Intouchable lors du Clasico sur la pelouse du Real Madrid (0-4), impressionnante face à la Roma (6-1), en Ligue des champions, l'équipe de Luis Enrique paraît aujourd'hui inarrêtable. L'est-elle vraiment ? Eléments de réponse avec le match face à la Real Sociedad, samedi (16 heures). La question peut être abrupte. Voire un peu lourde. Mais elle a ouvert un débat en Espagne. Ici, on se pose vraiment la question de savoir si ce Barça est imparable. Alors que Barcelone ne faisait pas trop parler de lui, notamment en France, deux matches à haute portée médiatique ont déclenché l'alerte rouge : la victoire dans le Clasico (4-0) et la démonstration en Ligue des champions, face à l'AS Roma (6-1). Tout a été dit, ou écrit, sur la correction "culé" à Bernabeu. La maîtrise du milieu de terrain, l'identité de jeu plus forte, la capacité de resserrer les lignes et donc les espaces... Et cela s'est confirmé face à l'AS Roma, qui n'est pourtant pas un inconnu dans le paysage européen. A titre personnel, ce match m'a rappelé certaines démonstrations continentales vues au Camp Nou. Comme face au Bayern de Klinsmann en 2009 (4-0). Quand il est dans un tel soir, le Barça n'a rien à craindre. Pour l'adversaire, il n'y a rien à faire. Attendre. Ou espérer que la tempête blaugrana n'emporte pas tout sur son passage. J'étais à quelques mètres de Rudi Garcia quand il est passé en conférence de presse d'après-match. Son regard ne laissait rien paraître. Pas de frustration, ni de déception. Un peu de résignation peut-être. Il avait rapidement compris que son rival était intouchable. "Nous ne serons pas les derniers à connaître une déroute face au Barça", a-t- il déclaré quelques minutes après avoir déploré les absences de Salah et Gervinho, ses deux dragsters sur les côtés. Deux absences de poids côté romain qui n'auraient pas forcément changé grand-chose.
La MSN: 121 buts en un an, record mondial Avant d´affronter la Real Sociedad samedi, au Camp Nou, la MSN - Messi, Suarez, Neymar - a marqué 121 buts au cours de l´année (à partir de janvier 2015). Un record. 43 buts pour Messi (malgré sept semaines d´arrêt), 39 pour Neymar et 39 pour Suarez. Aucune attaque au monde n'a été si productive dans l'histoire. A lui seul, le trio a marqué plus de buts que le PSG, Manchester City, la Juventus ou le Real Madrid. En l´absence de Messi, Ney et Suarez se sont répartis les buts. Ils ont pris du galon. Iniesta est redevenu le milieu de terrain "total" que l´on voyait déjà avec Guardiola. Quant à Sergio Busquets, il a définitivement acquis le titre de meilleur milieu de terrain défensif du monde. Tous ses joueurs, plus d'autres dans l´ombre (Bravo, Sergi Roberto, Alvès - revenu au niveau - etc.) ont fait un peu plus en l'absence de leur leader Messi. Alors qu'il y a deux ans, Barcelone aurait été incapable de garder le même niveau, la maturité des autres joueurs a même permis au champion d´Europe de progresser ! Il n'y a plus de Messi-dépendance au Barça et c'est une excellente nouvelle pour les supporters culés. L'Argentin reste le boss incontesté, mais peut compter sur deux lieutenants, Suarez et Neymar, qui, en outre, lui ont fait allégeance. Et avec qui le courant passe très bien.
Luis Enrique a apporté des petites touches A ce propos, un mot sur Luis Enrique, autre acteur majeur. Le coach du Barça a été tout près de perdre sa place en janvier 2015, six mois après son arrivée. En conflit avec Messi, il avait finalement sauvé son poste grâce à sa force de caractère, l´intervention en interne de Xavi et un assouplissement des règles communes. Aujourd'hui, on le voit rigoler avec Messi, comme ce fut le cas samedi à Bernabeu, une heure avant que le match ne commence... Tout en gardant les mêmes principes de jeu (contrôle du ballon, pression défensive intense pour le récupérer en cas de perte, jeu offensif), l'ancien coach du Celta Vigo a introduit des changements, basant son jeu sur son attaque plus que sur son milieu de terrain, le sceau de Pep Guardiola. Alors qu'au fait de sa gloire, le trio Busquets-Xavi-Iniesta, souvent épaulé par Messi comme faux 9 (plus numéro 10 que 9, d´ailleurs), faisait tourner le ballon pour trouver la faille, la transition offensive se fait bien plus vite désormais. Les milieux doivent toucher la MSN en trois-quatre passes maximum. Un changement intéressant et rendu nécessaire au fil des années. Aujourd'hui, Barcelone n´est plus prévisible. En un contre un, Neymar (épaulé par les montées de Jordi Alba) et Messi (épaulé par celles d´Alvès) peuvent passer n'importe qui. Quant à Suarez, son instinct de buteur, ses fausses pistes et sa bonne qualité de passe en font un complément idéal.
Le Bayern Munich... et l'Atlético Madrid, uniques rivaux ? Alors, qui peut arrêter le Barça vers son ascension ? Les blessures ? Arda Turan et Aleix Vidal apporteront de la profondeur de banc en cas de coup dur. Le mois de janvier, traditionnellement compliqué ? Possible, d´autant que le Mondial des clubs en décembre sera énergivore. Le Barça peut très bien payer la note à un moment, comme en 2009-2010 ou en 2011-2012. Les rivaux ? Le Real doit déjà régler ses problèmes internes avant de frapper à la porte. Le PSG ? Son manque de réalisme le pénalisera à un moment. La Juventus ? La "Vieille dame" paraît loin de son niveau de la saison dernière. Manchester City ? Cela fait deux saisons que l'on voit le gouffre entre ces deux formations. A titre personnel, je vois deux équipes capables, sur deux matches, de faire du mal au Barça. La première est l´Atlético Madrid. Toujours cohérent, toujours extrêmement bien coaché, toujours intense, toujours avec, selon moi, le meilleur défenseur du monde (Godin) et toujours bien organisé. Avec l'avènement de Griezmann et une batterie de joueurs capables de se sublimer, l'Atlético n´est pas à écarter. L'autre club est évidemment le Bayern Munich. Le club bavarois est actuellement le miroir du Barça en termes de statistiques, de jeu offensif et de domination globale des adversaires. Guidé par Pep Guardiola, le Bayern écrase tout. Il compte des joueurs fabuleux dans son effectif (Muller, Lewandowski, Lahm, Douglas Costa, Robben...) et peut parfaitement changer de tactique pendant un match. Un travail minutieux entrepris il y a deux saisons par "Herr Pep". Luis Enrique, qui a testé le 4-4-2, a aussi fait évoluer le Barça. Il dispose désormais d´une autre solution que le traditionnel 4-3-3 en place depuis les années Cruyff.
Roger Torello (Mundo Deportivo) : "Le principal rival du Barça est le Barça lui-même" "Le Barça est imprenable en ce moment. Tout est cohérent. Il attaque avec raison, recherchant le brio technique de ses trois stars, avec Iniesta à la baguette. On sent que Barcelone peut marquer à n'importe quel moment et contre n'importe qui. Défensivement, il y a un monde entre ce que l'on voit maintenant et les erreurs du début de saison. Je mets ça sur la déconcentration et la digestion post-Triplete. L'équipe n'avait pas changé et a pu compter sur un international de plus avec Vermaelen. Tout le monde veut maintenant récupérer le ballon et jouer pour le partenaire. La communion est totale. Franchement, je ne vois personne contester sa suprématie. Le Bayern souffrira de la faiblesse de la Bundesliga quand viendra son heure. Il n´a pas de rival depuis trois ans. Le principal rival du Barça est le Barça lui-même."
Hector Fernandez (Onda Cero Madrid) : "Ce Barça peut toujours trouver la solution" "Qui est invincible dans le sport ? Sur un match personne. Mais actuellement, il y a le Barça, le Bayern, puis les autres. Ils sont injouables et sont dans une forme éblouissante. La sensation avec ce Barça est qu'il peut toujours trouver la solution. Les alternatives dans le jeu, les joueurs, sont presque infinies, comme au Bayern. En plus, Luis Enrique a gagné la crédibilité dont il avait besoin avec le Triplete. Il peut tout essayer. C´est un chercheur. Le groupe l´écoute et le suit. Turan et Vidal vont étoffer un groupe relativement restreint, mais où chacun est impliqué à 100%, car il sait qu´il peut jouer à n'importe quel moment. Je crois que si l´on raccorde l´époque Guardiola avec celle que nous vivons maintenant, on peut parler de dynastie."
Juan Arias (Cadena COPE): "Je trouve même le Barça meilleur qu'il y a quelques mois" "Les circonstances ont fait que l'on a redécouvert le Barça. Messi n'étant plus là, cela n´a pas changé grand-chose au problème. Barcelone a continué de gagner. Et à produire un grand spectacle, les deux choses que veulent les socios. Je trouve même le Barça meilleur qu'il y a quelques mois. Il est de plus en plus dur de lui mettre un but. Le ballon est conservé la plupart du temps, et en cas de perte, la pression est si intense, qu´elle gêne le rival dans l´élaboration de ses actions. L´ambiance paraît super autour de deux grands frères que sont Iniesta et Messi. Avec Piqué et Busquets, les deux sont les garants de la philosophie du FCB. Et enfin, Barcelone peut compter sur deux super gardiens, dont on parle peu, ce qui est plutôt un bon signe."