Au lendemain de régionales sans véritable vainqueur, la campagne pour la présidentielle de 2017 est lancée, et les couteaux sont sortis dès lundi à droite avec l'éviction de Nathalie Kosciusko-Morizet de la direction des Républicains par Nicolas Sarkozy. Devant des journalistes, l'ancien chef de l'Etat a plaidé pour "une nouvelle équipe" dans "un souci de fond et de cohérence". "Penser que le parti se renforce en s'épurant, c'est une vieille idée stalinienne", a réagi NKM. "Moi, je n'échange pas mes convictions contre une place", a ajouté celle qui avait contesté la stratégie de M. Sarkozy du "ni-ni" face au FN, et qui l'avait bruyamment rappelé dimanche soir. Alain Juppé, l'un des rivaux de M. Sarkozy à la primaire de la droite pour la présidentielle de 2017, a estimé que "l'exclusion n'est jamais une bonne réponse". L'éviction de NKM risque d'occulter l'un des principaux débats en cours chez Les Républicains: faut-il avancer la primaire à droite prévue fin novembre 2016? "Avant l'été" comme l'a suggéré lundi Luc Chatel, conseiller politique de Nicolas Sarkozy? C'est clairement non pour François Fillon, qui y est "totalement hostile". Bruno Le Maire, lui, n'en voit "pas l'intérêt". Et ça sera sans Xavier Bertrand: le futur président de la grande région Nord a annoncé lundi soir qu'il retirait sa candidature pour se consacrer uniquement à sa région. Qui est le vrai vainqueur des régionales? En nombre de sièges, de régions et de voix, la droite est la gagnante du scrutin. Mais, malgré la conquête de l'Ile-de-France, qui lui échappait depuis 17 ans, et de Rhône-Alpes-Auvergne, la vague bleue n'a pas eu lieu. Deux des sept futurs présidents de région -Xavier Bertrand dans le Nord et Christian Estrosi en Paca- et dans une moindre mesure un troisième -Philippe Richert dans le Grand Est- ont bénéficié du "front républicain" dicté par le PS qui, donné moribond, parvient à garder cinq régions. Incapable de ravir une région, le Front national a encore pâti du "plafond de verre", mais tous ses voyants sont au vert. Le parti d'extrême droite a totalisé 6,8 millions de voix (27,39%) dimanche soir, améliorant même le record établi par Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2012, avec vingt points de moins de participation. Paradoxalement, sa défaite dans le Nord fait plutôt les affaires de Marine Le Pen, libre, d'ores et déjà, de préparer le grand rendez-vous de 2017. Mais, malgré des scores en progression, la grande question demeure au FN: comment franchir la dernière marche, seul contre tous et sans alliances? ". Robert Ménard, le maire de Béziers, a demandé lundi au FN dont il est proche de "s'ouvrir à des personnalités indépendantes de la droite patriote" en vue de cette échéance. A gauche, le soulagement est perceptible: cinq régions conservées (Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté) et un barrage efficace face au FN dans les deux régions où la gauche s'est sacrifiée en se désistant, ce qui pourrait conforter le Premier ministre Manuel Valls dans sa stratégie. Discret pendant la quinzaine électorale, absorbé par la situation internationale et la COP21, qui s'est soldée par un succès, le président François Hollande peut être relativement satisfait: ses possibilités de réélection en 2017 ne sont pas anéanties, la gauche de la gauche sort éclatée du scrutin et le réflexe anti-FN a fonctionné. La tâche, pour le chef de l'Etat, n'en est pas moins immense: orchestrer, en moins de dix-huit mois, une solide alliance de la gauche à laquelle le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis semble déjà travailler en appelant à une "inflexion" pour "faire barrage aux inégalités" et au "précariat". Manière aussi de préempter sans attendre le discours des "frondeurs", pour ne pas laisser le débat se disperser à gauche. Comme il l'avait promis dès dimanche soir, M. Valls prépare avec le président et le gouvernement des mesures sur l'emploi qui seront annoncées "au mois de janvier", et notamment un plan "massif" sur la formation des chômeurs, mais aussi des mesures concernant l'apprentissage et les emplois de service.
Vers un grand parti centriste après les régionales 2015? Après les régionales, la presse française s'interroge sur qui est le réel vainqueur, certains médias n'attribuant la victoire à personne, affirmant qu'il s'agit d'une défaite pour tous. D'autres s'interrogent sur le destin des partis. Jean-Numa Ducange spécialiste de l'histoire de la gauche, commente les résultats dans un entretien pour Sputnik. Jean-Numa Ducange, spécialiste de l'histoire de la gauche, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Rouen et membre du laboratoire GRHIS, affirme qu'il y a une chose certaine à l'issue des régionales 2015, c'est que le parti socialiste s'en tire mieux que ce que l'on avait pensé il y a quelques semaines. Pourtant, des questions d'ordre stratégique se posent. Comme le PS s'est retiré des deux régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA, son destin est incertain d'après le spécialiste, notamment car historiquement il est très implanté dans le nord où ce parti n'avait plus de représentants au deuxième tour. Généralement, il existe une voie très probable, annoncée notamment par Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'assemblée nationale qui appelle à l'élargissement de la gauche réformiste en affirmant qu'"il faut créer quelque chose de nouveau, un grand parti de gauche réformateur". D'après M. Ducange, c'est aussi le projet du premier ministre français Manuel Valls qui réclame une sorte de grand parti centriste, démocrate, comme il en existe dans d'autres pays. M. Ducange en déduit donc que ces" élections vont probablement accélérer au moins pour la gauche la recomposition politique". L'expert explique qu'en regardant le scrutin attentivement, on peut constater que le PS n'aurait probablement pas pu gagner de région sans le report des voix d'une part des écologistes et d'autre part du Front Gauche. Il reste à savoir si c'est un grand parti centriste qui va naître pour regrouper des personnes de la gauche avec des éléments de la droite ou si c'est un projet plus traditionnel qui va allier le PS avec l'autre gauche. Ces élections ont montré qu'il est difficile de prédire dans quelle direction les uns et les autres vont se tourner. Quant à l'extrême droite, dont le danger n'est pas écarté selon M. Valls, Jean-Numa Ducange constate un grand succès pour cette dernière car même si elle n'a pas remporté de région elle a eu beaucoup d'élus régionaux, surtout dans le nord où il n'y a eu aucun élu de gauche. Pourtant, l'échec du Front national est facile à expliquer. Si les électeurs de gauche ont du mal à voter pour FN, ils votent pour des partis pas très éloignés du FN. Alors, d'après le spécialiste, "si on part de l'hypothèse que le champ politique va éclater et qu'il va y avoir une grande force centriste pourquoi pas du côté du FN une alliance avec une partie de la droite, ce qui lui permettrait alors d'avoir les quelques pourcents qui lui manquent pour gagner une région, voire plus, voire gagner le pouvoir présidentiel en 2017". Il explique "qu'un certain nombre d'électeurs de gauche ont été votés contre le Front national car certains responsables de gauche dans le sud de la France ne font pas réellement de différence entre le FN et le maire de Nice et qui représente une frange assez dure de la droite". Quant aux chances de François Hollande, malgré son impopularité, c'est qu'il y ait une division dans la droite classique et qu'il se retrouve face à Marine Le Pen, il pourrait gagner alors grâce au front républicain. Jean-Numa Ducange rappelle qu'historiquement, quand la gauche avait gagné en 1981, François Mitterrand avait gagné les élections avec une division de la droite entre Giscard d'Estaing et Jacques Chirac.