès le départ des événements en Syrie, en mars 2011, et malgré la répression menée par le régime de Bachar Al-Assad contre les manifestants, Barack Obama s'est tenue à une certaine distance. Depuis la mise en place de l'Administration Obama, il est évident que les Etats-Unis ne veulent plus se laisser absorber par un nouveau conflit dans le " Grand Moyen-Orient ", selon l'appellation des années 2000. La priorité affichée était le retrait en bon ordre d'Irak et d'Afghanistan, et le transfert des compétences aux autorités locales. L'heure était au " pivot ", ou " rebalancing " vers l'Asie-Pacifique. Aussi, les efforts de l'Administration Obama dans la question syrienne ont-ils été principalement diplomatiques, avec pour idée directrice la préparation du " jour d'après ". Il s'agissait de faire de la Syrie un " anti-Irak " : éviter la déstructuration de l'Etat syrien et mettre en place un cadre régional destiné à faciliter une éventuelle transition politique. Cette diplomatie avait un pré- supposé : la guerre en cours pouvait être bornée et limitée au cadre géographique syrien. Si la suite des événements a invalidé ce présupposé, la diplomatie américaine n'a pas fondamentalement changé son approche. L'acceptation d'un plan de désarmement chimique de l'Etat syrien, en septembre 2013, en témoigne. L'émergence de l'" Etat islamique " a bien conduit Obama à mettre en place une coalition, pour mener des opérations aériennes et appuyer des forces autochtones au sol, mais un engagement terrestre demeure exclu. Quant au leadership russe, on peine à en voir les contours. L'activisme diplomatique russe de l'été dernier n'a rallié aucune puissance sunnite de la région, et les réunions à Moscou entre d'une part les représentants de Damas, d'autre part ceux de l'" opposition civile " n'ont rien donné de tangible. Parler de " leadership " russe relève du discours autoréférentiel : on ne le constate pas sur le terrain. En définitive, l'envoi d'un mini corps expéditionnaire dans le Nord-Ouest de la Syrie et le renforcement de l'alliance avec le régime iranien sanctionnent l'échec des tentatives diplomatiques. Le régime de Bachar Al-Assad, dont les forces s'épuisent, est le seul garant des intérêts strat égiques russes sur les côtes syriennes. Il faut donc lui sauver la mise. La rhétorique est grandiloquente mais les objectifs politico- stratégiques de cet engagement militaire sont limités : la sanctuarisation de Tartous, de Lattaquié et du " réduit alaouite ". Pour ce faire, l'axe Moscou-Damas-Téhéran, complété par le Hezbollah, est renforcé. Ce front russo-chiite ne saurait constituer la base d'un quelconque leadership russe dans un Moyen-Orient très majoritairement sunnite. Il aura même des effets inverses.