Les inquiétudes sur la croissance mondiale et le secteur bancaire ont à nouveau secoué les Bourses mardi, notamment celle de Tokyo qui a chuté de 5,40% et les places européennes, alors que New York résistait. Après un sursaut aussi limité qu'éphémère à l'ouverture pour les principales Bourses européennes, la morosité a vite repris ses droits et la plupart ont accentué leurs pertes à la mi-journée et ont terminé en forte baisse. Paris a perdu 1,69%, Francfort 1,11%, Madrid 2,39%, Milan 3,21%, Londres 0,88% et Zurich 2,27%. De son côté, la Bourse de New York essayait de se stabiliser, peu après une ouverture en baisse. La journée avait débuté par la dégringolade de la Bourse de Tokyo de 5,40% à la clôture, à la suite des fortes chutes des marchés européens et américains lundi. Les investisseurs nippons ont cherché refuge dans le yen, en nette hausse, l'or profitant lui aussi de la quête générale de sécurité. "La volatilité l'emporte sur la logique", note John Plassard, chez Mirabaud Securities. "Entre informations déprimantes sur le pétrole et stress bancaire, le cœur des investisseurs balance", observe-t-il. De multiples facteurs dépriment les marchés, entre faiblesse persistante des prix du pétrole, indicateurs économiques moroses et désormais chute des valeurs bancaires. "Si les investisseurs espéraient une semaine calme", notamment en raison de la fermeture des marchés chinois pour les célébrations du Nouvel An, "le réveil a été très brutal", remarque Michael Hewson, analyste chez CMC Markets. Les craintes se sont concentrées ces derniers jours sur les banques alors que depuis le début de l'année le marché ne regardait quasi exclusivement que les prix du pétrole. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a néanmoins battu en brèche mardi les espoirs d'une remontée des prix du pétrole à court terme, confirmant que le monde devrait rester submergé d'or noir face à une demande fragile. Au-delà du pétrole, "le stress sur le secteur bancaire prend de plus en plus d'ampleur et le risque de propagation est bien présent", prévient John Plassard, chez Mirabaud Securities. Les valeurs bancaires ont souffert, comme la veille. Deutsche Bank a perdu 4,27% à Francfort, Intesa Sanpaolo 8,37% et Unicredit 11,79% à Milan malgré un bénéfice net en recul mais meilleur que prévu en 2015, et Société Générale 4,38% à Paris.
Coordination du G20 Le secteur "fait face à de nombreux problèmes" dont une baisse des profits, une économie mondiale qui ralentit et des taux négatifs à travers la planète, réduisant de ce fait leur capacité à améliorer leur rentabilité au moment où la réglementation leur demande de renforcer leurs fonds propres, détaille M. Hewson. "Il est assez simple de comprendre qu'elles ne peuvent pas faire tout en même temps", selon l'analyste. Deutsche Bank, première banque allemande laminée en Bourse ces dernières semaines, s'est d'ailleurs vue dans l'obligation de publier un communiqué destiné à rassurer les investisseurs sur sa capacité à payer ses dettes. De même, Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), a tenté d'éteindre le feu, en soulignant que les incertitudes qui menacent l'économie mondiale ne viennent pas de la zone euro. Il a souhaité une coordination des pays du G20, qui se réunissent à la fin du mois à Shanghai, "face à la dépréciation quasi généralisée des devises émergentes pour limiter tout risque de contagion au sein de l'économie mondiale", rappellent les stratégistes de Crédit Mutuel-CIC. Les investisseurs s'interrogent en effet sur la capacité des banques centrales à agir dans cet environnement économique mondial dégradé. La BCE devrait probablement agir en mars mais c'est la Réserve fédérale américaine (Fed) qui concentre pour l'heure l'attention, alors que sa présidente Janet Yellen doit s'exprimer devant le Congrès américain mercredi et jeudi. Le marché était jusqu'à présent convaincu que la Fed allait être très patiente avant de remonter à nouveau ses taux mais le dernier rapport sur l'emploi américain a comporté quelques bonnes nouvelles qui entretiennent la confusion sur l'avenir de la politique monétaire. De son côté, le marché obligataire bougeait peu alors que les investisseurs s'étaient rués lundi vers les actifs les moins risqués comme la dette allemande dont les taux d'emprunt avaient fortement reculé. Sur le marché des changes, l'euro progressait face au billet vert, à 1,1317 dollar. Enfin, l'or, véritable baromètre de la peur du marché, était en légère hausse à 1 194 dollars l'once après avoir grimpé la veille, signe de la frilosité des investisseurs.
Wall Street à la recherche d'un plancher Wall Street a fini mardi une séance en dents de scie en petite baisse, les investisseurs semblant plus intéressés à trouver un plancher qu'à épouser la déprime des autres Bourses: le Dow Jones a perdu 0,08% et le Nasdaq 0,35%. Selon des résultats définitifs, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a cédé 12,67 points à 16 014,38 points après avoir longtemps oscillé autour de l'équilibre, et le Nasdaq, à dominante technologique, 14,99 points à 4.268,76 points. Jugé le plus représentatif par de nombreux investisseurs, l'indice élargi S&P 500 a baissé de 0,07%, soit 1,23 point, à 1 852,21 points. "Il semble que (quand le Dow Jones arrive) aux alentours de 16.000 points, les gens cherchent des occasions d'achat", ce qui limite le recul, noté Alan Skrainka, chez Cornerstone Wealth Management. Il s'est dit toutefois convaincu que "la volatilité va persister tant que les prix des matières premières ne se stabiliseront pas". Or les cours du pétrole, également hésitants pendant une bonne partie de la séance, ont fini la journée en nette baisse, tout comme les principales Bourses européennes, et surtout la Bourse de Tokyo, qui avec une chute de 5,40% de l'indice Nikkei a connu sa pire séance depuis juin 2013. "C'est un marché qui reste guidé par la peur (...) que la croissance lente devienne une croissance négative", a estimé Peter Cardillo, chez First Standard Financial. Pour ce qui est des Etats-Unis, la Maison Blanche a tablé dans son projet de budget sur une croissance de 2,6% cette année et la prochaine, en notant que la faiblesse de l'économie à l'étranger allait "probablement peser sur la croissance". Les investisseurs attendent désormais l'audition parlementaire de mercredi de la présidente de la Réserve fédérale Janet Yellen, "à la recherche d'indices pour discerner les prochaines décisions de la Fed", a dit M. Skrainka. "Nous espérons très fort qu'elle enverra le signal que la Fed ne sera pas excessivement déterminée (à rester sur la voie d'une hausse des taux d'intérêt), vu la volatilité des marchés financiers et la faiblesse de l'économie mondiale", a-t-il dit. Sinon, "le marché chutera", a-t-il prévenu. Mardi soir plusieurs analystes soulignaient que non seulement de prochaines hausses des taux d'intérêt semblaient incertaines, mais également que la Fed elle-même avait le mois dernier invité les grandes banques à envisager un éventuel scénario de taux négatifs. Les responsables de la Fed "doivent s'assurer d'avoir les outils dont ils ont besoin, si par exemple l'économie entre en récession", a dit M. Skrainka.
L'énergie en souffrance Le secteur de l'énergie a été encore pénalisé par le recul des cours du pétrole. Anadarko, qui a baissé son dividende, a lâché 7,02% à 37,24 dollars, Chevron 3,57% à 82,92 dollars et Halliburton 4,02% à 29,59 dollars. Le groupe Viacom s'est effondré de 21,48% à 32,86 dollars, après des chutes du bénéfice et du chiffre d'affaires trimestriels bien plus prononcées que prévu, alors que le directeur général, Philippe Dauman, vient juste de se voir couronner P-DG. Le groupe de médias 21st Century Fox, qui rassemble les activités audiovisuelles de la famille Murdoch, a perdu 1,85% à 24,14 dollars, après avoir une prévision annuelle revue en baisse après des performances décevantes au cinéma. Les investisseurs ont en revanche salué la performance du fabricant de pneus Goodyear, qui a bondi de 4,21% à 27,45 dollars. La baisse de ses résultats annuels, avec notamment un bénéfice net divisé par six en raison d'une lourde charge comptable liée au Venezuela, a été moins marquée qu'anticipé par les analystes. Coca-Cola, qui vu progresser ses ventes annuelles et dopé son bénéfice à coup de réductions de coûts, a gagné 1,52% à 43,30 dollars, après avoir également annoncé la cession de ses activités d'embouteillages en Chine et en Amérique du nord. La chaîne d'habillement Gap a perdu 3% à 23,27 dollars. Elle a relevé sa prévision de bénéfice annuel, en dépit d'une baisse des ventes en janvier. Le marché obligataire est resté en hausse. Le rendement des bons du Trésor à dix ans s'affichait à 1,731% contre 1,756% lundi soir, et celui des bons à 30 ans à 2,551% contre 2,584% précédemment.